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Le Dernier Métro : un classique incontournable du cinéma français

D’octobre 2014 à février 2015, la Cinémathèque française proposait une exposition sur François Truffaut (1932-1984), ainsi que la projection de cinq de ses films, incluant Le Dernier Métro. Fondateur de la Nouvelle Vague avec ses collègues des Cahiers du Cinéma, François Truffaut a acquit plus que tout autre cinéaste français, une renommée internationale et la reconnaissance du monde du Cinéma. Après avoir balayé les codes de la mise en scène dans Les Quatre Cents Coups, il réalisa plusieurs classiques du cinéma français et des films d’anthologie tels Jules et Jim, La mariée était en noir ou encore La Nuit américaine.

Sorti en 1980, Le Dernier Métro est l’antépénultième long-métrage de l’œuvre de François Truffaut. S’il n’est pas aussi emblématique que Les Quatre Cents Coups ou Jules et Jim, il est le dernier triomphe du réalisateur et annonce l’achèvement d’une longue et brillante carrière. Le film est un véritable succès critique et commercial et empoche 10 Césars en 1981, un record qui sera de nouveau atteint dix ans plus tard par Cyrano de Bergerac de Jean-Paul Rappeneau. Il a à ce titre remporté les cinq Césars dits « principaux », à savoir : meilleur film, meilleur réalisateur, meilleur acteur, meilleur actrice et meilleur scénario. Aucun film ne sera aussi récompensé jusqu’en 2013 avec Amour de Michael Haneke. Le Dernier Métro bénéficie en prime d’un casting exceptionnel. Catherine Deneuve et Gérard Depardieu dans les rôles principaux sont suivis par Jean Poiret en tête d’affiche et soutenus par Heinz Bennent, Andréa Ferréol, Maurice Risch, Jean-Louis Richard, ainsi que Paulette Dubost dans l’un de ses derniers rôles remarqués. En outre, la bande originale du film est attribuée au grand Georges Delerue, compositeur fidèle de François Truffaut et de Jean-Luc Godard.

1942. La moitié de la France est occupée par les Allemands. Alors que Paris est en proie aux affres de l’occupation, le théâtre Montmartre est en pleine effervescence. Lucas Steiner (Heinz Bennent), directeur et metteur en scène du théâtre, a été contraint parce qu’il était de confession juive, de quitter la France, laissant ainsi à sa femme Marion (Catherine Deneuve) les commandes de l’établissement. On apprend ultérieurement que Lucas s’est en fait réfugié dans la cave du théâtre, où Marion lui rend régulièrement visite. Ensemble, ils commentent le travail des acteurs de la pièce qui sera bientôt à l’affiche : La Disparue, et notamment celui de Bernard Granger (Gérard Depardieu), acteur renommé issu du Grand Guignol.

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Marion et Lucas dans le sous-sol du théâtre

Dès le générique, François Truffaut nous plonge dans la société française des années 1940 en insérant la chanson Mon amant de Saint-Jean interprétée par Lucienne Delyle ; le film s’amorce sur le grésillement du phonographe et l’emblématique r roulé des chanteurs de l’époque. La chanson est coupée sur une note morose et decrescendo, qui annonce la noirceur de la période abordée. L’introduction présente une succession d’images d’archives, alors qu’une voix-off décrit brièvement les évènements et les difficultés liées à l’occupation : restrictions, tickets de rationnement, faim, froid, peur, monotonie… Elle mentionne le couvre-feu et l’importance pour les parisiens de ne pas rater le dernier métro. On apprend que ces derniers se pressent tous les soirs dans les salles de spectacles pour oublier la tragédie et la désolation de la guerre, et qu’ainsi, théâtres et cinémas font salle comble tous les soirs. Il peut être intéressant de rappeler que François Truffaut a commencé à s’intéresser au Septième art pendant la guerre, il trouvait un refuge dans les salles de projection et fréquentait divers ciné-clubs. Le Dernier Métro mêle soucis du quotidien et difficultés liées à la guerre ; il insiste notamment sur les manières de contourner ces problèmes, sur l’appel à l’imagination, la débrouillardise.

