Tout Pour Réussir, dix minutes d’interview avec Saad Merzak, chaque mardi. Un retour sur la carrière d’une personnalité du monde médiatique, artistique ou économique, et les raisons de leur succès. Aujourd’hui Saad reçoit Gaspard Gantzer. Il fut le conseiller en communication de François Hollande pendant trois ans, et lance aujourd’hui son agence de conseils aux entreprises, 2017.
Saad Merzak : Déjà trois mois que vous ne vous n’êtes plus à l’Élysée. Quel bilan faites-vous de ces trois années passées aux côtés du Président ?
Gaspard Gantzer : Ce furent trois années aussi passionnantes que difficiles, parce qu’elles ont été marquées par des épreuves importantes ; les attentats en premier lieu, mais aussi les entrées en guerre, les catastrophes naturelles.
Aux côtés de François Hollande, j’ai tout fait pour gérer ces crises et expliquer son action. C’est un honneur exceptionnel de travailler pour un président de la République, surtout dans des circonstances aussi dramatiques que celle-ci. Je suis fier d’avoir fait tout ce que j’ai pu.
SM : Par exemple, êtes-vous toujours en contact avec François Hollande ?
GG : Oui, nous sommes régulièrement en contact, on a déjeuné et dîné plusieurs fois ensemble, parfois on se téléphone ou échange des SMS. Il va bien, il a pris du temps pour lire, réfléchir et voir sa famille, ses amis.
Je sais qu’il reviendra de vacances début septembre, notamment pour s’occuper du lancement de sa fondation La France s’engage, qui le mobilise beaucoup en ce moment.
SM : Avant de devenir le conseiller de François Hollande, vous étiez à la Mairie de Paris. Comment avez-vous été approché par le Président ?
GG : Je suis arrivé à la Mairie de Paris en 2008, pour y repartir en 2012. C’est Bertrand Delanoë qui a eu l’idée de me conduire vers les métiers de la communication, car il a eu l’intuition que ça m’intéresserait et que je réussirais.
En 2013, Je suis parti au Quai d’Orsay, pendant un an et demi aux côtés de Laurent Fabius. J’ai fait le tour du monde pour régler des conflits internationaux à ses côtés, et expliquer la politique, la diplomatie de la France.
Puis j’ai eu des envies d’ailleurs et suis allé voir le cabinet de Stéphane Le Foll qui devenait le porte-parole du gouvernement. Mais je n’y suis resté que trois jours : entre-temps, il y a eu une réorganisation des équipes élyséennes et des amis communs m’ont proposé de rejoindre l’Élysée pour remplacer Aquilino Morelle et Christian Gravel.
SM : À quoi ressemblait votre journée-type au Château ?
GG : C’est une question difficile, car aucune journée ne ressemble à une autre à partir du moment où on est souvent mobilisé par des crises, qu’elles soient nationales ou internationales.
Mais toutes les journées débutaient et se terminaient par un SMS au Président. En général, entre 8h30 et 9h00, on avait une réunion avec lui et ses conseillers. Le matin, je consacrais beaucoup de temps à mes équipes.
Je déjeunais avec des journalistes ou les recevais dans l’après-midi, quand je n’étais pas en déplacement. En effet François Hollande se déplaçait très souvent, en France ou à l’étranger. Je l’accompagnais sur la totalité des déplacements qu’il avait à effectuer.
SM : Vous avez eu de rares moments off… Comment occupiez-vous votre temps lorsque vous ne travailliez pas ?
GG : C’était malheureusement très rare ! C’était parfois le dimanche, parfois l’été. Et dans ce cas-là, je consacrais du temps à ma famille, mes enfants, et à la lecture. C’est ma passion dans la vie !
SM : Je reviens sur ce que vous disiez : il y avait pas mal de crises lors de votre passage. Avez-vous gardé les nerfs solides, ou vous est-il arrivé de penser à tout arrêter ?
GG : Je n’ai jamais pensé à abandonner, car dès le début, je me suis fixé comme défi de rester jusqu’au bout. C’est la promesse que j’avais fait à François Hollande. Et je l’ai tenu. Je ne voulais pas être celui qui partait quand le navire était secoué par la tempête.
Des crises très dures, on en a eu, mais c’est justement ce qui m’a poussé à rester. Je voyais qu’il était essentiel de rester à un moment où la France était attaquée, notamment par les terroristes.
SM : Après la Mairie de Paris, le Quai d’Orsay et l’Élysée, vous avez côtoyé de nombreuses personnalités. Face à elles, quel bagage doit avoir un bon conseiller en communication ?
GG : Un bon conseiller, en général, est une personne disponible et réactive pour son chef. Et en communication, c’est quelqu’un qui la capacité d’analyser les besoins de la personne qu’il conseille, l’écosystème dans lequel il doit se déployer, qu’il soit politique, médiatique ou numérique.
