« Il y a eu des malaises, des cris, tout le monde a essayé de se cacher, il y en a même qui ont commencé à escalader les murs du lycée, la panique était vraiment totale ». S’émeuvent des élèves en 2023 auprès de France Bleu ici Maine. Ils parlent ici d’un exercice attentat-intrusion dans leur école. Des simulations qui sont parfois poussées trop loin.
Depuis quelques années, les écoles françaises intègrent dans leur routine sécuritaire un exercice appelé « attentat-intrusion ». Il s’agit d’une situation, préparée avec soin, visant à entraîner élèves, enseignants et personnels à réagir face à une menace extérieure malveillante. Ce type d’alerte relève d’un scénario « exceptionnel », bien au-delà des exercices incendie classique. Le but n’est pas simplement de fuir ou de se mettre à l’abri. Il est fait pour tester des protocoles précis de confinement, d’alerte et de coordination avec les forces de sécurité.
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Une obligation inscrite dans le plan sûreté
Cet exercice s’inscrit dans le cadre du Plan Particulier de Mise en Sûreté (PPMS). Selon la circulaire du 8 juin 2023, chaque établissement scolaire doit désormais disposer d’un PPMS unifié. Il doit couvrir à la fois les risques « majeurs » (naturels, technologiques) et les menaces liées à une infraction ou un attentat.
L’IH2EF (Institut des hautes études de l’éducation et de la formation) rappelle que ce plan se compose de trois parties. D’abord une description de l’école, ensuite l’organisation interne et les conduites à adopter. En option, des outils d’usage des chefs d’établissement. Cette fusion entre risque majeur et attentat-intrusion s’opère progressivement. Les PPMS doivent être renouvelés selon un rythme fixé, avec une priorité donnée aux écoles les plus exposées.
Comment l’exercice est préparé ?
Loin d’être improvisé, l’exercice « attentat-intrusion » exige une préparation en amont. Les équipes pédagogiques identifient les chemins d’évacuation ou de mise à l’abri, les locaux susceptibles de servir de refuge, et travaillent sur la chaîne d’alerte. Objectif : s’assurer qu’elle fonctionne en situation réelle. Les consignes sont également adaptées selon l’âge des élèves. Dans les classes de maternelle, par exemple, on privilégie une présentation simple, proche d’un jeu, pour éviter de générer la panique.
De plus, la participation des forces de l’ordre peut être prévue, notamment via des observateurs externes. Dans l’académie de Besançon, par exemple, plus de 200 observateurs (police, élus, agents municipaux) ont été mobilisés pendant un exercice. Objectif : suivre la réaction des équipes et des élèves.
Le jour-J : entre alerte, confinement et réaction
Lorsque l’alarme « attentat-intrusion » est déclenchée, les élèves et personnels doivent adopter un comportement réfléchi. Selon les scénarios prévus, il peut être ordonné de fuir vers un lieu sûr. Ils peuvent aussi demander de s’enfermer dans les salles, de verrouiller les portes, d’éteindre la lumière et de rester silencieux. Dans ces moments simulés, l’objectif est de vérifier que les signaux d’alerte sont bien perçus et compris partout dans l’établissement, et que chacun connaît les gestes à appliquer.
Le retour d’expérience
À l’issue de l’exercice, un débriefing est organisé. Il permet selon IH2EF de faire le bilan : identifier ce qui a bien fonctionné, repérer les points de fragilité (signaux mal entendus, réactions lentes, issues non sécurisées…), et ajuster le PPMS en conséquence.
Cependant, tout n’est pas toujours rose : certains témoignages montrent que ces exercices peuvent avoir des effets inquiétants. Dans plusieurs cas, des parents s’alarment des répercussions psychologiques sur leurs enfants. L’idée d’une “intrusion dangereuse” dans une école, même simulée, peut alimenter l’angoisse, favoriser des troubles du sommeil, ou renforcer un sentiment d’insécurité permanent.
« Les portes, les fenêtres et les rideaux sont fermés, les lumières sont éteintes. Les élèves doivent se cacher et rester silencieux. Il y en a qui ricane, oui, mais on sait que c’est aussi pour masquer leur peur ou leur gêne (…) Tous les ans, on a des crises d’angoisse. »
Sophie Vénétitay enseignante et porte-parole du Snes-FSU (BFM TV)
Certains enseignants rapportent aussi des incompréhensions, voire des résistances dans les classes : dans un article, une institutrice décrit comment, pendant un exercice, des élèves de maternelle se sont cachés en silence, recroquevillés contre les murs, comme s’ils croyaient vraiment échapper à un danger imminent.