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Rien n’arrête Tiken Jah Fakoly !

Tiken Jah Fakoly sur VL

Tiken Jah Fakoly a sorti en novembre dernier son 11ème album « Braquage de pouvoir ». Comme à son habitude, l’artiste fait l’apologie de l’Afrique et veut éveiller la population afin qu’elle se batte pour ses droits, pour la démocratie et pour une Afrique unie. Dans cet album, on peut compter notamment sur la présence de Grand Corps Malade et Dub Inc.

Tiken Jah Fakoly enchaîne avec une tournée et affiche complet les 3 et 4 décembre à la Cigale. Il finit en beauté avec un concert privé pour Arte Concert au Cabaret Sauvage, entouré de ses huit musiciens et de ses deux choristes. Dès son arrivée sur scène, vêtu d’une gandoura et un bâton à la main, il enchante le public, qui lui rend bien en chantant avec lui ses anciennes et nouvelles chansons. VL a eu la chance de lui poser quelques questions juste après son show dans sa loge.

Bonjour Tiken Jah Fakoly, comment te sens-tu juste après ce concert au Cabaret sauvage?

Je me sens bien mais fatigué quand même, c’est la fin de la tournée. La fatigue se fait sentir.

Ton 1er rêve était la musique?

Je jouais à la batterie et j’aimais beaucoup danser. Mon père m’avait prévenu que si je ne passais pas en classe supérieure, il allait m’expédier dans son village. Comme je ne faisais que danser, alors mes résultats n’étaient pas fameux, et là-bas au village, j’ai découvert le reggae.

Dans tous les cas, cela aurait été dans le milieu artistique?

Je pense que je n’avais pas d’autre porte de sortie.

Dans tes textes, tu parles de politique en Afrique. Tu as même demandé aux politiciens de quitter leur pouvoir. Suite à tes propos, tu as été exilé de Côte d’Ivoire pendant plusieurs années, également du Sénégal. Aujourd’hui, tu peux y aller sans problème?

Aujourd’hui, je peux aller en Côte d’Ivoire. En 2007, je suis revenu là-bas à l’occasion d’une période de réconciliation. J’ai même pu faire un concert, après je suis retourné au Mali. J’ai eu du mal à me détacher du Mali. Quand tu passes 5 ans quelque part, tu t’attaches, tu t’investis, alors j’ai eu du mal à partir. Aujourd’hui, je peux aller en Côte d’Ivoire et au Sénégal. Pour le Sénégal, ça a duré 3 ans.

Est-ce que toi ou ta famille, vous aviez reçu des menaces de mort?

Oui, effectivement en Côte d’Ivoire. Ma fille était à la maison et des militaires sont arrivés en 4X4, soit disant pour me rendre visite, alors qu’ils ne sont pas des amis. Ma fille a eu tellement peur qu’elle a sauté par la fenêtre pour aller chez le voisin, ce sont des maisons basses.

De la France, je suis allé au Mali. J’avais appelé un « grand frère » de l’époque, qui était comédien. Je lui ai dit de partir aussi. Il m’a dit qu’il n’avait rien à se reprocher, sauf que pas longtemps après, il a été assassiné. Son corps a été retrouvé dans les rues d’Abidjan. C’est la raison pour laquelle, je suis resté longtemps en exil. Je n’avais pas la même vision que les autres, je suis un homme de convictions. Je suis resté sur mes positions et cela m’a coûté l’exil. En même temps, cela a approfondi mon panafricanisme. Aujourd’hui, les Maliens me considèrent comme un des leurs. Je me sens Africain, si j’étais resté en Côte d’Ivoire, j’allais rester Ivoirien. Je pense qu’aucun pays africain ne gagnera tout seul. Ensemble, nous allons gagner ce combat dans ce grand marigot sans pitié. Tant que nous resterons dispersés, nous ne serons rien devant les Etat-Unis, ni la Russie ni la Chine. Donc, nous ne pourrons pas discuter équitablement. Par contre, le jour où les 54 pays africains seront ensemble, nous gagnerons tous les combats.

