Au lendemain d’une attaque menée par un détachement de l’Etat Islamique à la frontière entre la Turquie et la Syrie, l’armée de l’air turque s’est engagée pleinement dans la lutte contre le groupe terroriste. Elle a ainsi mené un raid aérien sur des positions djihadistes en Syrie. Au même moment, la police turque a procédé à une large vague d’arrestations en Turquie, notamment à Istanbul.
Trois positions de Daesh en Syrie ont été bombardées par des chasseurs F16 turcs. Il s’agit là d’un tournant dans l’implication de la Turquie, qui passe à la vitesse supérieure dans le conflit. « Ces opérations ne sont pas ponctuelles, elles vont se poursuivre » a précisé le Premier Ministre turc Ahmet Davutoglu.
Une situation tendue à la frontière turco-syrienne
Rare a été une tension aussi forte dans le sud de la Turquie. En effet, un groupe de cinq djihadistes avait ouvert le feu la veille en direction d’un poste frontalier (dans la région de Kilis) de l’armée turque, à la frontière avec la Syrie, dans la zone que le groupe Daesh occupe depuis maintenant un an. Dès lors, l’armée turque n’a pas eu le choix : un duel d’artillerie devenait nécessaire.
Les tanks turcs ont ensuite immédiatement riposté en pilonnant les positions des islamistes, tuant ainsi un de ses combattants et endommageant trois de ses véhicules. En définitive, un sous-officier turc et un combattant djihadiste ont été tués, et deux autres militaires turcs ont été blessés, selon l’état-major.
Le lundi 21 juillet, un attentat suicide avait aussi eu lieu près de la frontière syrienne. Cette attaque est attribuée par la Turquie au mouvement djihadiste, qui aurait visé des militants prokurdes à Suruç (sud) et fait trente-deux morts et une centaine de blessés.
Une riposte dès le levé du jour
En représailles, ce n’est pas un hasard si l’aviation turque a décidé de bombarder les positions de l’Etat Islamique à la frontière syrienne, ce vendredi matin. Les avions ont frappé avant la levée du jour « deux quartiers généraux et un point de ralliement » des combattants, avant de regagner leur base de Diyarbakir (sud-est). D’après l’agence de presse Dogan, les cibles auraient été localisées autour du village de Havar, face à la province turque de Kilis (sud).
« La République de Turquie est déterminée à prendre toutes les précautions pour défendre la sécurité nationale » prévient le Premier Ministre turc Ahmet Davutoglu dans un communiqué de presse. « Ces frappes ont été décidées lors d’une réunion de sécurité qui s’est tenue jeudi soir ».
Une opération antiterroriste dans la nuit
La police antiterroriste a également lancé une vaste rafle dans vingt-six quartiers d’Istanbul dans la nuit de jeudi à vendredi et dans treize provinces du pays, selon le cabinet du Premier ministre. Dans la seule ville d’Istanbul, cinq mille policiers ont été mobilisés, à l’aide notamment d’hélicoptères. Il s’agit de toute évidence d’éviter que les cellules djihadistes, dites « dormantes » de Turquie, ne réagissent à la nouvelle des quelques trente-cinq victimes islamistes des frappes en Syrie, selon un bilan non officiel.
Ces réseaux comptaient des dizaines de milliers de militants ou de sympathisants un peu partout en Turquie. Rien qu’à Istanbul, cent quarante adresses ont été visitées par la police et une centaine de personnes ont été arrêtées, dont trente-six étrangers. En tout, quelques 251 personnes auraient été placées en garde à vue d’après un bilan provisoire.
Mais ce coup de filet ne visait pas que les milieux proches de l’Etat Islamique. Il concernait également le PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan), qui a revendiqué le meurtre de deux policiers le 22 juillet à Ceylanpinar à la frontière syrienne, en riposte à l’attentat de Suruç.
Le parti d’extrême gauche clandestine DHKP/C (Parti-Front révolutionnaire de libération du peuple) a également été visé par cette vague d’arrestations. Une militante de cette mouvance a d’ailleurs été abattue lors d’une fusillade avec la police dans un quartier d’Istanbul. Les forces de l’ordre assurent que cette dernière se préparait à une opération kamikaze.
Ankara étend sa coopération avec Washington
La Turquie est désormais en guerre sur plusieurs fronts, intérieurs comme extérieurs, et la situation parait de plus en plus incontrôlable. En effet, le jeudi 23 juillet au soir, le président turc Recep Tayyip Erdogan et son homologue américain se sont entretenus par téléphone. Washington faisait pression depuis longtemps sur Ankara afin d’intervenir militairement.
Selon le Wall Street Journal, la capitale turque aurait enfin autorisé les Etats-Unis à utiliser plusieurs de ses bases aériennes, dont celle d’Incirlik dans le sud du pays afin de mener des raids aériens contre des cibles du groupe Daesh en Syrie et en Irak.
Cette première offensive turque marque donc une prise de responsabilité politique et militaire. Il s’agit là d’une véritable entrée dans la bataille contre l’Etat Islamique de la part des autorités turques.
crédit image de couverture: ALBERTO PIZZOLI / AFP