Samedi 22 octobre, le Zénith ainsi que l’Olympia étaient complets. A l’Olympia, Clinton Fearon a ouvert la soirée suivi de Groundation. Au Zénith, le public attendait le retour de Naâman avec impatience. Quelques jours plus tard, nous sommes allés à la rencontre de Clinton Fearon à Pantin et de Harrison Stafford, le chanteur de Groundation chez Kanaga Records.
Bonjour Harrison Stafford. Comment vas-tu? Ton groupe Groundation a commencé en 1998, cela fait 24 ans qu’il existe. En mai dernier, est sorti votre 10ème album « One Rock » chez Easy Star Records et Baco Music. Tu as aussi fait d’autres albums solo. Quel regard portes-tu sur le parcours de Groundation?
Bonjour, je me sens bien. L’histoire reste la même, notre musique dénonce toujours des problèmes sociaux. Nous continuons d’espérer pour un futur meilleur. Depuis le 1er album « Young Tree » jusqu’au dernier « One Rock », on essaie d’innover dans le reggae, d’écrire, de créer et de surprendre au niveau de l’arrangement et de la composition, et je suis très content.
« One Rock », cela représente notre terre-mère?
Oui, je voulais mettre en scène tout ce qui se passe sur la terre : nos espérances, nos défaites, notre cadre qui est la terre.
Avez-vous conçu l’album pendant la pandémie?
Oui. Nous devions enregistrer en mai 2020, puis il y a eu le confinement donc nous avons réécrit de nouvelles chansons. Notre album est au final totalement différent de ce que nous voulions sortir initialement. Pour notre 10ème album, nous voulions faire des collaborations avec des artistes plus jeunes et faire de la musique positive et joyeuse. Mais, la pandémie est arrivée et nous avons perdu beaucoup de personnes âgées. Donc, c’était important d’enregistrer avec des anciens. « One Rock » est devenu un album sérieux et militant, qui parle de la situation actuelle et nous avons fait des featurings avec Israel Vibration, The Abyssinians et The Congos.
Nous avons bien fait parce c’était le dernier enregistrement d’Israel Vibration. Cecil « Skelly » Spence est décédé en août dernier et Bernard Collins, le chanteur de The Abyssinians est très malade, donc c’était le dernier moment pour collaborer avec eux. Bientôt, la 1ère génération ne sera plus là, celle qui a dû se battre et passer par toutes sortes d’épreuves afin de partager avec le monde le mouvement rastafari et le reggae. Alors en 2022, je suis reconnaissant d’avoir pu faire un nouvel album avec ces légendes, j’en suis très content.
Quel est ton titre préféré?
J’ai pas forcément de titre favori parce qu’ils servent tous une cause, mais le 1er titre « Original Riddim », est vraiment bien et le fait d’avoir pu réunir Israel Vibration and The Abyssinians sur le même titre, c’est incroyable. Même si je n’avais pas été dessus, pour l’histoire du reggae, ce titre est vraiment spécial.
Il y a beaucoup d’instruments dans votre musique. Comment enregistrez-vous?
On essaie de faire au maximum du live. Tout est fait avec de vrais instruments et non des logiciels. On vient de perdre notre trompettiste Rich Armstrong, il a eu un arrêt cardiaque juste avant de partir pour cette tournée européenne. Les 10 personnes faisant partie du groupe et ayant fait cet album, se trouvent aussi sur scène. Malheureusement, aujourd’hui, nous sommes plus que 9.
Un de vos titres s’appelle « Human Race ». Tu as des enfants, qu’est-ce que tu as envie de leur dire ou apporter?
D’être résilient. Tout au long de leur vie, ils auront des contrariétés, des déceptions, des échecs, mais tu ne peux pas laisser les échecs prendre le dessus. Mon père me disait déjà ces choses là. Dans la vie, il ne faut pas éviter les échecs mais il faut toujours se relever. Comme dans le titre « Iron », les échecs t’aideront aussi à savoir qui tu es. N’abandonne jamais, s’il y a de la vie, alors il y aussi des possibilités. Vis au mieux tant que tu es vivant.
Tu écris sur l’humanité, l’écologie, le manque d’eau, etc.
