Elise Lucet réuni plus de 311 412 personnes sur Change, un record. Elle proteste contre une proposition de loi débattue aujourd’hui à la commission européenne : elle vise la « Protection des savoir-faire et des informations commerciales non divulgués (secret d’affaires) contre l’obtention, l’utilisation et la divulgation illicites ».
La rédactrice en chef de Cash Investigation pointe les effets de cette loi : posséder ou utiliser des informations secrètes sur une entreprise devient un délit passible de lourdes amendes « voir même de peines de prison dans certains pays » précise la journaliste dans le texte présentant sa pétition. Les reporters n’ont donc plus le droit d’enquêter sur des entreprises.
Nous avons maintenant dépassé les 100 000 signatures en 48h. C’est vraiment une belle mobilisation. Faites passer le vote c’est le 16 juin.
— Elise Lucet (@EliseLucet) 6 Juin 2015
L’hypocrisie de Bruxelles démontrée
Bruxelles se défend de vouloir passer les journalistes sous silence. Le parlement promeut une loi pour protéger les PME de l’espionnage industriel, véritable « fléau mondiale« , comme le qualifie au Grand Journal Constance le Grip (les Républicains), rapporteur de la commission des affaires juridiques et en charge de ce dossier pour la Commission européenne. Bruxelles évoque donc un désir de protéger le savoir-faire des TPE et PME.
Elise Lucet remet cette version en doute sur le plateau du Grand Journal : pourquoi certaines propositions de lois visent le droit d’informer ? Aucune PME n’a été reçue à Bruxelles. Au contraire, le patron Alstom, grosse multinationale, a pu défendre ce projet de loi devant la Commission. Comme l’explique Elise Lucet lors d’une conférence de presse, « à Bruxelles, ce sont seulement des énormes groupes qui ont été entendus, comme Air Liquide ou Dassault. Ces lobbys font tout pour restreindre au maximum l’investigation économique« .
De plus, Edouard Perrin, reporter spécialiste de la finance pour Cash Investigation, explique sur ce même plateau télévisé que les PME victimes d’espionnage industriel étaient celles qui n’avaient pas les moyens de se défendre : un projet de loi dans ce sens aurait pu être imaginé.
Journalistes et citoyens, premières victimes
Avec ce projet de loi, les entreprises elles-mêmes pourront définir ce qui relève du secret professionnel : les brevets bien surs, mais aussi leurs paradis fiscaux, scandales sanitaires ou le nombre d’enfants exploités pour la fabrication de leurs produits.
Alors qu’aujourd’hui, les entreprises ne disposent que d’appels téléphoniques dissuasifs ou des tentatives d’arrangement pour éviter la publication de scandales, demain elles pourront avoir recours à un moyen légal : la possession ou l’utilisation de documents relevant du secret professionnel sont interdites. Qui va payer pour la révélation d’affaire, au risque de faire couler sa rédaction ? L’autocensure est à craindre, tout comme la disparition des sources, qui ne sont plus protégées.
Elise Lucet dans cette vidéo dénonce l’atteinte à la presse que cette loi constitue.
Les montants de l’amende pour les journalistes seront calculés en fonction du préjudice imputé à cette révélation. Ceci protège d’avantage les grandes entreprises, car les révélations de scandales ont forcément des impacts plus importants si la firme touche plus de monde. Pourquoi les journalistes ne pourraient s’attaquer qu’aux petites entreprises, souligne Fabrice Arti dans cette interview pour France Info.
Médiator, Bigmalyon, Luxileaks… toutes ces affaires ont été révélées par des journalistes consciencieux : en révélant les magouilles des entreprises, ils ont simplement fait leurs devoirs de citoyens. Comme le résume Fabrice Arti au micro de France Info : « Ce n’est pas un réflexe de journalistes pour journaliste, c’est un choix de société. Est-ce qu’on veut que la presse soit le relais plus ou moins complaisant des communiqués de presse ? Ou est-ce qu’on veut que la presse puisse révéler des informations que le public ne connaissait pas ?« . Si vous aussi voulez changer les choses, c’est par là.