Une statue du Fürher aux enchères. Celle-ci avait suscité l’effroi lors de sa première exposition au musée Guggenheim en 2012. Finalement, la pièce vient de trouver acquéreur à New York pour la maudite somme de 17 millions de dollars.
Maurizio Cattelan, artiste italien résidant à New York, est réputé pour son goût de la provocation. En 1999, le sculpteur avait déjà attiré l’attention avec La Nora Ora, une imitation grandeur nature du pape Jean-Paul II écrasé par une météorite. Logée dans une galerie de Varsovie en 2000, la reproduction avait soulevé la colère de nombreux Polonais catholiques.
Le défi artistique
Il a hésité mille fois. Dois-je reproduire le plus grand criminel de l’Histoire ? La liberté artistique est-elle totale ? Vais-je devoir porter le fardeau d’antisémitisme ? Ces questions ont longtemps tourmenté l’artiste italien. En 2001, il donne naissance à « Lui », une sculpture représentant l’irreprésentable. Costume gris sans signe ostentatoire, ni distinction militaire ou croix noire sur bandeau rouge. Adolf Hitler prie à genoux, les mains enlacées l’une dans l’autre, un regard sombre tendu vers le ciel. Les dernières heures d’un Maître résigné à l’échec, conscient de la chute inévitable de son règne. Son visage morne est celui d’un stratège vaincu implorant les dieux une ultime fois de lui confesser les raisons de cette cuisante débâcle.
Une création très controversée
C’est lors d’une rétrospective Cattelan au musée Guggenheim à New York en 2012 que la sculpture provocante est pour la première fois exposée au public. Intitulée « Bound to fail » (« voué à l’échec »), la soirée accueillait une quarantaine de pièces d’art moderne et contemporain, explorant le thème de l’échec commercial, associé à la prise de risques pour repousser les frontières de l’art. L’imitation du tyran à courte moustache était attendue. Et comme elle le laissait entrevoir, celle-ci a évidemment suscité émotions et polémiques.
Et plus encore lorsque la statue s’installait provisoirement à Varsovie quelques mois plus tard, dans l’ancien ghetto de la capitale polonaise. Si le créateur de l’oeuvre et le directeur de l’exposition dénotaient une vertu éducative en affichant le mal ainsi, les associations juives dénonçaient quant à elles « une provocation insensée qui insulte la mémoire des victimes » en ajoutant que la seule prière d’Hitler était la suppression absolue du peuple juif.
Une sculpture comme une autre ?
La liberté artistique est donc partielle. Au même titre que les humoristes et satiristes, peintres et sculpteurs sont soumis à l’intolérance des radicaux. Leur créativité se heurte immuablement à une volonté de censure, de taire la provocation, d’effacer ce qui dérange. Pourtant, reproduire Hitler n’induit pas nécessairement une idéologie nazie et l’intention d’offenser quiconque chez son concepteur. Toujours est-il que l’oeuvre n’a pas suscité que le dégoût. Certains en sont tombés sous le charme au point d’y faire gravir les enchères jusqu’à un sommet jamais atteint par Maurizio Cattelan, dont le précédent record avoisinait 7,9 millions de dollars. Hier à New York, la pièce troublante a trouvé acheteur pour 17 millions. L’art n’a pas de prix. Néanmoins, débourser un tel pactole pour s’offrir Hitler en cire laisse en effet perplexe. Quel atypique personnage se cache derrière cet acquéreur anonyme ? Fidèle admirateur antisémite ou simple plaisir décoratif d’un collectionneur excentrique ?
Les goûts et les couleurs sont propres à chacun. La sensibilité artistique est subjective et n’admet la plupart du temps aucune explication rationnelle. Alors, pourquoi pas Adolf ?