La littérature sous sa forme originelle de tragédie, avait pour rôle de provoquer la « catharsis », l’épuration des pulsions par la force des mots. Confrontée à la réalité du terrorisme, la littérature a plus que jamais tenu son rôle et les écrivains ont pris la plume pour mettre des mots sur la violence et les traumatismes. Le 8 décembre 2015, nous vous proposions un premier retour sur Dawa, de Julien Suaudeau, c’est aujourd’hui Paul Auster, auteur de Sunset Park, qui raconte la vie après la terreur.
Paul Auster et Sunset Park, le traumatisme des attentats du 11 septembre.
Sunset Park, roman de Paul Auster publié en 2010, est une autre forme de dénonciation de la violence, implicite et forte de l’image insidieuse et omniprésente qu’elle montre de celle-ci. Dans un New-York post-attentats, le personnage de Miles, paumé, sans emploi, amoureux d’une fille beaucoup trop jeune pour lui et sans aucun endroit où aller, se retrouve dans un squat à Brooklyn. Là-bas, il se remet en question tout comme la société dans laquelle il évolue, vouée à sa perte et traumatisée en profondeur par les attentats du 11 septembre et par le vide qu’ils ont laissé derrière eux. Auster met en relief une nouvelle « Lost génération », des adolescents et des enfants profondément désorientés qui vont devoir apprendre à se construire non plus dans l’espoir mais dans la violence, sur fond de crise économique.
Car au-delà de la question du traumatisme laissé par les attentats du 11 septembre, c’est une Amérique profondément en crise que l’on retrouve dans le roman de Paul Auster, un monde ruiné par une finance devenue folle, des quartiers vidés de leurs habitants par l’éclatement de la bulle financière. Auster utilise la littérature et ses effets de style avec brio pour exprimer la peur et le pessimisme ambiant. Lors d’une interview accordée à RTL en Français, il se défend cependant d’avoir voulu dresser un portrait fataliste de cette société post-11 septembre : « l’idée c’est simplement de présenter les choses comme elles sont, selon moi, selon mes idées du monde. C’est un portrait ni plein d’espoir, ni plein de désespoir. Un peu des deux, comme nos vies. » C’est donc bien une peinture de la société contemporaine, d’un subjectivisme assumé, que l’auteur Américain livre dans son roman. Dès la sortie de ce dernier, et outre les qualités stylististiques d’Auster, la critique soulignait la colère des personnages au-delà de la violence ambiante. Une colère qui isole et réunit, mise en scène dans le texte comme la conséquence naturelle de cette violence.
Sunset Park, Paul Auster, Editions Actes Sud, 23€
Version numérique 8.99€