Oui, j’écris sur certains de ces sujets depuis plus de 20 ans comme l’eau. Dans le titre « Greed » qui veut dire cupidité, je parle de nos envies et nos besoins; On ne peut pas prendre indéfiniment de la terre. Il y a une limite à tout cela. Je vis en Californie, nous avons toujours eu des problèmes d’eau et de plus en plus ces dernières années.
Parlons de quelque chose de plus positif, samedi dernier, tu as chanté à l’Olympia et c’était complet. C’est quelque chose qui t’importe de savoir si la salle est remplie?
Non, j’essaie de ne pas me concentrer sur cela, mais effectivement l’énergie n’est pas la même. Si elle est à moitié remplie, alors tu as l’impression de donner et de ne rien recevoir en retour. Alors physiquement, c’est fatigant. Mais samedi, c’était incroyable, l’énergie circulait entre nous et cela donnait de la force à tout le groupe.
Tu dois être content aussi de retourner sur scène et en tournée après cette pandémie?
C’est de la joie mais aussi de la tristesse. Beaucoup de personnes nous manquent, amis, famille, etc. Des fois, on dit « à bientôt » mais on ne les revoit jamais. Nous avons vécu cela avec Rich, il ne reviendra pas. Tous les jours, on va dans le Tourbus et son siège reste vide. C’est triste et difficile pour nous. On a joué le titre « Live It Up » à l’Olympia et le tromboniste a dû partir de scène, il était trop ému. C’était un titre pour Rich, il avait une telle vivacité et il nous manque beaucoup.
Vous êtes actuellement en tournée en Europe, USA et en Amérique du Sud. Samedi, Clinton Fearon a fait votre 1ère partie et vous avez même chanté ensemble. Qui a eu l’idée?
Clinton voulait que nous fassions un titre ensemble. Nous avons discuté pendant longtemps, nous voulions faire quelque chose de spécial, mais nous n’avions que peu de temps. Clinton est si gentil, c’est une légende, une icône et c’est un bonheur de travailler avec lui. Il a proposé « One Love » , tout le monde connaît la chanson et c’était super.
Tu voulais ajouter quelque chose pour tes fans français?
Merci beaucoup pour votre amour. Groundation est atypique par rapport aux autres groupes de reggae. Avec Groundation, j’explore mon côté créatif. Sans le public français, on arrêterait la musique ou on devrait faire des titres plus courts, afin de passer à la radio. Dans notre musique, il y a de longs solo, des cordes, il y a beaucoup à digérer. Certaines personnes aiment la cuisine gastronomique et d’autres un bon McDo. Merci à vous.
Dates de concert:
02.11 Bikini – Toulouse (31)
03.11 Rockstore – Montpellier (34)
04.11 La Gespe – Tarbes (65)
05.11 Espace Malraux – Six-Fours-les-Plages (83)
06.11 Paloma – Nîmes (30)
08.11 Sala Mon – Madrid (ES)
09.11 Sala Apolo – Barcelona (ES)
10.11 Le Quattro – Gap (05)
11.11 Fri-Son – Fribourg (CH)
12.11 Centre G. Philipe – Calais (62)
13.11 La BAM – Metz (57)
Bonjour Clinton Fearon, ton 13ème album solo « Breaking News », est sorti en juin de cette année. Tu en as fait d’autres avec le groupe The Gladiators, mais 13 albums solo, c’est quelque chose?
Oui, je me sens bien. Je continue de grimper les échelons et j’adore cet album. C’est une inspiration et ça me donne envie de continuer, la route n’est pas encore finie.
Est-ce que le matin à ton réveil, la 1ère chose que tu fais, est de regarder les infos?
Tu sais quoi, j’ai un téléphone sur lequel je ne peux pas voir les nouvelles, mais je m’informe quand même régulièrement en fonction de mon emploi du temps. Les infos sont souvent écoeurantes. C’est la raison pour laquelle j’ai écrit ce dernier album. Lorsque les politiciens affirment avoir fait ceci ou cela pour leur pays, mais en fin de compte, ils n’ont rien fait ou juste pour eux-même, pour le pouvoir et leur portefeuille.
Tu as fait cet album pendant la pandémie?
Enfait, j’ai fait deux albums. Il fallait bien que je fasse quelque chose pendant le confinement. Le 1er était un album acoustique de 7 titres. Il y a juste ma guitare et moi et l’ingé son qui restait masqué dans la régie. On ne se touchait pas, on n’était même pas dans la même pièce. J’ai fini cet album mais quand je l’ai envoyé à mes collaborateurs, ils préféraient quelque chose de plus coloré avec des musiciens. Alors, j’ai écrit d’autres chansons et c’est devenu l’album « Breaking News ».
