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Edito : « La France Orange Mécanique », entre manichéisme grotesque et appel à la haine

Paru en Janvier dernier, le livre de Laurent Obertone fait les choux gras de la presse nationale et s’attire les foudres des éditorialistes. La théorie relatée ? L’ensauvagement de la nation, l’inexorable recrudescence de l’insécurité, et la criminalisation de la société. Plongée dans les tréfonds de la nullité littéraire, d’un tissu d’âneries raciste et mal écrit qui flatte les bas instincts du peuple.

Sur la quatrième de couverture du bouquin, une petite inscription interpelle : « Diplômé de l’Ecole Supérieur de Journalisme de Lille, il (Laurent Obertone) est considéré par Michel Houellebecq comme l’une des grandes signatures de demain ». Avant la lecture du livre, la petite note peut charmer. Michel Houellebecq est un écrivain éminemment respecté, lauréat de nombreux prix littéraires. Mais prenons un peu de recul. Michel Houellebecq a toujours divisé les critiques français. Pour certains, il est le plus grand écrivain contemporain. Si tel était le cas, et s’il était effectivement admis que Laurent Obertone soit « l’une des plus grandes signatures de demain », inquiétons-nous, d’une part, pour la santé mentale de Houellebecq, et d’autre part, pour l’avenir de la littérature française.  Pour d’autres, l’écriture de Houellebecq se définirait mieux par le néant et la nullité littéraire. On comprendrait mieux l’énigmatique admiration de l’écrivain controversé pour Laurent Obertone.

Ou peut-être faudrait-il chercher du côté des idées morales et politiques soutenues par un Michel Houellebecq ô combien provocateur. Un homme qui avait déclaré : « La religion la plus con, c’est quand même l’islam Quand on lit le Coran, on est effondré… effondré. ». Un homme qui affirmait sans complexe que « les juifs sont plus intelligents et plus intéressants que la moyenne ». Si c’est un écrivain accusé d’islamophobie par diverses associations musulmanes qui soutient l’auteur de « La France Orange Mécanique », la logique est respectée. Une logique tordue, dégueulasse, mais respectée. Car il s’agit bien de cela, dans « l’œuvre » de Laurent Obertone. D’une idéologie raciale déguisée, d’un appel à la haine, sur fond de procédés sensationnalistes dignes d’un mauvais polar.

Laurent « Ober-tonne de conneries » est-il un prophète ?

« Nul n’est censé ignorer la réalité ». C’est bien le sous-titre du livre de l’écrivain-journaliste. Un amuse-bouche qui transpire l’arrogance. En fait, Laurent Obertone a toujours dénoncé la gentillesse écervelée des médias et l’édulcoration permanente de la réalité. Alors, armé de sa lance prophétique, il transperce le discours bien-pensant et arrache le voile maintenu depuis tant d’années sur le visage de la vérité. On exagère à peine.

Si Obertone ne prétendait pas retranscrire le réel, son ouvrage aurait pu  – par moment – être intéressant. Maladroit, stylistiquement affligeant, mais intéressant. Mais le discours de l’ancien journaliste déborde de prétention, et s’affirme comme porteur d’une parole indubitable : celle de « l’ensauvagement de la nation ». Maladroit ? Dangereux.

L’auteur s’érige en idéologue des temps modernes, mais il produit un texte à mi-chemin entre le roman et l’essai. Troublant. Le lecteur s’attend à un écrit sociologique, il se retrouve embourbé dans le récit d’un narrateur omniscient, qui dès les premières lignes de l’ouvrage hybride, mêle procédés fictionnels et volonté de retranscrire le réel.