C’est de trouver, à partir de là, le bon positionnement et les bons vecteurs de la communication. Il est aussi important de comprendre à qui on a affaire, que de comprendre là où on est et comment il faut s’exprimer par les réseaux sociaux, la presse, l’organisation d’événements ou de déplacements.
SM : Trois mois après votre départ de l’Élysée, vous sentez-vous libre ou nostalgique ?
GG : Clairement libre ! J’ai la chance de na pas avoir du tout un tempérament nostalgique. Je regarde toujours vers l’avenir en essayant de profiter au maximum du présent. Et j’ai surtout le sentiment du devoir accompli depuis mon départ.
Aujourd’hui je redécouvre une incroyable liberté et une folle indépendance, qui sont très agréables à vivre.
SM : Vous avez aussi côtoyé Emmanuel Macron à plusieurs reprises, quel souvenir gardez-vous de lui ?
GG : De bons souvenirs de camarades à l’ENA ! C’est là que nous nous sommes rencontrés. J’en garde le souvenir de quelqu’un d’incroyablement intelligent, disponible et toujours joyeux au sein du petit groupe d’amis que nous avions en commun.
Et puis ces souvenirs de lui conseiller puis ministre, où j’ai pu voir à quel point il avait pris de l’ampleur intellectuelle, professionnelle et politique. Je n’ai donc pas été surpris qu’il réussisse aussi bien par la suite.
Ce qui est bien avec lui, c’est qu’il ne se contente pas seulement d’une intelligence forte, rapide et froide. C’est d’abord quelqu’un de chaleureux et attentifs avec les autres.
SM : La conseillère de Macron est Sibeth Ndiaye. Avez-vous suivi la polémique autour du SMS concernant Simone Veil* ?
GG : Je pense que cette polémique est absurde et que rien n’est vrai. Je ne sais pas s’il elle l’a écrit, en tout cas elle l’a démenti. Derrière cette polémique il y avait, comme souvent dans ce genre de cas, beaucoup de nervis de la part de l’extrême droite.
Car il est toujours facile de cibler le communiquant. Je sais de quoi je parle, et notamment quand le communiquant a une couleur de peau noire.
SM : Aujourd’hui, avec deux associés, vous lancez votre agence de communication pour conseiller les entreprises. Pouvez-vous nous en dire un peu plus ?
GG : Elle aura vocation à conseiller les dirigeants des entreprises privées françaises comme internationales. Peu importe leur taille d’ailleurs, de la start-up à la grande boîte du CAC 40.
L’idée est assez simple ; aujourd’hui les règles du jeu de la communication, du numérique, des médias et de la politique ont changées. On désire aider nos clients à mieux les comprendre, se positionner par rapport à elles, pour faire passer leur message et défendre leur réputation.
Que ce soit au moment où ils prennent le pouvoir dans une entreprise, où ils ont une transformation dans l’entreprise à gérer, ou dans un moment de crise à gérer.
SM : En parlant de crise… On a l’impression que ce créneau est déjà pris, notamment par Anne Méaux avec Image 7 et Stéphane Fouks, président du groupe Havas. Comment allez-vous réussir à les concurrencer ?
GG : Je pense qu’il y a de la place pour plusieurs agences. Il y en a d’autres comme Calzaroni. J’y crois parce que la révolution industrielle que nous vivons aujourd’hui est celle du numérique, est celle de la communication.
Donc beaucoup de dirigeants vont devoir se doter de communication plus efficaces, plus performantes, et pourront à ce moment-là faire appel à nous.
SM : Comment s’affiche le début de l’aventure ? Avez-vous déjà des engagements de signatures ?
GG : Certains ont déjà pris des engagements de signature, plus le début du mois de septembre, qui sera la date effective de l’ouverture de l’entreprise. Les premiers mois s’annoncent bien, après il faudra faire attention à ne pas prendre trop de clients parce qu’on en a déjà pas mal, et ce qu’on veut nous, c’est nous concentrer sur les missions les plus intéressantes, les plus stratégiques, celles auxquelles on peut apporter le maximum de choses.
SM : Dernière question, c’est bientôt la fin de l’été… Avez-vous des projets, en dehors de votre agence ?
GG : Oui, je vais retourner enseigner à Sciences-Po, en Première année Sciences politiques, et en Master Affaires Publiques et en Communication de Crise. J’ai par ailleurs écrit un article pour la revue Le Débat, sur la communication pendant l’élection présidentielle.
J’ai d’autres idées d’articles pour d’autres revues, car je pense qu’il est intéressant de ne pas seulement conseiller les entreprises mais aussi de réfléchir sur la communication en France et à l’internationale, à l’heure de cette révolution qui est celle du numérique.
* Sybeth Ndiaye, conseillère de presse d’Emmanuelle Macron, aurait envoyé un SMS au Président pour confirmer la mort de Simone Veil. Le message contenait les mots suivants : « Yes, la meuf est dead ».