Alors que fin janvier, plus de deux mille manifestants s’étaient rassemblés à Téhéran pour protester contre la publication d’une nouvelle caricature de Mahomet dans le dernier numéro de Charlie Hebdo, deux institutions iraniennes optent maintenant pour une autre tactique pour exprimer leur désaccord : l’organisation d’un concours sur l’Holocauste. En 2006, le journal Hamshahiri avait déjà lancé une campagne similaire pour protester contre la publication de caricatures du prophète dans le journal danois Jyllands-Postens.
Objectif de cette brûlante campagne de caricature ? Prendre les Occidentaux à leur propre jeu. Railler le massacre des juifs pendant la Seconde Guerre mondiale est une manière de montrer le double langage de l’Occident sur la liberté d’expression. Ces deux institutions, la Maison de la caricature iranienne et le complexe culturel Sarcheshmeh, entendent ainsi répliquer à l’enthousiasme mondial pour la défense de Charlie Hebdo, enthousiasme qu’elles estiment sélectif.
10 600 euros pour le lauréat.
The Independent précise que le concours propose des récompenses financières aux gagnants. Le vainqueur se verra ainsi offrir un chèque de 10 600 euros tandis que le deuxième et le troisième recevront respectivement 7 000 et 4 400 euros.
Les dessins sélectionnés seront exposés à différents endroits de la capitale iranienne.
Un précédent en 2006
Ce n’est pas la première fois qu’un tel concours est organisé en Iran. Le journal Hamshahiri, premier quotidien du pays, avait lancé une opération de la même facture pour dénoncer la publication de caricatures outrageuses à Mahomet dans le journal danois Jyllands-Postens.
Contrairement à ce que prétendent la majorité des titres français, le concours de 2006 – et celui qui vient d’être lancé s’il reprend les mêmes bases- n’était pas un « un concours international de caricature sur le thème de la négation de l’Holocauste » (Le Figaro). Les organisateurs avaient en effet précisé que le concours n’était pas destiné à promouvoir des dessins négationnistes, révisionnistes ou antisémites, rappelant qu’ils affirmaient l’existence du génocide. La visée du journal iranien était davantage celle d’un défi : « l’Occident étend-il la liberté d’expression aux crimes commis par les États-Unis et Israël, ou à un évènement comme l’Holocauste ? Ou est-ce que la liberté d’expression sert juste à insulter les personnages saints d’une religion ? » avaient ainsi questionné les éditeurs Hamshahiri, coorganisateurs du concours. Une manière pour l’Iran de dénoncer « le deux poids, deux mesures » qui dicte selon eux l’attitude occidentale.
Mais certains dessins interpellaient tout de même par leur caractère tendancieux. Un dessin de la française Chard représentait une chambre à gaz grimée en décor de théâtre et portant l’inscription « mythe des chambres à gaz » ; un Juif demandait « Qui l’a mis par terre ? », et on lui répondait « Faurisson ». Un autre dessin de Maziyar Bizhani montrait un groupe de Juifs tournant en rond pour parvenir à un compteur de 6 millions ; ils passaient par une chambre complètement inoffensive. Des croquis avec une dimension révisionniste patente.
Antoine Morange