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Aides à la presse : un système scandaleusement injuste

Fait étonnant, on parle peu du système des aides étatiques dans Le Monde, Le Figaro ou Libération. Pourtant, bien gavés d’idéologie libérale, les grands titres de la presse française sont les premiers à fustiger les dépenses outrancières de L’État et l’argent public jeté par les fenêtres. Visiblement, il y aurait gaspillage et gaspillage…. Pourtant, il y a beaucoup à dire et à dénoncer d’un système qui n’hésite pas à octroyer les plus larges financements aux grands groupes industriels de presse les plus aisés et aux « journaux » people et télé.

Le bon sens admet sans la moindre objection qu’un système d’aides publiques a besoin de critères solides et rigoureux pour établir une répartition juste et équitable. Dans le cas de la presse, les critères possibles ne manquent pas : situation économique, place de la pub, contenu de l’information, capacité à éveiller les capacités de jugement et de réflexion du lecteur…

Or, à regarder le classement des titres les plus aidés en 2013 délivré par le ministère de la culture  en avril 2014, il y a de quoi être étonné. 

Les riches grassement aidés

Les deux premiers titres les plus aidés sont ainsi Le Figaro (16 179 637 €) et Le Monde (16 150 256 €). Il est intéressant de rappeler qui sont les propriétaires de ces deux journaux. Le Figaro appartient au Groupe Dassault, c’est-à-dire à Serge Dassault, l’homme politique homme d’affaires et magnat de l’industrie aéronautique et d’armement. Personnage loin d’être miséreux, en somme. Le Monde est quant à lui détenu depuis 2010 par un trio d’hommes d’affaires renommés : Xavier Niel (patron de Free), Pierre Bergé (« entrepreneur en confection de luxe »Wikipédia) et Matthieu Pigasse (directeur général délégué de la banque Lazard).

Il ne s’agit évidemment pas d’affirmer que, parce qu’ils sont propriétés de riches hommes d’affaires, ces journaux ne devraient pas avoir le droit de bénéficier d’aides. Ce système appartient à l’Histoire de France : ces aides  à la presse ont été instaurées en France dès le XVIIIe siècle pour « encourager la libre communication des pensées entre les citoyens ». Néanmoins, ont peut être étonné que le ministère de la culture ne prenne pas en compte le phénomène croissant de la concentration des journaux en grands groupes puissants. Les besoins de financements extérieurs sont-ils les mêmes pour un journal intégré dans un groupe industriel et pour un journal indépendant ? 

point allocs

Les paradoxes du Point

 

Closer mieux pourvu que Le Monde Diplomatique

À bien regarder le classement, il est patent que les aides profitent beaucoup aux publications qui n’en ont pas le plus besoin : magazines télé, presse people… Télé Loisirs, Télé 7 jours, Télé Z, Télé Star ont ainsi pu bénéficier de quelques 20 millions d’euros en 2013. Il apparaît anormal que des titres gavés de publicité au contenu informatif peu productif se taillent une si belle part dans le gâteau des aides publiques.

L’exemple malheureusement parfait de l’absurdité de la répartition est celui de la comparaison entre la situation de Closer et de celle du Monde Diplomatique. Alors que le magazine people pointe à la 88ème place du classement (533 221 €), le mensuel de Serge Halimi n’apparaît même pas parmi les 200 premiers titres. Le Monde Diplomatique apporterait-il moins au débat public que Closer ?

Il est urgent que les modalités et les critères des aides soient entièrement repensées afin de mettre en place une logique cohérente. On attend les éditoriaux incitant l’État à réformer le système d’aides à la presse. À moins que cette presse prospère, louant à l’envi les vertus libérales qui interdisent toute intervention étatique, s’accommode bien de ce petit coup de pouce inégalitaire. Que ces journaux n’aient nulle crainte, l’État continuera à subventionner à coups de milliards leurs éditoriaux vomissant sur la folie dépensière des subventions publiques. Il y a gaspillage et gaspillage…

Antoine Morange 

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