« L’homme s’est mis à marcher quand elle est passée devant lui. Elle a alors accéléré le pas, en osant un coup d’œil par-dessus son épaule. Il était trapu, le crâne rasé, la peau sombre, vêtu d’un blouson noir. Il marchait derrière elle, les mains dans les poches. Elle avait vu ses yeux. Ses yeux qui l’avaient regardée. Malgré tout ce qu’on lui avait appris, la confiance en soi, l’auto-défense, les beaux discours de bienveillance envers les inconnus, le rejet des préjugés… la peur, cette peur honteuse était là, marchait sur ses pas. Il lui semblait même que l’homme venait de dire quelque chose. Elle s’entendit articuler quelque chose qui ressemblait à un non. Paralysée par la peur, la proie n’a pas la force de se retourner, de faire un scandale, de tenter d’effrayer son prédateur. Elle continuait à marcher ? Comme face à un molosse qu’on devine dangereux, elle s’efforçait de ne pas montrer sa terreur, pour ne pas l’encourager. Pour l’instant, rien ne s’était encore passé. Elle avait des amis, des projets. Sa vie d’étudiante suivait son cours. Mais il allait se passer quelque, au fond d’elle, la fille le savait. Quelque chose qui détruirait son passé, son avenir, et qui l’éloignerait à jamais de l’inconscience. »

Quelques lignes et clichés plus loin, on apprend que « Pauline » a été poussée dans l’escalier par son agresseur, frappée, violée. Que son « âme » avait été brisée. Que « sa vie était détruite ».

Malheureusement pour Laurent Obertone, le Nouvel Observateur révèle lundi dernier que la dite Pauline avait, à la suite de son agression, « travaillé, montant une entreprise avec une amie, puis d’autres, vit avec son compagnon de toujours, et est mère de deux enfants ». Si elle a bien été victime d’un viol, si elle a longtemps été hantée par l’agression, il semblerait qu’elle ne soit pas la jeune fille « brisée à vie » présentée par l’auteur. Obertone ne s’intéresse qu’aux crimes commis par des noirs ou des arabes, souligne impunément la souffrance des victimes, sans se soucier, qu’elle puisse, comme Pauline, faire preuve d’une bravoure louable pour se reconstruire. Car Obertone s’en fout.

Dès les premières pages de l’ouvrage, la prétendue réalité exposée par Laurent Obertone est transformée. Au lieu de retranscrire le réel, il le manipule. Se doute t-il vraiment de ce qu’il construit ?

 Marine Le Pen likes this 

Obertone ne fait pas seulement dans le sensationnalisme médiocre. Sa tasse de thé, c’est l’incohérence. Le désormais ex-journaliste n’a de cesse de critiquer l’édulcoration du réel par la presse lorsqu’elle relate des faits divers violents, n’a de cesse de souligner une réalité adoucie ou améliorée, mais fonde son analyse en usant des même articles. Tous les chiffres énoncés, les histoires de crimes racontées, sont tirées de cette même presse qu’il se plait tant à démonter. Pourquoi user d’un système lorsqu’on ne lui fait pas confiance ?

 Les paradoxes pleuvent. En revanche, la réaction de Marine Le Pen obéit à une logique évidente : « Il faut absolument lire ce livre » a-t-elle déclaré. Peu étonnant. La France Orange Mécanique est son nouveau livre de chevet. En février dernier, à l’occasion d’une conférence de presse sur le thème de l’insécurité, la présidente du Front National n’a pas hésité à mentionner le thème du bouquin, « l’ensauvagement de la nation ». Quelques jours plus tard, elle brandit encore le torchon sur le plateau de l’émission Des paroles et des actes. Comme Obertone, elle parle « d’une violence gratuite qui se déchaine par hasard ». Comme Obertone, elle pointe du doigt les conséquences, sans se préoccuper des origines du mal.

On ne parle à aucun moment de ces industriels français qui ont exploité pendant de longues années la misère de milliers d’Africains.  Qui raffolaient de la main d’œuvre bon marché. Le malaise social est exposé, mais il est pensé à l’envers. Pour l’auteur, tenir ce discours, c’est céder aux sirènes des bien-pensants.

Mais c’est surtout céder à l’antiracisme. C’est surtout, rejeter une théorie manipulatrice infâme, que certains osent même assimiler à un Mein Kampf moderne. Appel à la haine, à la stigmatisation ; le parallèle est facile.

Pour l’heure, La France Orange Mécanique squatte les têtes de gondole à la Fnac, et se retrouve en tête des ventes sur Amazon. Vous le repérerez facilement. Vous savez, c’est ce livre orange-fluo, au contenu aussi alarmant que la couleur qu’il arbore.

 

 

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