La dissidence sur la scène politique française est-elle un effet de mode ? Question indéniablement légitime, tant certains politicards rebelles qui refusent les consignes de leurs partis font l’actualité. Lors des élections législatives 2012, à gauche plus qu’à droite, les candidatures dissidentes se sont multipliées et ce jusqu’à atteindre des chiffres records : 50 marginaux à gauche, contre 15 à droite.
Le PS fragilisé, l’UMP précautionneux
Les partis politiques s’en retrouvent largement fragilisés et tentent tant bien que mal de limiter la casse : le premier ministre Jean Marc Ayrault et le chef de l’opposition Jean François Copé, ont clairement appelé à un recul de la propension dissidente, qui vérole selon eux le paysage politique français et met leur camp politique en danger. Néanmoins, si les dissidents à droite sont minoritaires, la politique d’exclusion pratiquée au sein de l’UMP n’y est pas étrangère. Sur le long terme, «on observe une baisse de la dissidence à droite depuis que l’UMP pratique systématiquement l’exclusion des candidats rebelles, estime David Valence, enseignant en histoire à Sciences Po.
Une politique intransigeante qui ne convient pas à la gauche, où le nombre de dissidents a progressé depuis 2007. Cette année, 50 candidats ont décidé de se maintenir (alors qu’ils n’étaient que 20 en 2007), bafouant par la même occasion l’accord PS-Europe Ecologie.
Dans la même idée, au nom d’un pacte conclu à gauche, il est demandé au dissident Olivier Falorni, alors favori pour le deuxième tour (58% contre 42% selon un sondage BVA datant de vendredi) et finalement large vainqueur (à 63%) de se retirer en faveur de Ségolène Royale. Il s’agit là d’un véritable conflit d’intérêt : dans quelle mesure les chefs de la majorité et de l’opposition sont-ils habilités à proférer de telles injonctions ? Effectivement, un pacte allant dans ce sens a été conclu à gauche, mais en est-il pour autant légitime ? Si les partis politiques sont fragilisés, les valeurs démocratiques ne stipulent-elles pas que n’importe qui peut se présenter, et ce sous n’importe quelle étiquette ?
Un président pas à sa place ?
Dans le même ordre idée, on a vu pendant cette campagne le président de la république adopter des positions incongrues, voire déplacées : a-t-on déjà vu, dans l’histoire de la cinquième république, un chef d’Etat soutenir publiquement ou officieusement un candidat plutôt qu’un autre ? Quand François Hollande soutient UNIQUEMENT Ségolène Royal, en balance à La Rochelle avec le dissident PS Olivier Falorni, n’outrepasse t’il pas ses fonctions ? N’a-t-il pas promis devant les français qu’il ne serait jamais le chef de la majorité ? Pour certains, le président français signe là sa première gaffe.
La dissidence, un pari risqué
Être dissident, c’est refuser les consignes imposées par son parti. A ce titre, en adopter le statut c’est s’exposer à un double risque : faire perdre son camp dans un premier temps, puis voir ses ambitions politiques tomber dans les oubliettes. Les dissidents s’attirent donc les foudres du parti, qui le sanctionne par exclusion s’il fait parti de l’UMP. Une exclusion plus ou moins temporaire selon les cas. Par exemple, Thierry Solère, qui a évincé Claude Guéant à Boulogne, avait écopé en mars d’une « exclusion provisoire » de trois ans pour sa candidature face à l’ancien ministre de l’Intérieur tdans les Hauts de Seine.
Néanmoins, de la même manière que le gagnant a toujours raison, si le dissident remporte l’élection, il sera dans la plupart des cas réintégré par son parti. Dans le cas contraire, la défaite peut précipiter la fin de leur carrière politique.
Au final, la campagne pour les élections législatives 2012 a été teintée de quelques polémiques ; entre l’affaire du fameux tweet de Valérie Trierweiler, celle des faux tracts de Jean Luc Mélenchon dans sa campagne à Hénin Beaumont, ou encore la sortie retentissante du nouvel ouvrage de Marie-Céline Guillaume « Le Monarque, son fils, et son fief », il est un fait qu’on ne peut occulter : si la dissidence est un phénomène politique récurrent, elle n’a jamais été aussi forte, et est incontestablement dans l’air du temps.
Tristan Molineri