Moins d’une semaine après une nouvelle enquête de l’association L214 sur l’un des plus gros abattoir de veaux en France, Sobeval en Dordogne, des mails inquiétants venus des hauts fonctionnaires du ministère de l’Agriculture viennent rajouter quelques pièces au dossier. L’ensemble du ministère savait et a préféré mentir. Explication.
Le ministère de l’Agriculture et ses principes.
Du côté du ministère, les images édifiantes de l’enquête de L214 au sein de l’abattoir n’inquiètent pas : cet abattoir est « en règle » et respecte « le bien-être animal ». Des éléments de langage bien travaillés devant une enquête qui ne trompe pas.
Mais une simple erreur de destinataire a tout changé. En effet, des échanges de mails entre les hauts fonctionnaires du ministère de l’Agriculture parviennent dans les boîtes mails de l’association de défense de la condition animale.
Ces mails sont révélateurs : le ministère savait. Les infractions de non-conformités (notées « NC » dans le mail ci-dessus) sont « indéniables, voire majeures ».
De son côté, l’association affirme avoir alerté le ministère, le ministre lui-même, la préfecture, les services vétérinaires la veille de la sortie publique du reportage, le 19 février. Aucune réponse, si ce n’est le maintien du discours officiel.
Un discours bien huilé.
Aux micros d’Europe 1, il y a 2 jours, Didier Guillaume, ministre de l’agriculture affirme pourtant que les images de cette enquête, montrant des veaux agoniser pendant de longues minutes, sont fausses : « Les images sont prises sur plusieurs mois ou plusieurs années, sont collées les unes par rapport aux autres ». Avant de rajouter : « J’ai diligenté immédiatement des contrôles et les contrôles tels que les premiers résultats que nous avons, mais on en aura un peu plus, montrent que le respect du bien-être animal est là, montrent que les choses se font » .
Quant à lui, Frédéric Piron, directeur départemental des services vétérinaires, affirme lors de son passage sur France 3 Périgord le 20 février : « On n’est pas derrière chaque opérateur en permanence. On n’assiste pas aux opérations d’étourdissement, de saignée de tous les animaux mais ce que je peux dire c’est que cet abattoir est en règle et que la réglementation et au quotidien l’action de l’État permet de le confirmer, de le conforter ».
La préfecture de Dordogne, dans un communiqué de presse datant du 19 février, souligne qu’il « n’y a pas de mise en évidence de non-conformité à la réglementation ».
Le discours est travaillé en interne et les ordres sont clairs : discréditer l’enquête de L214 tout en maintenant sa position. Des éléments de langage partagés avec deux lobbies du secteur de la viande : Interbev (association interprofessionnelle de la filière bétail et viande) et la Fedev (Fédération des métiers de la viande).
Comme une simple erreur de destinataire.
« Il est toujours possible que des NC soient relevées exceptionnellement dans ces domaines et il serait risqué de trop s’avancer sur la question des NC toutes corrigées ». Tout un symbole.
* (les « NC » sont des infractions de non-conformités)
Et les contrôles sanitaires n’y feront rien : ces non-conformités perdurent. Non-maintenue des veaux lors des abattages sans étourdissement, aucun contrôle du réflexe cornéen. En bref, les animaux sont abattus sans que leur perte de conscience ou de sensibilité ne soient vérifiées et établies. L’association accuse également la non-immobilisation de la tête de ces veaux et de l’aspect aléatoire des tirs d’étourdissement. Un non-respect à la réglementation en vigueur qui pose question en plus de l’enjeu sanitaire de cet abattoir. La défense se limite au « calme » des opérateurs et à la présence vétérinaire.
Cette affaire risque d’embarrasser le ministre Didier Guillaume accusé d’un double discours : celui du mensonge en pleine conscience de la réalité reconnue par les services de l’État. L’association en appelle à sa démission. Après l’enquête sur le sort des canetons en décembre 2019, L214 révèle un nouveau dossier qui fera grand bruit.