En France, les chiffres de l’immigration suscitent des débats souvent passionnés. Certains démontrent, chiffres à l’appui, que le pourcentage d’immigrés dans la population française reste stable. A l’inverse, d’autres crient à la manipulation et sont persuadés que la France subit une immigration massive. Pourquoi ce décalage de perception ? Tentative de décryptage.
Le pourcentage d’immigrés dans la population française reste relativement stable
Pour l’INSEE, un immigré est une personne née étrangère, à l’étranger, et résidant en France. La qualité d’immigré est permanente, un individu continue à appartenir à la population immigrée même s’il devient français par acquisition. Au 1er janvier 2011, selon l’INSEE, la France comptabilisait 5,5 millions d’immigrés sur une population totale de 63 millions d’individus. Parmi ces 5,5 millions d’immigrés, 43% étaient nés en Afrique (dont 13% en Algérie et 12% au Maroc), 37% en Europe (dont 11% au Portugal), 14% en Asie et enfin 5,5% en Amérique ou en Océanie. Ces 5,5 millions d’immigrés représentent 8,7% de la population française. Ce pourcentage est en légère augmentation au fil du temps. A titre de comparaison, en 1931, la France comptabilisait 6,6% d’immigrés dans l’ensemble de sa population. Sous cet angle-là, nous n’assistons donc pas à une explosion de l’immigration en France. Le pourcentage d’immigrés, bien qu’en légère augmentation, reste relativement stable. Toutefois, la perception de l’opinion publique française à l’égard de l’immigration diffère nettement de ce constat.
Un décalage net entre l’immigration réelle et l’immigration perçue
Certains travaux, comme l’étude Transatlantic Trends de 2009, ont montré que les Européens surestiment largement le poids de l’immigration dans la population de leur pays. Le cas de la France est tout à fait édifiant. Quand on leur pose la question, les Français estiment que les immigrés représentent 26% de la population totale (alors que le chiffre est de moins de 9%, comme nous venons de le voir). Il existe donc un décalage très net entre l’immigration réelle et l’immigration ressentie par certains citoyens. En 2008, une enquête de l’INSEE montrait que 6,7 millions de descendants d’immigrés vivaient en France. Plus précisément, un descendant d’immigré désigne une personne née et résidant en France, ayant au moins un parent immigré. En ajoutant les immigrés et les descendants d’immigrés, au sens de l’INSEE, nous obtenons donc un total d’environ 12 millions de personnes, soit environ 20% de la population française. Un pourcentage qui se rapproche de l’immigration ressentie (26%).
Certains Français restent vus comme des immigrés
Dans l’ouvrage Populismes : la pente fatale (2011), le politologue Dominique Reynié explique parfaitement que le public continue de regarder comme immigrées des personnes issues d’une immigration remontant à deux ou trois générations. Une partie des personnes interrogées classent dans la catégorie « immigrés » des ressortissants nationaux au motif qu’ils ne sont pas blancs. Pour certains, la question de la nationalité française n’a donc plus beaucoup d’importance. Ils estiment que l’identité nationale se lit davantage dans l’apparence physique, la couleur de peau, la religion ou encore les vêtements. Si le pourcentage d’immigrés reste stable, il n’en demeure pas moins que la société française connaît une véritable transformation sur le plan ethno-culturel. La société française se métisse et se « multiculturalise ». Le nouveau Français n’est plus seulement blanc, il est aussi noir, métis, beur ou d’origine asiatique. Les chiffres officiels, souvent accusés d’être mensongers ou de dissimuler la réalité, ne font pas état de cette mutation. L’épicentre du grand malentendu se situe à cet endroit précis. D’autant plus que les statistiques ethniques sont interdites en France. La question de fond porte finalement sur la capacité de la communauté nationale à accepter qu’on puisse être un Français à part entière sans être nécessairement blanc de peau.