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En Allemagne, l’immigration a un prix

Été 2015. Une crise des réfugiés sans précédent touche le monde. L’Europe en première ligne. La politique allemande semble claire : ouvrir les frontières. Résultat ? L’arrivée de près d’un million de demandeurs d’asile du Moyen-Orient. Se félicitant elle-même d’un bilan positif à travers une décision jugée essentielle, la chancelière Angela Merkel l’affirme à l’occasion de sa traditionnelle conférence de rentrée : « Quand tant de gens se massent aux frontières […], il faut les traiter avec humanité ». Les chiffres se révèlent souvent trompeurs et la situation semble bien plus alarmante que ce que l’on voudrait nous présenter. Un nouveau récit est à écrire.

Selon les données d’Eurostat, l’Allemagne se place comme le « meilleur élève » en matière d’accueil de demandeurs d’asile avec près de 150 000 candidatures en 2019. En terme de chiffres, ce statut semble ici largement justifié – presque par défaut tant l’Allemagne est seule au sein de l’Union Européenne à offrir une réponse assumée à cette question.

Mais le tableau est tout autre. Certains indicateurs montrent de véritables effets positifs quant à l’intégration de ces réfugiés au sein du marché du travail et du processus éducationnel. Des mots intelligemment choisis par la chancelière quand la thématique migratoire divise le pays à l’horizon des élections fédérales en 2021.

La politique et les moyens de la politique.

Oui, la crise du coronavirus touche l’ensemble des dynamiques économiques. En effet, la montée du chômage affecte, certes, tous les pays de l’UE mais les demandeurs d’asile risquent d’en pâtir les premiers. Conséquence logique d’une situation de précarité pour ces afghans, syriens et iraniens.

En première ligne : la question du statut. Près de 200 000 réfugiés se sont vus refusés un droit de séjour et ne disposent que d’un statut légal ambigu : le Duldung (traduisez « tolérance »). Ces 20% n’ont pas de droit de séjour mais ne peuvent pas être expulsés. En bref : ni l’expulsion, ni la régularisation. Une frontière que le gouvernement allemand se refuse de franchir, se plaçant, de ce fait, comme le principal fautif des difficiles conditions de vie de ces centaines de milliers de personnes. Symbole d’une politique d’intégration en demi-teinte.

Précarité et inégalités.

De septembre 2015 à décembre 2019, le nombre de réfugiés ayant une activité leur permettant d’avoir une protection sociale a quadruplé, passant de 84 500 à 362 000 selon les données de l’Institut allemand pour la recherche économique DIW. Un chiffre considérable.

Mais l’intégration se paye au prix fort. Des inégalités de nationalités demeurent : entre les Syriens et les Afghans par exemple. A noter que cette asymétrie s’explique par le fait que 26% des Syriens ont fait des études secondaires, contre 8% d’Afghans. Et le tableau se ternit lorsque l’on rappelle le désir du gouvernement allemand de créer 100 000 contrats volontairement précaires.

Si l’Allemagne accueille aujourd’hui tous les réfugiés, on ne trouvera jamais de solution à l’échelle européenne.

Angela Merkel, à propos de son refus d’accueillir des migrants bloqués en Grèce.

Ces dizaines de milliers d’emplois payés à 80 centimes d’euros de l’heure. Dix fois moins bien rémunérés que le Smic horaire allemand. Un véritable déclassement social pour un seul objectif : faciliter l’intégration au marché du travail et leur permettre d’apprendre l’allemand au sein du monde de l’entreprise. A noter que certains « minijobs » existent déjà pour les chômeurs de longue durée à hauteur d’1,05 euros de l’heure.

Gratitude.

Et aucune stratégie claire ne se dessine du côté des dirigeants. La raison de cette paralysie ? L’échéance électorale des législatives dans moins d’un an, en septembre 2021. Le sujet est très chaud dans le débat public, y compris au sein du clan d’Angela Merkel, chancelière depuis plus de 14 ans. Pour rappel, les choix politiques gouvernementaux de 2015 ont conduit à l’élection de 94 députés d’extrême droite lors des législatives de 2017. Un score historique. La force de droite conservatrice et chrétienne CDU-CSU à laquelle appartient la chancelière se divise toujours sur cette question.

Les conservateurs allemands sont aujourd’hui en tête des intentions de vote atteignant le seuil de 40%. Une popularité aidée par la confiance donnée aux allemands quant à la gestion de la crise sanitaire. Loin devant le faible score des nationalistes ne dépassant pas le plafond des 10%. Une situation qui conforte le statu quo. Ne rien faire. Ne rien faire pour garder les faveurs de l’extrême droite. Jusqu’à rejeter la faute aux pays européens sur leur propre sol. A la proposition du SPD (parti social-démocrate) du Land de Berlin d’accueillir 300 migrants bloqués en Grèce, Angela Merkel ne répond rien. « Si l’Allemagne accueille aujourd’hui tous les réfugiés, on ne trouvera jamais de solution à l’échelle européenne ».

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Journaliste culture, politique et société
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