Tu as fait la moitié de l’album à Seattle, et l’autre à Bordeaux, tu as enregistré chez Baco Music. Pourquoi avoir eu envie de travailler avec des musiciens français ?
J’ai travaillé avec des musiciens jamaïcains quand j’étais dans le groupe « The Gladiators », puis des américains puisque j’habite à Seattle. C’est Mathieu Dassieu de chez Baco Records qui m’a parlé de « The Riddim Source », des musiciens qui avaient envie de travailler avec moi. C’était incroyable et très fun dans le studio. C’est comme une famille. Tout le monde était super, donc je ne suis pas surpris par le résultat de l’album. Mis à part l’écriture et la mélodie, nous avons fait cet album ensemble, avec une énergie commune.
Quand tu composes, tu as déjà tous les instruments en tête?
J’ai quasi tout dans ma tête, la basse, la guitare, les harmonies. La seule chose qui manque est la batterie. Je laisse cela pour « Saymon ». Je pensais que je jouerais la moitié de la basse mais « Mato » a fait un super travail alors je l’ai laissé jouer. J’ai fait 2 titres « Unbeatable Dub » et « I wanna dance ».
Justement, sur le dernier titre « Unbeatable Dub », tu ne chantes pas dessus. Pourquoi ce choix?
Dans tous les albums, j’aime bien qu’il y ait un titre qui soit différent.
Es-tu perfectionniste quand tu enregistres au studio?
Je suis perfectionniste dans un certain sens mais j’essaie de ne pas être trop rigide avec moi-même et les autres parce que personne n’est parfait. Je ne suis pas un tortionnaire.
Bien que tu parles de sujets sérieux comme la préservation de l’eau, ton album reste très positif.
J’aime pas rester dans le négatif. Bien entendu, il faut être réaliste et voir le chaos, mais tu dois aussi y voir la lumière au bout. Il faut trouver du temps pour danser et rigoler même s’il y a des pleurs.
Alors danses-tu beaucoup? Tu as tout de même écrit « I wanna dance ». Et dans une vidéo du making-of de « Breaking News », on te voit danser avec ta femme.
Tu l’as vue? (rire) Tu n’étais pas sensée voir ça (rire). Quand je suis sur scène, j’aime bien faire mes petits pas de danse. Parfois, j’imagine quelques pas, mais juste avant de les faire , je rigole de moi-même, je me sentirais ridicule de les faire. Chez moi, je peux danser d’une manière loufoque.
Tu as joué le 22 octobre à l’Olympia, en première partie de Groundation. Comment tu t’es senti?
Très bien. J’ai vu beaucoup de personnes et la salle était complète. J’ai passé un super moment ainsi que mes musiciens.
Je sais que ta femme est très impliquée dans ta carrière, vous travaillez ensemble. Est-elle toujours en tournée avec toi?
Oui toujours. c’est ma moitié et si elle n’était pas là alors je serais perdu.
Elle te fait remarquer tes erreurs?
Bien sûr, c’est pour cette raison que je lui fais confiance. Si c’est bien, elle me le dit mais dans le cas contraire, je l’écoute aussi.
Tu es en pleine tournée européenne, comment cela se passe-t-il?
Toutes les dates se sont très bien passées jusqu’à maintenant. Nous nous entendons super bien avec toute l’équipe. Je suis impatient de savoir comment se déroulera la suite. Au fur et à mesure des dates, nous nous serons de plus en plus à l’aise.
Merci beaucoup. Souhaites-du encore ajouter quelque chose?
Merci beaucoup aux fans français pour votre soutien depuis tant d’années, depuis The Gladiators jusqu’à Clinton Fearon. Je vous aime !
Dates de concert :
04.11 – Bonjour Minuit – St Brieuc
05.11 – Echonova – Vannes
09.11 – Les Spectacles Onésiens – Onex (CH)
10.11 – Ninkasi Kao – Lyon (69)
11.11 – Espace Julien – Marseille
12.11 – Victoire 2 – Montpellier
17.11 – Le Cargö – Caen (76)
18.11 – Café Charbon – Nevers
19.11 – Moloco – Audincourt