Le dernier opus de Benh Zeitlin met en scène une société hors-normes vue à travers les yeux d’une petite fille. Interroge-t-il un passé douloureux ou fait-il peau neuve d’un monde qui a survécu au 21 décembre ? Est-il engagé ?
[divide]
Tout bon étudiant en journalisme qui s’est farci un quotidien à ficher ces trois dernières années aura du mal à se détacher des images de la Nouvelle-Orléans inondée par l’ouragan Katrina en visionnant les aventures de HushPuppy, petite Kirikou qui joue les gros bras. Bardé des prix de trois festivals (Grand prix du jury à Sundance, Deauville et Caméra d’Or à Cannes), Zeitlin ne peut qu’inviter à une réflexion, voire à une comparaison avec les situations qu’ont vécu en 2005 tous les sinistrés.
Zeitlin suit l’évolution d’un groupuscule auto-géré à l’écart de la société, sorte de rassemblement hétéroclite inondé par un immense ouragan. Leur mot d’ordre : ne pas pleurer. Quand la lutte pour la survie devient un combat contre la norme, notre petite héroïne (exceptionnelle jeune actrice) et son père mourant n’en finiront pas de se battre.
Le contraste avec les situations de 2005 et plus récemment fin 2012 avec l’ouragan Irene qui a soufflé du côté de Manhattan (New York) est frappant. Avec la destruction de toute habitation en Nouvelle-Orléans, la montée des eaux avait également entraîné la montée de l’insécurité et du racisme. Pour n’en citer qu’une, l’affaire Danziger avait révélé une bavure de la police armée contre des civils sans défense ainsi que des désertions de postes. Or dans la fable de Zeitlin, une équilibre bien que fragile existe dans le Bathtub (ou bayou). Symptôme de de ce mélange ethnique et éthique, le film a été entièrement réalisé caméra à l’épaule.
Cependant, l’histoire est vue à travers les yeux de notre jeune HushPuppy, qui est également la narratrice. À la réalité historique violente de la précarité en Louisiane s’oppose un monde onirique tout aussi éprouvant : la jeune fille se voit opposée à d’immenses bêtes poilues, issues de ce fameux Sud sauvage, sortes de sangliers trois fois plus massifs que les originaux. Les niveaux de lecture semblent être aussi nombreux que les filtres utilisés pour le tournage, et pourtant une question reste en suspens : pourquoi attendre aussi longtemps ? L’intrigue des premières minutes du film est au même point au final.
Comme un retour à la (hors-)norme, Les bêtes du Sud sauvage reprend les codes du conte pour se les approprier et donner une leçon de vivre-ensemble, avec toute l’emphase et la persuasion d’un héros haut comme trois pommes, mais à propos d’un sujet de grands.
Crédits photos : ARP Sélection ; Jocelyn Agostino pour la FEMA (>Wikimedia)
Visitez également le site officiel du film