Un activiste numérique vient de développer l’extension web « Amazon-Killer », une application qui vise à sauver les librairies indépendantes confrontées à la concurrence dévoreuse d’Amazon. Explications.
Sans en avoir conscience, nous sommes, en consommateurs culturels effrénés, les serial-killers des libraires indépendants. Acheteurs sur Amazon, notre souris devient gâchette et nous tirons à tout va une salve de clics torpillant la façade du petit commerce du livre. Les Parisiens sont les plus sanglants. Si la capitale française possède la plus forte densité de librairies dans toute l’Europe, c’est aussi chez elle qu’on n’achète le plus de livres en ligne.
Cette aberration – jumelée avec la provocation du géant de l’e-commerce qui a fixé, en réplique à la loi gouvernementale interdisant les frais de port gratuits, son tarif de livraison à 1 centime d’euro – a suscité l’indignation de d’Elliot Lepers : « j’étais vraiment hors de moi, j’ai trouvé ça d’une telle mauvaise foi que j’ai voulu chercher un moyen d’ajouter ma pierre, j’ai codé ce truc basique, je l’ai mis sur une plateforme de partage de développeurs. Et puis, il y a une semaine, je l’ai publié sur mon Facebook. Je ne pensais pas que ça prendrait aussi bien. Ça révèle une vraie volonté de se battre contre Amazon ».
Un outil simple et efficace
Elliot Lepers s’est alors attelé à une solution. Il a créé une extension Chrome qui permet, en un clic, de passer d’Amazon à notre libraire de quartier. Le principe est des plus aisés : vous téléchargez l’extension et vous pouvez ensuite utiliser le géant du web pour trouver des idées. Quand vous avez trouvé votre perle, vous êtes redirigé vers le site Place des Libraires, une base de donnée qui vous indique les libraires près de chez vous qui ont le titre en stock.
Tutoriel :
Un moyen astucieux de bénéficier de l’outil d’indexation d’Amazon tout en assurant la pérennité économique des libraires. « C’est assez drôle, je n’ai pas fait grand-chose. Il y a une base de données, celle de la Place des Libraires, et il y a Amazon. J’ai juste fait un petit pont entre les deux. Il y a aujourd’hui une volonté affichée par les commerçants en ligne d’être les plus rapides, les plus pratiques. Mais si on prend le métro, en moins d’une heure on a son bouquin. Aussi rapide que soit Amazon, il ne vous livre que le lendemain ».
Un patrimoine culturel parisien en danger
L’extinction pure et simple des librairies parisiennes, symboles mythiques de la capitale, n’est pas un fantasme chimérique : hausse des loyers, préférence pour les grandes enseignes et explosion de l’achat sur Internet, autant de symptômes qui placent les librairies dans une situation de déclin se poursuivant inlassablement.
Mais l’application d’Elliot Lepers a le mérite de contrecarrer le comportement un peu déloyal d’un nombre grandissant de consommateurs : les lecteurs qui viennent fouiner dans les rayons des libraires pour repérer des ouvrages et les acheter ensuite en ligne, à un prix moins élevé. Amazon-Killer retourne même la combine sur elle même : désormais, les consommateurs rôdent sur Amazon et achètent chez les libraires. Un acte militant et astucieux.
Antoine Morange