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Christine Angot à corps découvert

L’écrivaine controversée était de passage mercredi soir à l’Institut d’Etudes Politiques d’Aix-en-Provence pour la présentation de son nouveau roman. Portrait d’une femme-martyr, qui défraye la chronique et divise l’opinion publique.

Cette femme a quelque chose de bouleversant. Coupe à la garçonne, chemise noire, maquillage nude, Christine ne fait pas dans le clinquant. Elle est même la sobriété incarnée. Et pourtant, elle est le porte-plume d’une enfance bafouée, salie, abusée. Derrière son pupitre, l’auteur ne semble pas à l’aise. Son verbiage n’est pas vraiment fluide, comme si chaque mot prononcé était une épreuve. Alors, elle parle avec les mains, fait de grands gestes, comme si elles étaient son allié pour dire l’indicible. Ses mains. Elles ont été sa seule arme dans ce combat de toute une vie. Car devant la page blanche, Christine n’est plus la même. Elle est une femme en guerre. En guerre contre l’horreur, contre la perversité d’un père, contre l’inceste.

Une semaine en vacances, son dernier roman, a fait frétiller les critiques littéraires. Considéré comme une prouesse pour les uns et un déchet pour les autres, rarement un ouvrage aura suscité un accueil aussi violemment opposé. Il est, pour l’écrivain Philippe Forest, un recueil qui conduit le lecteur « d’un sentiment de malaise à celui d’excitation malsaine ». Entrecoupé de quelques passages salaces, son ouvrage tend, par moment, à la pornographie incestueuse.

Mais si d’aventure l’assistance avait été animée d’une quelconque curiosité malsaine, si elle avait imaginé avoir quelques détails croustillants sur son nouvel ouvrage, elle allait vite être déçue : Christine Angot n’allait que très peu évoquer Une semaine en vacances. Elle était là, avant tout, pour parler de ses peurs. Elle raconte qu’il lui a été très difficile de s’assumer en tant qu’écrivaine : « Mon mari prend mon premier écrit et me dit qu’il trouve ça vraiment bien, qu’il n’a jamais lu un truc aussi bon. Je lui dis ‘tais toi, ne me dis pas ça, ça me rend dingue !’ ». Christine n’arrivait pas à assumer son talent. Mais elle comprit vite qu’elle ne pouvait pas lutter longtemps : « On ne se lance pas dans l’écriture, c’est l’écriture qui vient vous embêter ». Elle sentait ce besoin d’écrire s’emparer d’elle, et elle en avait peur. Elle refusait que sa nouvelle passion conditionne sa vie. Mais là encore, Christine se fit vite une raison : « quand l’écriture se présente vous ne pensez à rien d’autre. Les amours, les enfants, l’argent, tout est subordonné à ça ».

La peur, elle existe aussi dans l’appréciation de ses proches : « Quand j’ai écrit mon dernier livre, je pensais à mes proches qui le liraient, à l’homme avec qui je vis. Je me demandais s’il devait le lire, ce qu’il allait penser, je craignais une forme de dégoût ». Mais en aucun cas son travail n’a été conditionnée par celle des critiques. Elle balaye d’ailleurs d’un revers de main les attaques dont elle fait l’objet. Des considérations qui font d’elle le vecteur d’une littérature perverse : « Je fais des livres qui n’ont aucune trivialité, ni vulgarité, ni barbarie ».

Christine Angot est une écrivaine controversée. Mais lorsque l’on fait de l’inceste – une perversité de l’esprit aussi grave, aussi tabou – le sujet d’un roman, peut-il en être autrement ? Aussi, elle est une adepte de l’auto-fiction. Et à ce titre, le lecteur est déchiré, rongé par la question de l’écriture et du réel : Christine Angot a t-elle été victime d’inceste ?

Tristan Molineri

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