Dans les années 2010, le disque vinyle est progressivement réapparu jusqu’à devenir le format physique le plus vendu autour du globe. A l’avènement du numérique, le public a voulu retrouver la musique sur support physique. Le vinyle est devenu le symbole de ce retour à la matérialité.
Lorsqu’un artiste vient faire la promotion de son nouvel album, c’est le vinyle qui est montré à l’écran. Pourtant, depuis les années 80’, le vinyle a été lentement remplacé par le CD, jusqu’à pratiquement tomber dans l’oubli pour le grand public. En 1982, Phillips et Sony lancent le Compact Disc, sur lequel 52nd Street de Billy Joel sera le premier album disponible. Depuis, le CD et son look futuriste, éclipse le vinyle qui verra ses chiffres de ventes chuter lentement. Jusqu’au début des années 2000, c’est le CD qui règne en maitre sur l’industrie musicale. L’arrivée du MP3 et du streaming musical va à son tour remplacer le CD. Les auditeurs ont découvert une nouvelle façon d’écouter la musique grâce à la démocratisation d’internet. Malgré cela, le disque à microsillon, communément appelé vinyle, est de retour sur le marché de la musique.
Le vinyle et pas un autre
La musique n’a jamais été aussi facile d’accès. Internet propose aujourd’hui la plus grande bibliothèque musicale accessible à tous et à tout moment. La démocratisation du smartphone a ringardisé les baladeurs cassettes, CD ou MP3. Toute la musique du monde tient désormais dans la poche avec des plateformes de streaming comme Spotify ou Deezer. Mais dans ce cas, qu’est ce qui explique le retour du vinyle ?
C’est un format qui présente de nombreux avantages mais c’est avant tout un bel objet de collection. Et sur ce point le vinyle est imbattable. La taille de la pochette en carton est celle qui met le plus en valeurs le travail des artistes qui ont participé à la conception d’un album. De plus, il y a plein de manières d’exposer sa collection. Il est possible de mettre ses vinyles dans des bacs à la manière d’un disquaire ou sur des étagères comme des tableaux. A l’heure des réseaux sociaux, le vinyle est également devenu un objet « Instagramable », ce qui a appuyé son retour. Mais au-delà d’un simple objet de collection, le vinyle permet également de reconnecter au réel à l’heure du tout numérique. Posséder le disque de son artiste préféré, donne l’impression de détenir une partie de son œuvre. Enfin, écouter sa musique sur vinyle c’est tout un processus. Pour Axel, alias Vinyl3000 sur les réseaux sociaux, le vinyle remet l’écoute au centre de l’expérience « avec le vinyle, on doit se poser donc on a plus de chance d’écouter un album dans son intégralité car on doit faire l’effort de tourner le disque, ou investir dans du matériel audio. Et dans un monde où la musique est de plus en plus numérique, ça fait du bien d’avoir un peu de physique. »
Le son du vinyle
Ce n’est pas seulement pour l’objet que le vinyle est revenu, c’est également pour le son chaleureux et authentique qu’il propose. Quand un CD est lu, c’est un laser qui va chercher les informations sur la partie réfléchissante du disque. Sur un vinyle c’est différent. Le bras au bout duquel se tient le diamant, va entrer en contact avec les microsillons du vinyle, c’est ce contact physique qui va produire le son.
De plus, lors de l’enregistrement d’un vinyle, le « mastering » est très important. Quand un album est en production, les voix et les instruments sont enregistrés par un ingénieur du son en studio. Ensuite, le mixage rentre en compte. L’ingénieur du son fait en sorte que les différents instruments soient équilibrés, que tous les éléments, notamment les voix soient audibles. La dernière étape est le mastering. Le but va être d’harmoniser la qualité de l’enregistrement pour que le morceau ne perde pas en qualité suivant le matériel audio sur lequel il sera lu. Encore aujourd’hui, pour des vinyles de bonnes qualités, un ingénieur du son travaille sur le mastering pour que le son soit le plus adapté au disque vinyle. Même si ce format peut présenter des imperfections à cause du contact physique entre le disque et le diamant, le son du vinyle est plus riche et immersif, avec plus de détails. Néanmoins, toutes les productions ne sont pas aussi consciencieuses, certains vinyles sortent dans le commerce sans être masterisés spécifiquement pour ce format. A cause de cela, certains vinyles actuels ne présentent pas d’avantages sonores par rapport au CD ou au numérique.
Le marché du vinyle
Ce retour en force du vinyle a créé une forte demande du public et les maisons de disques n’ont pas hésité à sauter sur l’occasion. Paul, vendeur chez Gibert, a constaté cette augmentation « Depuis 2020 le vinyle a presque doublé de prix. Une réédition des Beatles qui pouvait couter 20 euros, coute aujourd’hui 40 euros. Les labels pressent moins d’exemplaire pour créer la demande et l’exclusivité avec des éditions collectors, des vinyles de couleur ou des pochettes alternatives. » Même constat pour Jérôme vendeur chez OCD « Il y’a une spéculation autour de l’objet, maintenant les gens le savent que ce soit sur le neuf ou sur l’occasion les prix ont augmenté considérablement ».
