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Detroit, une faillite historique

Symbole de l’industrie automobile américaine, Detroit est devenue ce jeudi la plus grande ville de l’histoire des Etats-Unis à se déclarer en faillite. Longtemps prospère au début du 20e siècle, Motor City est aujourd’hui à l’agonie, écrasée par sa dette.

« Detroit is broke. ». C’est par cette phrase assommante que Rick Snyder, gouverneur de l’Etat du Michigan, a annoncé ce jeudi 18 juillet qu’il demandait la mise en faillite de Detroit, étendard de l’industrie automobile américaine. « Je prends cette décision difficile afin que les habitants de Detroit aient accès aux services publics les plus élémentaires et pour que la ville reparte sur de solides bases financières qui lui permettront de croître à l’avenir. », a expliqué l’élu républicain dans un communiqué. Si la requête venait à être acceptée par la justice fédérale, ce serait la plus importante déroute d’une ville dans l’histoire des Etats-Unis. Dans une lettre qui accompagne l’acte déposé au tribunal, M. Snyder estime que « la mise en faillite est l’unique solution qui permettra à Detroit de redevenir stable et viable ». Et pour cause, la dette accumulée par Motor City est vertigineuse : 18,5 milliards de dollars. Dès le mois de juin, la municipalité avait annoncé faire défaut d’une partie de cette somme, aveux d’impuissance qui laissait entrevoir une chute inévitable. Mais la situation est suivie de près par l’administration Obama, et celle-ci a même tenu à réaffirmer son soutien, par l’intermédiaire d’Amy Brundage, porte-parole de la Maison Blanche : « Si les dirigeants sur le terrain au Michigan et les créanciers de la ville savent qu’ils doivent trouver une solution aux graves difficultés financières de Detroit, nous sommes engagés à poursuivre notre partenariat solide avec Detroit au moment où elle œuvre pour reprendre le dessus, se revitaliser et maintenir son rang parmi les villes américaines de premier plan. ».

L'église St Agnes, fondée en 1924, a été abandonnée en 2006, en raison de problèmes financiers. (Flickr / erik_mauer)

L’église St Agnes, fondée en 1924, a été abandonnée en 2006, en raison de problèmes financiers.
(Flickr / erik_mauer)

60 ans de déclin

En 2008, Mitt Romney, alors candidat républicain à l’élection présidentielle, et originaire de la capitale du Michigan, avait déclaré dans le New York Times : « Laissons Detroit aller à la banqueroute. ». Il pensait en fait qu’en restructurant la dette, ce que permet la loi sur les faillites, et donc l’industrie, la ville pourrait prendre un nouveau départ. Aujourd’hui, son vœu est exaucé, mais la situation est critique. Ville brillante au début du 20e siècle, Detroit a subi de plein fouet la Grande dépression des années 30, et les nombreuses délocalisations qu’elle a entrainé ont amorcé la chute du géant industriel. Son héritage, une déchéance sociale profonde, s’illustre actuellement dans de nombreux domaines. En 60 ans, Detroit a perdu plus de la moitié de sa population, passant de 1.8 million d’habitants en 1950 à 700.000 aujourd’hui. L’éclairage public n’est plus assuré dans de nombreux quartiers, et 40% des lampadaires sont en panne. Seul un tiers des ambulances fonctionnent, faute de moyens. Le taux de criminalité est très élevé, et les forces de l’ordre sont dépassées. Pour preuve, la police met en moyenne près d’une heure à arriver lorsque elle est appelée, contre 11 minutes sur le plan national. Le berceau des Big Three (General Motors, Ford et Chrysler) fait donc face à un gigantesque défi.

Le Detroit's Michigan Theater, transformé en parking. (Flickr / Bob Jagendorf)

Le Detroit’s Michigan Theater, transformé en parking.
(Flickr / Bob Jagendorf)

« Un test grandeur nature »

Pour tenter de trouver le fond du problème, le gouverneur Snyder avait mandaté Kevyn Orr, un expert en la matière. M. Orr avait ciblé « une mauvaise gestion financière, une population en baisse, une érosion de la base fiscale pendant ces 45 dernières années » parmi les causes, et proposé des négociations avec les créanciers de la ville. Mais ceux-ci, des fonds de retraite auxquels Detroit devait 9 milliards de dollars, ont lancé une procédure judiciaire, échaudés par le projet de l’expert. Un dossier mis entre parenthèses par la demande d’état de faillite de la capitale du Michigan. Detroit attend donc maintenant la décision des juges, qui devront déterminer si le placement sous la protection de la loi sur les faillites est nécessaire. Si c’est le cas, la dette sera bel et bien renégociée. Mais le sujet est délicat, parce que peu connu. « Le plus gros défi est qu’il n’y a pas eu énormément de faillites de municipalités dans l’histoire (…), on a donc peu d’expérience en la matière. », prévient Douglas Bernstein, un avocat spécialisé dans le domaine. Motor City, symbole de la chute continuelle de l’automobile américaine, pourrait même servir d’éclaireur. En effet, d’autres villes frappées par la crise seraient tentées de suivre l’exemple, ce qui fait dire à un autre avocat, cité par le New York Times, que Detroit sera « un test grandeur nature ». En tout cas, l’ex fleuron de l’industrie américaine a osé, une « décision courageuse » saluée par la chambre de commerce de la ville. Et puis, comme l’explique si bien un proverbe japonais, « le malheur peut être un pont vers le bonheur. »

Le luxueux Lee Plaza Hotel, fermé dans les années 90.  (Flickr / memories_by_mike)

Le luxueux Lee Plaza Hotel, fermé dans les années 90.
(Flickr / memories_by_mike)

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