L’exemplarité. Qu’on cesse d’employer ce terme qui ne trompe plus personne. En France, le mythe de l’irréprochabilité et de la droiture, revendiqué par les politiques et exigés par les citoyens, est bafoué en toute impunité. Si quelques uns s’opposent, une majorité des citoyens et des médias se contentent du spectacle déplorable de l’élection présidentielle.
Exemplarité, transparence : quand des politiques de droite se moquent de la justice
Souvenez-vous : il y a quelques mois encore, François Fillon faisait de l’exemplarité politique, le point d’orgue de son discours de la primaire de la droite. Ce chantre de l’honnêteté se prenait, avec modestie, en exemple. Ces quelques tweets savoureux témoignent de la verve éthique du désormais sage déchu.
Au sommet de l’Etat, l’intégrité du Président et de ses ministres doit être irréprochable car il n’y a pas d’autorité sans exemplarité.
— François Fillon (@FrancoisFillon) November 18, 2016
Il faut une justice rapide et ferme. L’impunité zéro doit être la règle ! #PalaisDesCongrès pic.twitter.com/puyJLiyuLj
— François Fillon (@FrancoisFillon) November 18, 2016
Seulement voilà : lorsque cette « justice rapide et ferme » se retourne contre lui, l’ex-nouveau champion de la droite française regarde en face la justice et lui dit : non. Avant de s’embourber dans une défense douteuse et populiste, fustigeant un « gouvernement des juges et un coup d’État » contre sa petite personne.
Le candidat à la présidentielle est mis en examen, le 14 mars, dans le cadre du Pénélope Gate. Les accusations sont : « détournement de fonds publics », « complicité et recel de détournement de fonds publics », « complicité et recel d’abus de biens sociaux » et « manquement aux obligations déclaratives ». François Fillon perd définitivement sa crédibilité à représenter la droite dans la campagne présidentielle. Malgré l’évidence et l’abandon de la plupart de ses soutiens, il tente de survivre dans sa campagne, tel un « soldat qui ne baisse pas la tête » face aux balles de ses adversaires.
« Il faut rebâtir une Justice qui ait la capacité de protéger la victime et sanctionner comme il se doit délinquants et criminels. » #1erMaiFN
— Marine Le Pen (@MLP_officiel) May 1, 2016
La candidate d’extrême droite à la présidentielle française, Marine Le Pen, semble aussi vouloir se débarrasser de la justice d’un revers de main. Son parti est fortement suspecté de délinquance financière dans l’affaire des emplois fictifs au Parlement européen. Leur présidente doit se rendre devant un juge ? Une « instrumentalisation de la justice, qui cherche à peser sur l’élection présidentielle » répond-elle.
Sphère médiatique cherche recul critique
Les médias ne sont pas épargnés par cette exigence d’exemplarité. Si la tendance à la méfiance généralisée des médias est à nuancer, (le fameux complot médiatique), certaines pratiques entachent l’exemplarité et la neutralité revendiquées par les médias. Le Monde par exemple, qui publie le 10 février 2017 dans M, son supplément magazine, un article intitulé » Les microcandidats à la présidentielle ». Méprisantes, les lignes ridiculisent l’ensemble des « petits » candidats en épinglant leurs faibles scores aux précédentes élections présidentielles. On ne mentionnera pas la dramatique bêtise de Laurent Ruquier et Vanessa Burggraf (On n’est pas couché, France 2) face à Philippe Poutou, un des 11 candidats aux 500 parrainages.
Ou bien, sur France 2 encore, l’Émission politique (09/02/2016), Marine Le Pen a été ravie des questions posées par les journalistes. Ainsi, sur les huit séquences de l’émission, cinq ont porté sur les sujets de prédilection de la candidate du Front National : immigration, citoyens « non français » (comprendre musulmans) ont occupé 45 minutes de parole, contre 2 minutes consacrées aux questions sur l’environnement.
Et on peut terminer par cette formidable unanimité des éditorialistes de plateaux télévisés.
Notamment le 6 février, lors de la conférence de presse de François Fillon pour s’expliquer sur les révélations dont sa femme et lui font l’objet. Sur FranceInfo, France 5 ou iTélé, les réactions sont identiques. Sur le plateau de BFM-TV, Anna Cabana (Journal du dimanche) considère François Fillon « sauvé ». Pour Laurent Neumann (BFM-TV), « il est convaincant sur le plan politique ». Ruth Elkrief, présentatrice phare de BFM-TV, parle d’une reprise d’initiative de la part du candidat. Et Christophe Barbier (BFM-TV), notre commentateur en chef à l’écharpe rouge, reconnaît « le caractère d’un homme qui s’est affirmé comme un chef autoritaire, tout le monde s’est mis au garde-à-vous. » Donnez-nous des argumentations contraires !
Exemplarité citoyenne : préférer l’union aux tensions ?
L’exemplarité politique est contestable. Mais, les français, tous les français, doivent s’interroger sur les fonctionnements de leur démocratie.
Le peuple français se divise, sur fond de tensions et de fractures qui se creusent. Il se résigne et subit, au lieu de se saisir et d’agir. La majorité se satisfait du niveau déplorable du débat public, concentré autour des personnalités politiques en lice plutôt que des idées. Le peuple semble se révolter fébrilement, alors que l’époque l’exige. Prendre le temps de réfléchir, de se concerter en tant que nation. Quelles lignes voulons-nous donner à notre avenir ? Rassembler, pas seulement à coups de commentaires, tweets ou déclarations mensongères.
La contestation populaire peut-être efficace. En 2015, lors des révélations des Panama Papers, des milliers d’Islandais sont descendus dans les rues de Reykjavik pour réclamer la démission du premier ministre Sigmundur David Gunnlaugsson. Ce dernier, accusé d’avoir créé avec son épouse une société offshore dans les îles Vierges britanniques, a été contraint de quitter le gouvernement.
— (╯°□°)╯︵ ┻━┻ (@w03_) 4 avril 2016
En Roumanie, des manifestations monstres ont éclaté suite à un décret de réduction de certaines peines de prisons en cas d’abus de pouvoir. Près de 500 000 roumains sont descendus dans les rues par crainte d’une politique complaisante avec la corruption. Au centre de la polémique, l’absence de poursuite de Liviu Dragnea, à la tête du Parti Social Démocrate, visé par une affaire d’emplois fictifs. Ce décret a été retiré.