En France, plus de 520 000 salariés ont quitté leur poste au premier trimestre 2022. Du jamais-vu depuis 2008. Cette situation s’explique par un changement de mentalité engendré par le covid-19, à la reprise économique et à l’influence américaine.
Un phénomène venu des Etats-Unis
Les « années covid » laissent derrière elles une empreinte sur la société et le phénomène de « Grande démission » est l’une des conséquences économique et sociale de cette période. Avant d’être un mouvement économique, ‘la grande démission’ est un mouvement social selon lequel les employés quittent leur emplois en nombre, soit pour partir à la retraite pour les plus vieux, soit pour changer d’emploi ou d’employeur pour les autres. En effet, le covid-19 a replacé la santé et le bien-être au cœur de la vie des gens et les appréhensions vis-à-vis du fait de changer d’emploi ou d’employeur, à la recherche d’un meilleur cadre de travail ou d’un meilleur salaire, ont été levées.
En octobre dernier le média Les Echos revenait sur le fait qu’aux États-Unis plus de 5 millions de personnes étaient sorti du marché du travail, un phénomène qui a touché tout particulièrement le secteur des services. Aux Etats-Unis, la loi de l’offre et de la demande est particulièrement élastique : les employeurs peuvent licencier sans préavis leurs salariés mais ces derniers peuvent également quitter leurs employeurs d’un jour à l’autre. Face à ces démissions de masse certaines entreprises ont donc pris la décision d’augmenter les salaires pour redevenir attirantes pour les salariés. Cela était suffisant pour motiver des démissions en masse dans les métiers de services mal payés, qui ont connu des taux de démission record : 6,8 % dans l’hôtellerie et l’alimentation. La vente de détail a également connu, en août 2021, un taux de départ plus élevé que la moyenne.
Au final, c’est près de 38 millions de personnes qui ont quitté leur emploi en 2021 d’après Le Parisien.
Une influence ressentie en France
En France également ce phénomène se fait ressentir à sa propre échelle avec près de 520 000 salariés qui ont quitté leurs postes au premier semestre de 2022. Cette situation est possible, tout d’abord grâce à la reprise économique, d’après Michael Orand, statisticien pour la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) pour Le Parisien : « Le marché du travail est dynamique. Cette hausse des démissions en est un symptôme, tout comme le fait que les employeurs qui veulent recruter ont plus de mal, et que l’activité de certains secteurs est limitée par manque de main-d’œuvre ».
Plus la demande sur le marché du travail est conséquente, plus c’est simple de trouver un nouvel emploi dans un autre secteur ou un emploi plus avantageux en terme de salaire ce qui est notamment le cas pour les secteurs de la restauration, du service à la personne ou de la construction. Dans le cas des secteurs plus qualifiés, « Dans l’informatique, la cybersécurité, la comptabilité, beaucoup de salariés quittent leur emploi pour devenir prestataires de services, notamment chez les 45 à 55 ans. La demande en travail reste colossale, mais se mettre à son compte a des avantages que l’on trouve moins dans le salariat, comme gérer son propre agenda », analyse Anne-Sophie Alsif, cheffe économiste au cabinet de conseil BDO France toujours pour Le Parisien.
Pour les 25-35 ans, la situation est également positive à cause de » la forte demande en main-d’œuvre » qui « met les jeunes actifs en position de force ». En effet, selon des chiffres de la Dares environ huit des dix démissionnaires de CDI au second semestre 2021 ont trouvé un emploi dans les six mois qui suivent.
Un marché dynamique
D’après Michael Orand, une situation similaire à celle des États-Unis avec des millions de démissions chaque mois n’est pas à prévoir en France : « Ce niveau de démissions est élevé mais pas inédit. C’est un indicateur qui revient cycliquement quand le marché du travail est dynamique. »
Pour Anne-Sophie Alsif, seul une période de récession pourrait inverser la tendance : « Le seul élément qui pourrait stopper cette dynamique, c’est une récession mondiale, provoquant une hausse du chômage qui découragerait alors les salariés à démissionner. »