Deux heures. C’est le temps qu’a duré l’agonie de Joseph Wood, un condamné à mort américain, qui, mercredi dernier, a succombé dans d’atroces souffrances après l’injection létale qui lui a été administrée. Un drame d’une violence sans précédent qui relance une fois de plus la polémique relative à la peine de mort aux Etats-Unis.
Joseph Wood, 55 ans, avait été condamné à mort pour le double-meurtre de son ancienne petite-amie et du père de celle-ci en 1989. Mais il ne s’attendait sûrement pas à décéder dans des conditions aussi pénibles : l’injection létale lui avait été administrée à 13h52 locales, alors que le décès n’a été déclaré qu’à 15h49, soit près de deux heures plus tard. Deux heures d’agonie au cours desquelles il a « haleté, grogné, suffoqué, et cherché sa respiration », selon son avocat Dale Baich. Ce dernier est même allé jusqu’à déposer une motion en urgence devant la Cour suprême pour qu’elle arrête immédiatement l’exécution tandis que le prisonnier était encore vivant plus d’une heure après l’injection. Une requête qui n’a pas abouti, le prisonnier étant finalement décédé avant la réponse de la Cour.
M. Wood avait lui-même déposé des recours au cours des mois précédant son exécution. En effet, à l’instar de nombreux condamnés, il avait dénoncé les risques de souffrances contraires à la constitution qu’il risquait d’encourir lors de sa mise à mort, notamment liés à l’absence d’informations sur les produits utilisés, leur origine, leur méthode de fabrication et les qualifications des personnels chargés de les injecter. Il faut savoir que dans les trente-deux Etats américains où la peine de mort est en vigueur, les autorités ont recours à des préparateurs en pharmacie non homologués pour fabriquer les produits d’injection. Cela a lieu depuis que les fabricants européens ont fabriqué d’en fournir aux Etats-Unis à des fins d’exécution. Toujours est-il que tous les recours déposés par M. Wood avaient été rejetés.
En revanche, lundi, la Cour d’appel de San Francisco avait suspendu temporairement l’exécution de Joseph Wood, estimant qu’il ne pouvait être mis à mort tant que persisterait le secret de la procédure. Son président, Alex Kozinski, avait même estimé que « la guillotine serait sans doute préférable », mais avait jugé toutefois « le peloton d’exécution plus prometteur » car l’injection létale, « trompeuse », « masque la brutalité des exécutions en leur donnant un air serein et paisible ». Cela ne fait aucun doute : nous sommes bien aux Etats-Unis… Et c’est finalement une injection létale, aussi chaotique fut-elle, qui a tué Joseph Wood.
La gouverneure de l’Arizona, Jan Brewer, a quant à elle défendu la légalité de l’exécution tout en se déclarant inquiète de sa durée. Elle a ordonné une enquête : « Une chose est certaine, le prisonnier Wood est mort de manière légale et n’a pas souffert selon des témoignages et des conclusions médicales », a-t-elle déclarée.
Des exécutions qui tournent mal
L’exécution de Joseph Wood est la première de l’année en Arizona. L’Etat avait refusé de dévoiler les détails de la procédure, mais on savait que les produits utilisés pour l’injection létale étaient les mêmes que ceux utilisés lors d’une exécution qui avait mal tourné en janvier dernier en Ohio. Lors de cette mise à mort, le condamné s’était agité et avait gémi pendant 26 minutes. L’Etat avait alors usé de l’anesthésiant midazolam combiné à de l’hydromorphone, un dérivé de la morphine.
Fin avril, c’est en Oklahoma qu’un prisonnier avait succombé dans d’apparentes souffrances 43 minutes après l’injection d’un cocktail de trois produits. A la suite ce drame, l’Oklahoma avait cessé les exécutions de prisonniers. De même, tout le pays avait suspendu les condamnations à la peine capitale, mais les ont reprises progressivement depuis, au grand désarroi de ceux qui luttent pour l’abolition de la peine de mort, ou du moins pour sa mise en œuvre de manière humaine…