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Bernard captive l’attention de la troupe en racontant ses mésaventures

Finalement, les aspects les plus tragiques de la guerre sont simplement évoqués, tels le conflit armé, la déportation… Par exemple, l’anecdote de la petite juive qui dissimule son étoile jaune sous une écharpe, évoque la Shoah avec légèreté. Lucas reste la seule véritable illustration des victimes des persécutions anti-juives. Les conversations qu’il tient avec Marion dans son habitat de fortune en sont une preuve formelle : « Non contents de monopoliser nos écrans et nos scènes de théâtre, les juifs nous prennent nos plus belles femmes. » La Résistance est quant à elle soulignée par les activités personnelles et les fréquentations de Bernard. A l’inverse du ton sombre et inquiétant de l’introduction, le film se conclue sur une note satyrique qui retrace le destin de chaque personnage, dépeignant ainsi la situation de la France à la fin de la Guerre : libération, épuration, etc.. Le Dernier Métro n’est pas un film sur la guerre mais plutôt une introspection figurative de l’être humain. L’on pourrait même le qualifier de film anecdotique ; tout ce qui constitue une peinture des mœurs de l’époque – le langage, les journaux, les ruses pour déjouer les privations, etc. – renvoie aux souvenirs de ceux qui ont vécu cette période difficile. On se peint les jambes parce que l’on manque de collants, on fait pousser son tabac soi-même, etc. De même, l’altercation entre Bernard et le journaliste Daxiat (Jean-Louis Richard) est tirée d’un incident survenu entre l’acteur Jean Marais et le critique Alain Laubreaux, alors que les multiples arrestations de Jean-Loup (Jean Poiret) renvoient aux mésaventures de Sacha Guitry à la fin de la guerre.

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Le Dernier Métro évolue dans un cadre intimiste, l’intégralité des scènes sont tournées dans des espaces clos : sous-sols du théâtre, bars, restaurants, chambre d’hôtel, coins de rue, etc. Aucune séquence du film ne prend vie dans des lieux spacieux et ouverts. La photographie revêt une coloration fortement marquée ; de l’ambre à l’écarlate en passant par l’orange brûlée, le film est recouvert d’un épiderme chromatique étincelant au faciès fauviste, à la fois réconfortant et poignant. La plupart des personnages principaux sont particulièrement attachants ; François Truffaut réussit à attribuer du charme à chacun d’entre eux. Chaque protagoniste se démarque par une qualité ou une manière d’être : Bernard par son éloquence, Marion par son élégance, Lucas par son esprit, Jean-Loup par sa finesse, Arlette par ses sarcasmes, Nadine par sa détermination, Raymond par sa simplicité ou encore Germaine par sa bienveillance. D’autre part, le film dégage une chaleur et une sensualité palpables. La sveltesse et la distinction des costumes collaborent à la mise en œuvre de cette volupté visuelle, notamment au niveau des costumes féminins. Marion par exemple, dispose d’une galerie de robes et de fourrures flamboyantes. L’attractivité du Dernier Métro réside également dans son humour, ses dialogues finement ciselés et son ouverture d’esprit. De cette manière, l’homosexualité masculine comme féminine est abordée avec tolérance et dérision ; on comptabilise trois personnages homosexuels dans le film : Jean-Loup (Jean Poiret), Arlette (Andréa Ferréol) et Nadine (Sabine Haudepin). Ces derniers ne sont pas affublés d’un traitement particulier et sont présentés sur le même pied d’égalité que les autres personnages.

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Marion, Arlette et jean-Loup

Avec Le Dernier Métro, François Truffaut recours habilement au recyclage de son œuvre personnelle. Marion, Bernard et Lucas forment un trio amoureux à l’image de celui de Jules et Jim. L’amour sous ses formes les plus extravagantes est un thème récurrent dans les films du cinéaste. Peut-on aimer deux personnes à la fois ? Les mains de Marion qui se glissent furtivement dans celles de Bernard puis de Lucas, illustreraient-elles que la seule solution envisageable est le ménage à trois ? On retrouve la célèbre phrase « C’est une joie et une souffrance. » que Jean-Paul Belmondo murmurait à Catherine Deneuve onze ans plus tôt dans La Sirène du Mississippi (1969), également réalisé par Truffaut – phrase réemployée par Catherine Deneuve dans Huit Femmes de François Ozon en 2002. Comme dans La Nuit américaine, Truffaut utilise le procédé de mise en abyme au travers de la pièce préparée par l’équipe du théâtre. La relation de Marion et Bernard semblent se confondre avec celle des personnages de la pièce. « Oui l’amour fait mal, comme les grands oiseaux rapaces il plane au-dessus de nous, il s’immobilise et nous menace. Mais cette menace peut-être aussi une promesse de bonheur… » : ce dialogue issu de la pièce fictive La Disparue s’incorpore si bien au récit filmique, que l’on en oublierait presque qu’ils sont sur scène.

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« C’est une joie… et une souffrance. »

Le Dernier Métro est indéniablement un grand film, fin, osé, raffiné et touchant. Bien qu’il ne soit pas l’ultime long-métrage de François Truffaut, il symbolise le dénouement de son itinéraire cinématographique. Au-delà de l’analyse que l’on peut en faire, ce long-métrage est aisément abordable et s’adresse à un large public. À voir et à revoir…

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