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Faut-il moins de Breaking Bad dans Better Call Saul ?

La saison 3 de Better Call Saul se rapproche toujours davantage de Breaking Bad – au point d’en négliger Saul Goodman ?

C’est quoi, Breaking Bad et Better Call Saul ? Ancien arnaqueur, Jimmy McGill (Bob Odenkirk) est un petit avocat indépendant sans envergure. Sous-payé en tant que commis d’office, il en a marre d’être méprisé par son frère et les associés de ce dernier, qui lui volent ses quelques dossiers lucratifs. Renouant avec ses vieilles habitudes, il se lance alors dans des affaires louches… Des années plus tard, alors qu’il a changé d’identité et exerce désormais sous le nom de Saul Goodman, il croise la route d’un certain Walter White (Bryan Cranston). Condamné par un cancer, ce prof de chimie fabrique et vend de la méthamphétamine avec l’aide de son ancien élève Jesse Pinkman (Aaron Paul) pour gagner de quoi mettre sa famille à l’abri du besoin après sa mort. Au fur et à mesure que son trafic gagne en importance, Walt se confronte aux chefs des cartels et aux barons de la drogue, et se retrouve emporté dans une spirale de violence incontrôlable.

Better Call Saul est un spin off de Breaking Bad – mais un spin-off d’un genre particulier : présenté comme un prequel, il en est aussi d’une certaine manière la suite. L’essentiel de l’action est antérieure mais chaque saison s’ouvre sur un flash-forward montrant la situation de Jimmy / Saul après la fin de Breaking Bad. Quoi qu’il en soit, le titre de la série laisse entendre que le personnage est au cœur de l’action, principalement alors qu’il répond encore au nom de Jimmy McGill. Or, nous savons que Better Call Saul va tendre vers Breaking Bad, de manière à les relier progressivement;  il est donc logique que, petit à petit, la première s’enrichisse de personnages, situations et arcs narratifs de la seconde.

Mike et Jimmy / Saul, de Better Call Saul à Breaking Bad. Ou l’inverse…

 

Dans la première saison, Jimmy / Saul n’est pas le seul transfuge : on croise déjà Tuco Salamanca, et surtout Mike Ehrmantraut (Jonathan Banks). Au départ, celui-ci apparaît comme un personnage secondaire mais  il devient vite évident qu’il y a deux séries dans Better Call Saul : celle de Jimmy et celle de Mike. La première est un mélange de drama judiciaire et de comédie acide, avec un héros beau-parleur, complexe et en pleine évolution ; la seconde est un thriller noir, centré sur un homme froid et déterminé, quasi-mutique. Les deux histoires, convergentes au départ, s’éloignent au fil des épisodes – jusqu’au début de la saison 3, où elles  deviennent totalement indépendantes. Si elles avancent en parallèle, le procédé créé une nouvelle dynamique.  D’un côté, la juxtaposition catalyse la progression de la série vers Breaking Bad ; de l’autre, elle s’écarte de l’évolution de Jimmy, quasiment au second plan jusqu’au cinquième épisode. C’est légèrement déstabilisant, dans la mesure où la série se focalisait jusqu’ici sur la psychologie du personnage. C’est un Jimmy totalement isolé qui tente de se construire à revers de l’opinion des autres : le mépris de ses collègues, l’étiquette de petit arnaqueur que lui a collé son frère Chuck, l’image de loser qu’il croit avoir auprès de Kim. Dans un va-et-vient permanent, Jimmy oscille entre le désir de se trouver et une pulsion autodestructrice qui le pousse à se conformer à la piètre image qu’on lui renvoie.  

C’est donc Mike qui a dominé l’essentiel de l’action, à partir du final du premier épisode, avec une longue succession de séquences muettes où on le suit pas à pas tandis qu’il se rapproche d’un mystérieux protagoniste dont l’identité, finalement révélée, présente un nouveau visage familier… En terme de qualité, la série est toujours excellente : les épisodes sont prenants et passionnants, aussi bien lorsqu’ils racontent les démêlés de Jimmy avec son frère que lorsqu’on suit Mike ou qu’on y (re)découvre un Gus Fring déjà redoutable. Mais par moment, on en oublie presque que l’on regarde Better Call Saul et on se croirait dans Breaking Bad. Non seulement en raison de l’apparition de Gus Fring (Giancarlo Esposito), mais aussi parce que la photographie, les décors, la mise en scène, le thème du trafic de drogues nous y replongent inexorablement.  

A lire aussi : 5 raisons d’aimer… Gus Fring

Comme on se retrouve…


Logique, cette inflexion soulève toutefois un problème : y a-t-il trop de
Breaking Bad dans Better Call Saul ? Ou plus exactement, ne faudrait-il pas plus de Saul Goodman ?  En arrière-plan surgit alors la question centrale : celle de la nature de Better Call Saul. La série doit-elle se recentrer sur Jimmy, son héros éponyme ? Ou donner une place prépondérante à Mike et Gus, pour tendre de façon plus explicite vers Breaking Bad ? Certains vous diront que l’évolution morale et psychologique de Jimmy / Saul est l’élément déterminant et qu’ils n’ont pas envie de voir Breaking Bad se copier elle-même. D’autres rétorqueront qu’il est indispensable d’accentuer les rôles de personnages aussi charismatiques que Mike et Gus pour aboutir à une jonction définitive. Reste une troisième voie, quelque part entre les deux : établir une connexion entre les intrigues et, en renouant le lien entre Mike et Jimmy, précipiter ce dernier dans un univers médian, entre les deux séries, où pourrait même se trouver le déclencheur définitif de sa transformation en Saul Goodman…

Spin off de Breaking Bad, Better Call Saul ne cesse de s’en rapprocher en saison 3, avec une place plus importante accordée à Mike et l’apparition de Gus Fring. Parfois au détriment de Jimmy McGill, et alors que les fans conjecturent déjà sur la possible arrivée de Jesse Pinkman voire de Walter White… La scission soulève en tous cas la question de l’évolution de la série. Mais a priori, on peut faire confiance à Vince Gilligan pour relier les fils : le spectateur ne sait pas vraiment où on l’entraîne, mais on parie que notre homme, lui, le sait pertinemment !  Appelez-donc Vince…

Better Call Saul – Saison 3 actuellement sur Netflix (France)

About author

Traductrice et chroniqueuse, fille spirituelle de Tony Soprano et de Gemma Teller, Fanny Lombard Allegra a développé une addiction quasi-pathologique aux séries. Maîtrisant le maniement du glaive (grâce à Rome), capable de diagnostiquer un lupus (merci Dr House) et de combattre toutes les créatures surnaturelles (vive les frères Winchester), elle n'a toujours rien compris à la fin de Lost et souffre d'un syndrome de stress post-Breaking Bad
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