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Égypte : contre la dictature, le collectif CODE défile à Paris

Alors que l’Égypte est encore gouvernée par l’armée qui a fomenté le coup d’État du 3 juillet 2013, l’ONG CODE, Collectif démocratie en Égypte, est venue ce dimanche à République pour manifester au nom du peuple égyptien. Depuis deux ans maintenant, l’Égypte souffre de la dictature sévère d’Abdel Fattah al-Sissi, entre privation de libertés d’expression et répressions arbitraires. Alors que les Égyptiens luttent au quotidien pour la liberté et l’expérience démocratique éprouvée sous le régime de Mohamed Morsi après la Révolution populaire amorcée en janvier 2011, CODE vient rappeler que la terreur afflige toujours la population égyptienne.

Un vent d’indignation souffle sur la Place de la République. C’est au pied de cette statue devenue synonyme de liberté et de résistance que le collectif CODE lance un appel à ouvrir les yeux sur la réalité du quotidien en Égypte, à coups de « Médias français, montrez la vérité ! ».

CODE Paris #3

La démocratie égyptienne, entre histoire douloureuse et réalité contrastée

En 2011, après vingt-neuf années de gouvernance, le président Hosni Moubarak est renversé dans la vague de ce qui a été appelé les Révolutions arabes. Le peuple, fatigué des abus des forces de police égyptiennes, de la corruption et de l’état d’urgence permanent, multiplie les objets d’indignation nationale, comme le chômage, la hausse des prix des biens nécessaires ou le manque de logements et de liberté d’expression.

À la suite de ce soulèvement populaire, les toutes premières élections présidentielles et démocratiques d’Égypte s’organisent. Profitant du vide politique laissé par la destitution d’Hosni Moubarak, le Parti Liberté et Justice, vitrine politique des Frères Musulmans, s’y engouffre. Il propose Mohamed Morsi comme candidat à la gouvernance du pays. Pour la première fois dans l’histoire de l’Égypte, un président civil est élu démocratiquement au suffrage universel dans une élection libre et obtient ainsi 51,7% des voix face à Ahmed Chafik, un ancien Premier ministre de Moubarak.

Bien que le Président fraîchement élu entende composer avec la société civile et l’opposition pour l’instauration d’un régime plus libéral et démocratique, le programme politique des Frères Musulmans se heurte à une opposition violente. En novembre 2012, Mohamed Morsi promulgue une déclaration constitutionnelle qui lui permet de gouverner par décret et d’annuler les décisions de justice en cours. Le projet de Constitution, largement approuvé par référendum, se heurte toutefois à l’opposition laïque, de gauche et libérale qui accuse une orientation encourageant une lecture rigoriste de l’islam, dangereuse pour certaines libertés.

Alors que l’opposition se fait plus forte, Morsi se révèle incapable de fédérer la population et la politique, affrontant des vagues de contestations de plus en plus régulières.

Le 26 juin 2013, des milliers d’égyptiens manifestent pour sa démission, dont certains heurts entre manifestants font plusieurs morts. Cinq ministres, le porte-parole du gouvernement et un porte-parole de Mohamed Morsi démissionnent et l’armée adresse un ultimatum à Mohamed Morsi : il faut « satisfaire la volonté du peuple ». Le général Abdel Fattah al-Sissi, chef d’état-major de l’armée égyptienne, annonce alors la destitution de Mohamed Morsi le 3 juillet 2013 et le remplacement de celui-ci par le président de la Haute Cour constitutionnelle, Adli Mansour. Il ordonne aussi la suspension de la Constitution. Morsi crie au « coup d’État complet » avant d’être détenu par l’armée.

Le virage liberticide d’al-Sissi

Pour Zinab, membre du conseil administratif du CODE, Al-Sissi règne d’une main de fer dans le pays. « Depuis l’arrivée d’Al-Sissi au pouvoir, plus de 50 000 personnes sont enfermées dans les prisons en Égypte, au motif d’être des opposants politiques au régime. Parmi ces gens, il y a des hommes, des femmes et des enfants, dont certains n’ont que 10 ans » explique-t-elle avant d’ajouter que « tous les jours, il y a des tueries en Égypte ». Bien que les soulèvements populaires soient interdits dans les grandes villes comme au Caire – notamment depuis le sanglant massacre de la place Rabaa al-Adawiya qui a fait entre 800 et 2600 morts selon les sources – « la contestation se poursuit dans d’autres villes d’Égypte » affirme Zinab. Dès l’arrivée d’Abdel Fattah al-Sissi, l’arrestation et la détention de membres des Frères musulmans se sont enclenchées et le régime a verrouillé les médias qui leur sont favorables. En dépit des condamnations et des restrictions internationales, le pays se referme progressivement sur lui-même. Mais en cinq ans, la population égyptienne a fait sa révolution, la révolte des coeurs et des esprits.

CODE Paris #2

Une population indignée qui se bat pour la liberté

Au milieu des tambours, les voix scandent « Sissi casse-toi, l’Égypte n’est pas à toi, la démocratie avec Morsi ». Ainsi, si la situation semble s’être améliorée sous la présidence de Mohamed Morsi, le coup d’État de juillet 2013 renvoie la situation des droits humains à son niveau antérieur. Déjà en 2010, de nombreuses organisations dont Amnesty International dénonçaient des atteintes massives aux droits de l’Homme, comme la censure, la torture, les faux procès et les détentions arbitraires. Zinad arbore aux côtés des manifestants, le « Rabia », un signe de la main devenu le symbole du massacre du square Rabaa Al-Adawiya en Egypte sur lequel s’était tenue une manifestation contre le coup d’État militaire à l’encontre du président Mohamed Morsi. Elévation des quatre doigts de la main droite avec le pouce qui repose sur la paume (Rabaa signifie quatre ou quatrième en arabe), il a été utilisé dans les manifestations contre l’éviction du premier président égyptien démocratiquement élu, Mohamed Morsi.

Bien que le geste paraisse inoffensif, le gouvernement putschiste égyptien a promulgué en 2014 une loi permettant de condamner à de la prison ferme tout égyptien soutenant le parti des Frères Musulmans en affichant le symbole « Rabia » aussi connu sous « R4bia » sur les réseaux sociaux.

Ainsi, si le Président de la République Abdel Fattah Al-Sissi reste populaire, le mécontentement envers le régime continue de croître. Ce retour à l’autoritarisme est de moins en moins en phase avec une société égyptienne qui se transforme en profondeur depuis la chute de Moubarak en 2011. Avec en première ligne la jeunesse, qui semble de plus en plus refuser les formes d’autorités traditionnelles en vigueur, religieuses, paternelles ou étatiques et qui revendique, à l’exemple de Zinad, « liberté, dignité, justice et démocratie ».

© Crédits photographiques : Julien Percheron

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