Cédric Klapisch est de retour avec Ce qui nous Lie un film dans la veine humaniste à laquelle il nous a habitués. Mais si on est en terrain connu, le réalisateur fait-il pour autant du surplace ?
Mais c’est quoi déjà… Ce qui nous Lie ? Jean a quitté sa famille et sa Bourgogne natale il y a dix ans pour faire le tour du monde. En apprenant la mort imminente de son père, il revient dans la terre de son enfance. Il retrouve sa sœur, Juliette, et son frère, Jérémie. Leur père meurt juste avant le début des vendanges. En l’espace d’un an, au rythme des saisons qui s’enchaînent, ces trois jeunes adultes vont retrouver ou réinventer leur fraternité, s’épanouissant et mûrissant en même temps que le vin qu’ils fabriquent.
Quatre ans après Casse-tête chinois et après un passage comme directeur artistique sur la saison 1 de Dix Pour Cent dont il avait réalisé deux épisodes, Cédric Klapisch revient avec Ce qui nous Lie, son douzième long-métrage. Ayant mis un terme – temporaire ? définitif ? – à la trilogie des voyages de Xavier, il change de braquet sans pour autant s’éloigner de ses marottes.
Bien aidé à l’écriture par l’un de ses complices, Santiago Amigorena, on retrouve ainsi son humanisme, sa chaleur, sa capacité à mettre en scène des personnages pour lesquels on éprouve instantanément une empathie et qui charrient une bouleversante humanité. Avec Ce qui nous Lie, Cédric Klapisch aborde l’épreuve du deuil, comment surmonter l’absence des parents et s’affranchir des rancœurs accumulées. Il évoque des notions comme la solidarité familiale, l’engagement, la nécessité de se serrer les coudes contre vents et marées… Alors qu’il abordait la quarantaine de Xavier dans Casse-Tête Chinois, il s’intéresse ici au poids de l’héritage d’une fratrie que la vie a vu prendre des routes différentes et qui se retrouve à la croisée des chemins aux prises avec les affres d’une existence devenue lourde, sentiment exacerbé par la disparition parentale et les non-dits éternels.
Si dans son précédent opus Klapish parlait avec sincérité de ce moment de la vie où l’on devient parent et où l’on commence enfin par renoncer à soi pour faire passer sa progéniture avant tout et où paradoxalement on finit enfin par se trouver, il traite ici de l’adulte retrouvant l’enfant qu’il était pour revenir s’enrouler autour de ses racines. Peut-être plus simple et linéaire que ne l’était Casse-Tête Chinois, Ce qui nous Lie sait être léger comme une bulle de savon et grave à la fois, parvenant à faire venir à ébullition la saveur douce-amère qui enveloppe le film.
La force de Klapisch est comme toujours de savoir saisir au vol ces petits riens qui forment des grands touts, de donner du corps à la nostalgie, de faire friser l’œil et d’apporter un sourire sur les lèvres par la grâce d’une réplique amusante ou tendre qui vous fait chavirer par son naturalisme dans lequel on ne peut que se reconnaitre. Car de qui Cédric Klapisch parle-t-il sinon de lui, de vous, de nous en nous plongeant dans des problématiques qui nous touchent tous un jour ou l’autre. Il nous tend un miroir dans lequel se regarder et se reconnaître et nous cueille par la vivacité de ses traits d’esprit. Il nous immerge qui plus est dans le milieu viticole, au cœur des vignes ce qui n’est pas un environnement naturel pour le cinéma français (même si l’excellent Tu seras mon fils et le très oubliable Premiers Crus s’y déroulaient aussi).
Comme souvent, il s’est entouré d’interprètes au diapason qui restituent sa musique à la note près avec sensibilité, le tout enrobé d’une gravité sous-jacente qui apportent une densité émotionnelle au récit. En se choisissant un brelan d’as, il a eu la main heureuse et c’est l’évidence de la fratrie qui frappe quand on regarde s’ébattre le trio Pio Marmai-Ana Girardot-François Civil. Le premier est à la fois drôle et tendre, traversé d’éclairs d’humanité, souvent touchant, la seconde est belle et lumineuse, déterminée et fragile, émouvante et gracile. Le troisième est un bulldozer d’amour rentré, d’hésitation et de bienveillance. Leur complicité est magique et donne au film tout son corps et sa finesse.
Évidemment on pourra chipoter et dire que hormis Yamée Couture (une vraie belle révélation qui émarge juste derrière le trio de tête et qu’on a hâte de revoir plus longuement) et Maria Valverde, les autres personnages secondaires manquent un peu d’épaisseur et auraient mérité un traitement moins basique (les pourtant formidables Karidja Touré et Tewfil Jallab méritaient mieux) que Klapisch reste dans sa zone de confort, qu’il ronronne presque, mais si l’on est sensible aux belles histoires de famille qui font serrer les cœurs dans les poitrines, si vous aimez rire aux larmes dans un même élan alors Ce qui nous Lie vous prend et vous emmène vers les rivages familiers de la vie, là où tout prend sens et où il fait bon se reposer un peu.
Avec Ce qui nous Lie, Klapisch signe une chronique chaleureuse, douce et âpre comme la vie sur l’héritage et les racines servie par un brelan d’as.
Ce qui nous Lie de Cédric Klapisch – En salles le 14 juin