L’acteur frappe un grand coup en publiant dans le JDD du 16 décembre 2012 un blâme de Jean-Marc Ayrault, suite à l’évocation de son exil en Belgique. Neo-«J’accuse !» ou mise en scène ?
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«Bien fait !» s’écrient les détracteurs du gouvernement. Surfant sur la vague du retweet virulent, la lettre ouverte de Depardieu pourrait devenir le toptweet du jour. Peut-on parler pour autant d’une véritable diatribe ? Analysons de plus près ladite lettre.
« Vous avez dit « minable » ? »
Interrogé par Nathanaël de Rincquesen (4 Vérités, France 2, 13 décembre 2012) le premier ministre du gouvernement commente l’exil de M. Depardieu en ces termes : «Je trouve ça assez minable. C’est une grande star, tout le monde l’aime, comme artiste. Mais, se mettre juste de l’autre côté de la frontière, il y a quelque chose de, je dirais presque, assez minable.» (sic) Touché personnellement par cet adjectif, Depardieu l’utilise en guise d’introduction. D’un point de vue étymologique, minable signifie «susceptible d’être détruit par une mine» (TLF). Il semblerait que la mine ne vienne pas du bon côté.
«Les films historiques auxquels j’ai participé témoignent de mon amour de la France et de son histoire.»
Figure de proue du cinéma français, Gérard Depardieu n’a pas connu de grand rôle historique depuis Vatel (2000), réalisé par Roland Joffé, qui plus est en anglais. Ses déboires personnels ont constitué la majeure partie de son actualité.
«Je pars parce que vous considérez que le succès, la création, le talent, en fait, la différence, doivent être sanctionnés.»
En 2010, le film indépendant Mammuth (2010) réalisé par Benoît Delépine et Gustave Kerven rencontre un succès critique grâce, entre autres, à la présence de Depardieu dans le rôle principal. De plus, le système de rémunération des intermittents du spectacle est un des seuls qui n’a pas été touché par le plan d’austérité du gouvernement Ayrault.
«Tous ceux qui ont quitté la France n’ont pas été injuriés comme je le suis.»
De manière générale, les exils de riches Français sont moins médiatisés que ceux des riches Français qui sont quasiment un symbole de plus dans le paysage médiatique international, avec le croissant-baguette et la moustache. D’autres noms d’exilés célèbres peuvent être cités, mais leur succès se limite généralement aux territoires francophones.
«Je n’ai pas à justifier les raisons de mon choix, qui sont nombreuses et intimes.»
Donc, Gérard Depardieu a écrit une lettre publique en réponse à un commentaire public en invoquant des raisons personnelles.
«Je pars, après avoir payé, en 2012, 85% d’impôt sur mes revenus.»
Les impôts sont appliqués avec un an de décalage. En 2012, M. Depardieu a donné une part de ses revenus de 2011. Ces barèmes n’ont pas été calculés par le gouvernement Ayrault, qui est en place depuis Mai 2012.
«Je trouve minable l’acharnement de la justice contre mon fils Guillaume jugé par des juges qui l’ont condamné tout gosse à trois ans de prison ferme pour 2 grammes d’héroïne, quand tant d’autres échappaient à la prison pour des faits autrement plus graves.»
La condamnation de Guillaume Depardieu, décédé en 2008 des suites d’une pneumonie, date de 1988. Le comportement border-line du fils a fait les choux gras des tabloïds des années 1990.
Plus qu’une lettre ouverte, Gérard Depardieu compte régler ses comptes avec une autre instance que le gouvernement, la presse. À sa manière très théâtrale et tonitruante, il célèbre sa propre sortie du territoire, attirant l’œil une fois de plus sur l’homme, et non sur l’artiste.
Crédits photos : Ad Vitam, Le Journal du Dimanche