Dans un pays qui compte près d’un habitant sur quatre au chômage, une formation propose d’enseigner les rudiments de la prostitution à des jeunes femmes souvent désespérées. Le plus vieux métier du monde est-il une solution viable et pertinente contre la crise ?
Avant de s’attaquer à un sujet aussi délicat, efforçons-nous de sortir du carcan bien-pensant, qui fait si souvent foi au sein des sociétés occidentales. Oui, les espagnols en sont arrivés au point de dispenser des cours de prostitution. Mais s’en arrêter à ce bref constat sans en chercher les véritables causes serait catastrophique. Là est l’important, ne pas juger. Considérer que le peuple espagnol serait vérolé par une quelconque propension perverse serait sans doute bien plus simple. Mais la vérité est ailleurs. La crise bouleverse les mœurs. On a déjà longuement entendu parler de Rasquera, ce petit village catalan sur-endetté, lancé dans une gigantesque entreprise de culture de cannabis. Là non plus, ce n’est pas par plaisir. En réalité, la drogue et la prostitution deviennent des solutions alternatives pour enrayer une machine économique sur le point d’exploser.
« Poste assuré à l’issue de la formation »
« Travail immédiat ! Cours de prostitution professionnelle. Un travail très rentable pour les deux sexes ». L’écriteau, affiché au coin d’une rue à Valence, est à l’origine de la cacophonie. L’annonce de la discorde pose également les conditions de l’inscription à « l’école du sexe » : être majeur, et surtout, ne pas être timide.
Selon Rue 89, la formation s’étale sur une semaine, et propose à ses apprentis des cours pratiques et théoriques : « Deux heures par jour pendant lesquelles l’élève s’exerce sur des jouets sexuels, le Kamasutra et d’autres matières portant sur le sexe. Prix des cours : 100 euros, un poste de travail étant assuré à la fin de la formation ».
Les formations qui peuvent promettre à leurs étudiants des débouchés certains ne sont pas légions. La prostitution n’est pas le résultat d’un calcul rationnel, mais d’un signal de détresse. On ne se prostitue pas – nécessairement – pour gagner de l’argent facilement, mais pour survivre. Ces « enseignants du sexe » exploitent-ils le sentiment de détresse exacerbé par la crise économique ? Possible. Mais là, encore, difficile de juger. En Espagne, la prostitution est légale et les villes regorgent de maisons closes.
L’ambiguïté de la loi espagnole
Comme on pouvait s’y attendre, les autorités ont été interpellées par l’annonce insolite.
En avril dernier, le gouvernement autonome de Valence a ouvert une enquête dans le but de déterminer s’il y a délit de proxénétisme, ou non. Il pourrait être jugé comme tel si les policiers découvrent que les cours s’adressent aux mineurs ou qu’« ils prônent la prostitution ». En somme, la prostitution est légale, si elle n’est pas encouragée.
Pour faire le parallèle avec le cannabis, la consommation est autorisée mais sa commercialisation ne l’est pas. La juridiction espagnole est empli de ce genre de décrets ambigus, et nombreux sont ceux qui flirtent avec la ligne rouge, sans pour autant la franchir complètement. Ce vide juridique, mère de bien des maux, est pour de nombreux observateurs, à l’origine de la banalisation du commerce de la prostitution et de la drogue.
Quant à la presse ibérique, elle ne contribue qu’à brouiller un peu plus une société en manque de repères. Les deux grands quotidiens espagnols El Pais et El Mundo dénoncent ces cours sexuels pratiques et théoriques, et publient, dans la même édition, des petites annonces de prostitution. Difficile de ne pas crier à l’hypocrisie.
Tristan Molineri