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Cellules sur écoutes: la Cour de cassation rejette les preuves recueillies lors des échanges entre gardés à vue

Mettez deux suspects d’un vol avec arme en garde à vue dans des cellules voisines, un dispositif d’écoute pour ne pas perdre une miette des échanges, laissez mijoter pendant 24 à 48h et servez le tout au Procureur de la République.

C’est en quelque sorte la recette suivie par des policiers dans le cadre d’une garde à vue de deux suspects entendus dans le cadre d’un vol avec arme. Appuyé par un juge d’instruction qui a délivré une ordonnance pour autoriser le stratagème, les policiers ont placé deux suspects en garde à vue, entendus pour avoir commis un vol avec arme d’une bijouterie le 16 février 2012 au Vésinet (78). Jusqu’ici, rien d’extraordinaire, toutefois les policiers ont pris le soin de mettre un dispositif qui permet d’écouter les conversations entre les deux cellules voisines. Le pari était donc simple, que l’un d’eux, pendant une période de repos de la garde à vue, échange avec l’autre sur les faits. C’est ce qui s’est passé puisque l’un des suspects a reconnu une responsabilité dans ce vol avec arme. Dés lors, les policiers ont ajouté l’enregistrement au dossier pour incriminer le suspect.

Liberté de la preuve versus loyauté

On imagine la réaction de l’avocat découvrant le dossier et l’utilisation de ce stratagème contre son client. L’avocat va donc déposer une requête pour obtenir le rejet des enregistrements dans lequel son client s’incrimine lui même. Le combat juridique va donc se dérouler sur le terrain de la loyauté de la preuve en matière pénale et le célèbre droit au procès équitable tiré de l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales d’un côté et de l’autre l’article 427 du code de procédure pénale qui prévoit que les infractions peuvent être établies par tous modes de preuve. Mais est-ce sans limites? Pour la Cour de cassation, « la liberté de la preuve en matière pénale qui résulte de ce texte n’est pas absolue. Elle se trouve nécessairement limitée, dans un État de droit, par les principes de légalité et de loyauté ».

La consécration du droit de garder le silence

C’est une phrase que tout téléspectateur regardant des séries policières à déjà du entendre  » Vous avez le droit de garder le silence, tout ce que vous direz pourra être utilisé contre vous… ». C’est bien là que réside l’enjeu de cet arrêt d’Assemblée Plénière (la formation la plus solennelle de la Cour de cassation) rendu le 6 mars 2015 (n° de pourvoi 14-84339). Peut-on utiliser contre un individu des propos qu’il aurait eu, qui conduit à ce qu’il s’incrimine lui-même, grâce à un stratagème visant à le mettre dans une cellule voisine de celle d’un autre suspect de la même affaire et à enregistrer les conversations pour s’en servir contre lui?

Pour la Cour de cassation, c’est un non catégorique, elle explique dans le communiqué joint à l’arrêt que  « Ce procédé d’enquête est déloyal : il met en échec le droit de se taire, celui de ne pas s’incriminer soi-même, et porte atteinte au droit à un procès équitable et au principe de loyauté des preuves ».

Par sa position, qui découle d’une jurisprudence solide de la Cour de Cassation, l’Assemblée Plénière met un terme à la résistance de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris qui n’avait pas tenu compte de la cassation prononcée par la chambre criminelle de la Cour de cassation.  Le principe de loyauté dans la recherche des preuves est réaffirmé et le droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination est consacré.

Vous pouvez consulter l’arrêt ici

A noter que les faits sont antérieurs à la réforme de la garde à vue, notamment en ce qui concerne la présence renforcée des avocats pendant celle-ci.

Christophe-Charles Crepin

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