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Avant C’est comme ça que je t’aime (Salto) … il y avait Série Noire

Alors que la série C’est comme ça que je t’aime sera un des programmes de Salto, retour sur Série Noire, le projet précédent de l’équipe de la série.

Quand Salto sera lancé, le public pourra notamment y découvrir une série venue du Québec, C’est comme ça que je t’aime. Ecrite par François Létourneau et réalisée par Jean-François Rivard, elle est produite par les Productions Casablanca. Avant de signer cette série centrée dans les années 70, on leur doit à tous une totale réussite : Série Noire.

C’est quoi Série Noire ? Denis et Patrick sont deux scénaristes au tournant de la quarantaine qui doivent malgré eux écrire la deuxième saison de leur série La Loi de la Justice, totalement méprisée des critiques. Réalisant leur manque de talent, ils essaieront de nombreuses techniques visant à recréer les situations de la série pour rendre les personnages crédibles.

L’angoisse de la page blanche

Comment écrire la saison 2 d’une série ? En lançant leur série, les auteurs ne pouvaient bien sûr pas imaginer qu’ils tomberaient à ce point juste sur la situation de notre pays, de notre fiction. Et pourtant, c’est quelque chose que l’on connaît bien, nos séries ayant un mal fou à passer le cap de la saison 1. Avec Série Noire, on va assister à ce processus d’écriture de la saison 2, saison 2 non attendue (ni espérée) par ses auteurs. Comment corriger le tir après les erreurs commises en saison 1 ? Et dans le même temps, comment garder une cohérence par rapport à la saison 1 que le public a aimé ?
Au-delà de ces questions propres à la série télévisée, c’est davantage le processus d’écriture lui même (pour un scénariste mais aussi pour un auteur de roman par exemple) qui est ici mis en abîme.

Dès le début de la série et l’annonce surprise de la reconduction de leur série, Denis et Patrick se lancent dans un processus d’écriture nouveau. Appliquant en le poussant à l’extrême la technique connue de l’actor studio (se mettre dans la situation que son personnage va vivre afin de mieux ressentir et donc mieux jouer le rôle), ils vont très vite se rendre compte que la réalité peut dépasser la fiction. Entraînés dans une course folle, perdant le sens des réalités assez vite (notamment Denis), nos deux héros vont se retrouver confronter à un fan dérangé, un meurtre, une organisation criminelle « gay » baptisée EGG,..

Mais revenons au début de la série. Le premier épisode démarre sur une séquence surréaliste et risquée où l’on découvre les ultimes minutes de la fin de la saison 1 de la série de Denis et Patrick: La loi de la justice. Enchaînant les rebondissements foireux, les personnages caricaturaux, les dialogues creux, La loi de la justice se révèle un modèle du genre de tout ce qu’il ne faudrait pas faire en télé. Mais en termes de création « de fiction dans la fiction« , c’est tout simplement génial.

Les deux auteurs de Série Noire mettent en scène à la fois ce que la critique n’aime pas dans les séries (et n’hésitent donc pas à se la mettre à dos), mais également les ressors dramatiques « faciles » auxquels on peut tous à un moment donné céder quand on regarde une série. C’est un pari risqué mais payant car « leur fiction » juridico-policière devient vite, dans le cadre de Série Noire, culte.

Mais la grande force de Série Noire c’est de parvenir à jongler sur différents genres, différentes humeurs et ce, jusqu’à la fin du 12ème épisode. Ayant terminé l’écriture de l’épisode 4 de la saison 2, Patrick explique à Denis que leur productrice n’est pas satisfaite de la fin de cet épisode car il ne contient pas de twists incroyables, mettant par la même en abîme la fin de la saison 1 de Série Noire qui se termine de manière somme toute très simple. Un moment de belle émotion entre ses deux amis pour clore cette saison 1, des amis qui ont traversé des choses durant ces 12 épisodes. Une amitié à laquelle on n’a aucun mal à croire, preuve s’il en est que l’écriture a été particulièrement soignée.

La série se paye aussi le luxe de faire quelques clins d’œil à d’autres genres comme le slasher avec un épisode savoureux (le 10) où Denis et Patrick sont aux prises avec un « psychopathe masqué » qui leur fait vivre une nuit de cauchemar. La révélation qui explique tous ces moments qu’ils ont endurés dès l’épisode suivant est véritablement savoureuse.

Marc Arcand

Difficile dans cette galerie de personnages qui nous est présentée d’en retenir un en particulier.
On a aimé l’incroyable potentiel comique de François Létourneau qui nous prouve qu’il est non seulement un très bon scénariste mais aussi un comédien comique incroyablement bon.
On a aimé aussi le « doux dingue » Marc Arcand campé par l’excellent Marc Beaupré, la charmante et énigmatique Charlène (Anne-Elisabeth Bossé), le totalement dérangé Jean-Guy Boissonneau joué par le non moins excellent Guy Nadon (et ce qu’il fait pour permettre à Patrick de récupérer son poste d’auteur),.. On ne peut pas tous les citer mais chacun des personnages est à sa juste place, bien écrit et bien interprété. Un délicieux plaisir de les retrouver à chaque épisode.

Autre atout indéniable pour la série : sa réalisation. Jean-François Rivard, co-scénariste avec François Létourneau de la série (ainsi que sur leur précédente série, Les invincibles), met en scène Série Noire de manière très habile, œuvrant dans des conditions loin d’être évidentes. En effet, et c’est assez rare à la télévision québécoise, la série a été tournée en extérieur en plein hiver (neige et froid au programme), rendant compliquée la moindre initiative, là où la plupart des autres fictions télé préfèrent tourner une fois les beaux jours revenus.

Mention spéciale aussi à la sublime bande originale de la série signée Cristobal Tapia de Beer à qui l’on doit aussi celle de Utopia, autre œuvre totalement décalée. Le thème principal de la série est ainsi une vraie petite merveille dont les notes rendent parfaitement compte de la noirceur qui habite souvent la série.

Série Noire est une belle bouffée d’oxygène, un pari audacieux relevé par des auteurs et comédiens de talent. Certes, on note des petits temps morts ici ou là, des moments de flottement, mais on ne veut retenir que le meilleur de ces 12 épisodes car le bonheur ressentit et jamais altéré mérite bien ces petites imperfections. 

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Rédacteur en chef du pôle séries, animateur de La loi des séries et spécialiste de la fiction française
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