Sur le marché de l’occasion, certains audiophiles, qui recherchent la meilleure qualité sonore, n’ont jamais arrêté d’acheter des vinyles mais la demande est de plus en plus forte depuis quelques années. Les moins de 35 ans représentent 54% des ventes de vinyles neufs. Au dessus de cette tranche d’âge, les acheteurs se tournent plus vers le marché de l’occasion. Même si beaucoup d’albums ont été réédités, le public qui a connu la grande période des vinyles, des années 50’ jusqu’à la fin des années 80’ vont privilégier les disques originaux. D’abord pour retrouver la qualité sonore du vinyle, mais aussi pour retrouver le plaisir de découvrir ou redécouvrir la musique de cette époque, dans son format original. Bien sûr, le marché de l’occasion n’échappe pas à la spéculation avec des albums très rare pressés à peu d’exemplaires qui peuvent atteindre des sommes astronomiques. Ils sont cotés en fonction de l’état et de la rareté du disque. Classés de mauvais à neuf, certains vinyles, comme une édition numéroté de l’album blanc des Beatles, peuvent s’échanger à plusieurs milliers d’euros.
Le vinyle, un phénomène intergénérationnel
Aux États-Unis aussi, la galette noire est de retour. En 2022, plus de 41 millions de vinyles ont été vendus. Pourtant , la moitié de ces consommateurs de vinyle ne possèdent pas de platine pour en lire. L’institut Luminate Data a publié une enquête démontrant qu’en Amérique, 50% des acheteurs ne voient pas la nécessité d’acheter une platine. Interrogés sur leurs motivations, les sondés expliquent aimer posséder la musique en format physique sans forcément l’utiliser pour écouter de la musique. Pourtant, Axel de Vinyl3000 a pu constater qu’à Montreal, l’attrait pour le vinyle est bien présent. «En France, les seuls endroits où je trouvais des vinyles que j’aimais et pas très cher, c’était lors des conventions de disques, mais il fallait être au bon endroit et au bon moment. A Montréal, la culture vinyle est bel et bien présente, il y a des dizaines de disquaires, je les ai même pas encore tous fait. C’est vraiment LA ville du vinyle pour moi. » La culture du vinyle est revenue aux quatre coins du globes, mais cet engouement peut-il durer dans le temps ?
Quel avenir pour le vinyle ?
Le Hip-Hop en Vinyle , qui s’intéresse particulièrement au rap sur format vinyle, a pu constater l’évolution de ce format depuis quelques années. Le Rap est Un genre qui intéresse particulièrement les jeunes. En 2019, la Snep chiffre à 78% le nombre de 14-24 ans qui en écoutent. Et si le Hip-Hop en Vinyle constate sur ses réseaux, une audience jeune, qui s’intéresse à la musique et au vinyle, il est également important de guider le nouveau public à ce format particulier avec ses codes.
Comme toutes les tendances, l’attrait pour le vinyle va s’atténuer. Mais alors est-ce une mode passagère où le vinyle va s’inscrire durablement dans nos habitudes et ne plus disparaître ? Pour le créateur du Hip-Hop en Vinyle, il est difficile de tirer un constat « Au niveau des prix on a toujours l’impression d’avoir atteint un pallier en se disant que ca n’ira pas plus loin mais ca va toujours plus loin. En 2022 on se plaignait quand un double album neuf dépassait les 30 euros, mais aujourd’hui c’est les albums simples qui sont à 30 euros. Ca va freiner pas mal de consommateurs. Pour pallier à cela, les labels redoublent d’idées marketing pour pousser à la consommation avec des éditions ultras limités ou des vinyles de couleurs. C’est pour ca que le marché risque de se réguler. Je pense que les stratégies vont se diversifier entre les gros artistes comme Kanye West ou Kendrick Lamar qui vont essayer de créer un produit assez exclusif et les artistes plus petits qui vont privilégier la baisse de prix et en vendre le plus possible pour compenser »
Pour continuer à exister dans le temps, le vinyle va devoir continuer à fidéliser son public en restant accessible. Que ce soit sur le marché de l’occasion ou du neuf, le disque noir continue de se vendre correctement. Pourtant les acteurs du milieu ont pu observer un regain d’intérêt pour le CD. Même si les deux formats présentent leurs avantages et inconvénients, de plus en plus de consommateurs se tournent vers le CD pour posséder en disque, leur album préféré. La faute à l’augmentation des prix du vinyles parfois injustifiée. Espérons seulement qu’à l’heure du numérique, la musique sur format physique, que ce soit en vinyle, en CD ou en cassette, reste accessible à tous et continue d’exister.