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Festival d’Angoulême : BD, manga, même combat ?

Angoulême : BD, manga, même combat ?

Pour sa 45ème édition, le Festival international de la bande dessinée d’Angoulême a opéré un rapprochement visible avec le Japon. Alors, le manga serait-il enfin intégré ?

Depuis sa prise de fonction en 2016, le nouveau président du Festival Stéphane Beaujean, 39 ans, entend insuffler une nouvelle dynamique à l’évènement : alors que la France et le Japon fêtent 160 ans de relations diplomatiques, plus question d’ignorer l’importance du manga dans le paysage hexagonal. Comme le rappelle sur scène Christel Hoolans, directrice générale des éditions Kana (première présence à Angoulême depuis sept ans), cette orientation va dans le sens du marché : « Aujourd’hui, une bande dessinée vendue sur trois est un manga. »

Il faut dire que la BD ne connaît pas la crise du livre : sur l’année écoulée, le marché affiche une croissance de 9% en 2017 par rapport à 2016. Sa santé est au plus haut depuis 10 ans, avec 43 millions titres vendus nourrissant un chiffre d’affaires de 500 millions d’euros (chiffres GfK). Exception faite des comics (CA : 120,4 millions d’euros, -5,4%) l’ensemble de l’industrie connaît une belle croissance portée par la BD franco-belge (220,7 millions, +4,9%), la BD jeunesse (120,4 millions, +21,4%)… et le manga (115 millions, +11,7%).

Angoulême : Hiro Mashima pour Fairy TailDonner sa place au manga, c’est aussi (enfin ?) accepter une branche de l’industrie longtemps diabolisée. Christel Hoolans se souvient : « Quand on a voulu faire du manga au sein de Media Participations, on était la 5ème roue du char (…) On m’a reproché pendant 10 ans d’avoir édité Hunter X Hunter à cause de sa violence. Chaque année on éditait du shônen, mais on était presque dans une chasse aux sorcières. » Une époque qui semble bien lointaine au vu du volontarisme des organisateurs.

Outre une présence accrue des éditeurs au sein du Pavillon Manga dédié, cette 45ème édition a en effet accueilli et exposé deux invités prestigieux : le très rock’n’roll Naoki Urasawa (20th Century Boys, Monster) et Hiro Mashima, auteur du shônen à succès Fairy Tail, tous deux récompensés sur scène d’un Fauve d’honneur pour l’ensemble de leur œuvre. Deux auteurs, deux générations, deux publics pour une littérature dont la diversité n’est plus à démontrer.

« Le temps de la légitimation est révolu. »

À Angoulême, l’intégration du manga passe aussi par la reconnaissance de ses acteurs. À ce titre, cette 45ème édition du festival peut s’enorgueillir d’avoir accueilli la toute première remise du prix Konishi pour la traduction de manga japonais en français. Par le biais de cette nouvelle cérémonie, ce métier essentiel au processus d’édition trouve enfin un vecteur d’exposition auprès du public.

Angoulême : prix Konishi remis à Sébastien Ludmann

Le trophée a ainsi été remis à Sébastien Ludmann pour son travail sur Golden Kamui, publié aux éditions Ki-Oon. Pour Stéphane Beaujean, l’enjeu de ce prix est avant tout de mettre la BD à égalité avec la littérature classique : « Pour la bande dessinée comme pour le manga, le temps de la légitimation est révolu. À nous de mettre en avant leur dimension littéraire par le travail des traducteurs. »

Dans un contexte où les scantrads non-officiels conditionnent la réception des œuvres avant même qu’elles ne soient licenciées en Europe, le travail de localisation a du redoubler d’exigence. Qu’il s’agisse de l’occidentalisation des onomatopées ou des calembours d’un One Punch Man, le moindre choix sera surveillé par un lectorat bien plus attentif que par le passé. Pour autant, le traducteur Patrick Honnoré se montre confiant : « La traduction est en passe de devenir un axe de communication porteur pour le manga. »

« C’est mon rêve d’enfant qui se réalise »

Angoulême : Urasawa reçoit son fauveCette même cérémonie s’est achevée sur un discours de Naoki Urasawa. Revenant sur son travail à la confluence des cadres occidentaux et du trait japonais, l’auteur n’a pas caché son émotion : « Cette année, la relation entre manga japonais et bande dessinée franco-belge s’est fortifiée. Petit à petit, c’est mon rêve d’enfant qui se réalise. (…) J’espère qu’il y aura de plus en plus d’échanges au fil des éditions. »

Entre l’élargissement des espaces dédiés et l’influence des auteurs invités, la dynamique semble en tout cas bien enclenchée. Pour son édition 2019, le festival d’Angoulême accueillera le mangaka Taiyou Matsumoto (Amer Béton, Sunny) et lui consacrera une exposition. Stéphane Beaujean a également confié son envie d’accueillir Hajime Isayama, auteur de L’Attaque des Titans, dans une prochaine édition. Le rendez-vous est pris !

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Animateur de HyperLink et Rédacteur-en-chef Pop Culture, spécialiste en univers virtuels et jukebox itinérant.
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