Longtemps réservée aux femmes, la charge contraceptive pourrait bientôt s’équilibrer. Aux États-Unis, une pilule masculine non hormonale, l’YCT-529, est en cours d’essais cliniques avancés.
Une révolution contraceptive en cours
Aujourd’hui encore, la contraception repose majoritairement sur les femmes. En France, 90% des femmes âgées de 18 à 49 ans non ménopausées utilisent un moyen contraceptif. Les hommes, eux, n’ont que deux options. Le préservatif et la vasectomie. Mais cela pourrait changer.
Aux États-Unis, des chercheurs de l’Université du Minnesota ont développé une pilule contraceptive, l’YCT-529. Financée par plusieurs organismes publics et privés, cette pilule vise à bloquer la production de spermatozoïdes sans modifier ou impacter les hormones. Contrairement à la pilule féminine, elle n’implique ni oestrogène ni progestatifs.
Son mode d’action repose sur l’inhibition d’un récepteur de la vitamine A, essentiel à la production des spermatozoïdes. Lors des essais sur les souris, l’YCT-529 a provoqué une infertilité après quatre semaines de traitement, sans effets secondaires. La fertilité est revenue à la normale après six semaines d’arrêts. Chez les primates, les résultats ont été similaires, avec un retour à la normale en dix à quinze semaines.
Selon Gunda Georg, une des chercheuses principales, cette pilule pourrait « offrir davantage d’options contraceptives aux couples » et donc alléger la charge mentale qui pèse sur les femmes depuis des décennies.
Un processus scientifique bien engagé
Les premiers essais cliniques sur l’homme ont commencé en 2024. Ils se sont déroulés sans incident majeur. Aucun effet secondaire n’a été rapporté chez les seize volontaires ayant pris le traitement quotidiennement. La phase suivante est encours. Elle vise à confirmer l’efficacité de la pilule chez un plus grand nombre d’hommes.
Avec un taux d’efficacité à 99%, une réversibilité prouvée et l’absence d’effets secondaires, les résultats semblent prometteurs. La directrice scientifique de YourChoice Therapeutics, Nadja Mannowetz, affirme que « nous avons besoin de davantage d’options contraceptives, en particulier pour les hommes« .
Pourtant, la commercialisation ne sera pas immédiate. Après les essais cliniques, le laboratoire devra soumettre un dossier à la FDA, autorité sanitaire américaine. Ce processus peut prendre jusqu’a un an. En Europe, l’YCT-529 devra ensuite être validée par l’EMA et l’ANSM. Cela prendre au minimum un à trois ans supplémentaires. YourChoice Therapeutics vise une mise sur le marché américain d’ici 2029. En France, il faudra sans doute attendre plus longtemps.
Vers un nouvel équilibre contraceptif ?
Pour la communauté scientifique, l’arrivée d’une pilule masculine fiable serait une avancée majeure. Elle offrirait aux hommes une véritable alternative aux méthodes actuelles. Mais aussi, symboliquement, elle redistribuerait les rôles dans la contraception.
Jusqu’ici, les tentatives de développement de contraceptifs masculins se sont souvent heurtées à des obstacles. Effets secondaires, manque d’efficacité ou désintérêt des laboratoires. Pendant ce temps, les femmes ont continué à porter seules la charge physique, mentale et médicale de la contraception.
Alexandra Alvergne, chercheuse au CNRS, estime par ailleurs que le pilule pour homme sera probablement effective et démocratisée « dans 10 ans. Sûrement pas avant« . Cette perspective suscite un mélange d’enthousiasme et de prudence. Car au-delà de l’innovation médicale, la question est aussi sociale. Les hommes seront-ils prêts à prendre en charge une partie de la contraception ? Les pouvoirs publics soutiendront-ils cette évolution par des campagnes d’information ou des remboursements ?
L’arrivée de l’YCT-529 pourrait bien rebattre les cartes. Mais il reste encore du chemin avant d’équilibrer cette inégalité contraceptive.