Tu penses que c’est possible?

Rien n’est impossible. Lorsque vous regardez l’histoire des Etats-Unis, cela ne s’est pas fait en un coup, de même pour la France et pour l’Europe, cela patine encore aujourd’hui. L’unité se construit dans le temps. Notre peuple est sorti de 400 ans d’esclavage et plusieurs années de colonisation. Il a été traumatisé et divisé à travers la colonisation, certaines choses ont été cassées.

Je pense qu’il faut donner le temps au temps et le réveil arrivera doucement. Les réseaux sociaux sont venus renforcer aujourd’hui le réveil, nous n’avons plus le choix.

Tu as sorti le 4 novembre ton dernier album « Braquage de pouvoir », tu parles de politique, de religion et de l’importance de l’éducation. Comment étais-tu à l’école?

Je n’ai pas été très bon, ni fait de longues études, mais mon réveil est venu en 1993, à la mort du président Félix Houphouët-Boigny. Dès lors, la manipulation des politiciens commença. J’étais jeune et cela m’a réveillé. Je ne comprenais pas pourquoi, dans ce pays qui a toujours été uni, on venait tout à coup stipuler que cette personne était Burkinabé, et celle-ci Guinéenne. Il n’y avait pas cela avant, et le pays était fort. Je me suis intéressé à la politique et c’est comme ça que l’engagement est venu.

Tu as construit des écoles en Afrique, afin d’inciter les enfants à continuer d’étudier?

C’est l’école qui va réveiller l’Afrique. Les Africains sont manipulés parce que leurs dirigeants et le sytème occidental savent que la majorité d’entre eux, ne savent ni lire, ni écrire, donc tout le monde profite de cela. Comment un continent peut être riche et rester dans la pauvreté? Cela n’est pas normal. Le monde fonctionnerait difficilement sans l’Afrique. 

Aujourd’hui, le monde est en panne, on le voit par exemple avec la guerre entre la Russie et l’Ukraine. Cela veut dire que chaque région, pays joue un rôle dans le fonctionnement normal du monde et donc l’Afrique a sa part à jouer. Cela n’est pas normal que l’Afrique se trouve dans cette situation.

J’ai créé le concept « un concert, une école ». L’objectif est d’encourager les parents à mettre les enfants à l’école. Je pense que c’est l’école qui va réveiller les Africains et un jour, ils réclameront leurs droits. Personne ne viendra le faire à notre place, puisque tout le monde se bat pour ses propres enfants, son pays, etc. C’est le fonctionnement normal des hommes. Espérer que quelqu’un vienne nous aider parce que nous sommes africains, parce que nous sommes beaux ou vilains, je n’y crois pas. Je pense que c’est uniquement les Africains qui pourront se lever un jour afin de demander un changement et cela passe par l’éducation.

Tu représentes tout un symbole pour l’Afrique quand tu viens chanter sur scène, c’est une lourde responsabilité?

Oui, je pense que c’est aussi la responsabilité du reggae, qui est la musique des sans-voix. C’est une musique différente des autres depuis Bob Marley. Aujourd’hui, il y a différentes branches du reggae. Toutes les musiques ont eu des dérivées. Le reggae roots de Bob Marley doit rester la voix du peuple et c’est cela que nous essayons de continuer.

Cela n’est pas toujours facile parce que la population n’est pas assez réveillée donc quelques fois, nous sommes confrontés à des difficultés comme l’exil et le manque de sponsors pour tourner en Afrique. Nous nous battons quand même pour l’Afrique. Cela serait bien que nous puissions avoir des occasions de chanter devant les Africains. Même si nous allons partout dans le monde, la difficulté est de trouver des sponsors, parce qu’ils n’ont pas envie de s’associer avec des gens qui revendiquent, mais plutôt avec des gens qui dansent et mangent (rires).

Merci Tiken Jah Fakoly!

Tiken Jah Fakoly sur VL

Tiken Jah Fakoly repart en tournée dès mars 2023, il sera notamment le 15 mars au Trianon.

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Animatrice de L'After School et comédienne.
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