Deux jeunes coiffeuses marocaines sont aujourd’hui jugées pour « outrage à la pudeur » et risquent jusqu’à deux ans de prison.
Leur crime ? Avoir osé porter une minijupe, et se plaindre de se faire harceler dans la rue en raison de leur tenue. De nombreuses associations les soutiennent et une d’entre elle leur a fourni un avocat. De victimes d’agression sexiste dans la rue, elles sont passées à coupables d’outrage à la pudeur.
Agressée pour avoir porté une mini-jupe
Alors qu’elles se promenaient dans un marché de la ville d’Inezgane, près d’Agadir, les deux amies sont prises à partie par la foule, encerclées et doivent se réfugier dans la boutique d’un commerçant. A l’arrivée de la police, elles s’imaginent qu’elles sont emmenées au poste pour être protégées. On leur annonce alors qu’elles vont être en garde à vue pour 48 heures pour atteintes aux mœurs. Jugées aujourd’hui, elles risquent jusqu’à deux ans de prisons.
Les deux jeunes femmes étaient pourtant les victimes d’une agression. Elles ont porté plainte pour « harcèlement, agression, menaces, discrimination, insultes, diffamation et non-assistance à une personne en danger« . Deux hommes agés de 17 et 18 ans ont aussi été arrêtés, pour avoir harcelé les deux victimes. Ils sont poursuivis pour « une agression verbale et physique et atteinte flagrante à la pudeur, lorsque l’un des suspects s’est livré à des actes suggestifs attentatoires à la pudeur » explique la Sureté Nationale dans un communiqué. Ils risquent jusqu’à deux ans de prison, soit autant que la sentence prévue pour le port d’une mini-jupe.
Le soutient s’organise sur les réseaux sociaux
De nombreux soutient se sont manifestés, sur internet mais aussi sur place par le biais d’associations féministes qui ont organisé manifestations et sit-in. Le slogan : « Mettre une robe n’est pas un crime » est devenu viral, notamment utilisé en hashtag sur Twitter. De nombreux hommes ont posté des photos d’eux portant une robe sur les réseaux sociaux afin de manifester leur soutien.
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Posted by Ahmed Bennani L’artiste Peintre on dimanche 28 juin 2015
Une pétition en ligne a été créée, elle réunit aujourd’hui plus de 25 000 personnes.
Plusieurs manifestations ont eu lieu et « des sit-in sont programmés devant le tribunal et c’est tant mieux. » a annoncé l’avocat des jeunes filles au site illionweb. Des internautes avaient prévu de manifester devant l’ambassade du Maroc à Paris, tous habillés en jupe.
Une mini-jupe comme symbole des inégalités au Maroc ?
Pour leur avocat, les filles ne sont pas en tort car l’article 483 évoqué par l’accusation est trop floue pour assimiler une mini jupe à un outrage à la pudeur. De plus, la Constitution marocaine prévoit l’égalité des droits et libertés pour les hommes et les femmes.
Toujours selon l’avocat, il ne faut pas assimiler les écarts « obscurantistes » à la situation marocaine : « Nous parlons d’un Maroc ouvert, moderne et démocratique, lié à l’Europe, malgré ses préceptes musulmans… Et nous allons à l’encontre de toute l’ouverture et la modernité prônées par le pays. ». Il invite aussi les citoyens marocains à se rebeller : « Les gens ne réalisent pas que nous vivons une période très délicate et que demain, les choses risquent d’empirer si la société ne s’y oppose pas.« .
Pour certains observateurs, cette arrestation est le signe d’un tournant liberticide dle royaume marocain. Le site Telquel a publié une tribune incendiaire contre cette décision, en concluant « Mais tu continueras à être ce que tu es. Et que ceux à qui ça ne plaît pas baissent les yeux. Parce que toi, tu ne les baisseras pas. ». A appliquer tous les jours.