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Interview – Alexandre Astier : « La suite logique pour Kaamelott est le cinéma »

C’est le 25 novembre que sortira enfin Kaamelott Premier Volet. A cette occasion, on replonge dans une interview d’Alexandre Astier faite il y a quelques années et où il nous parlait de son métier d’auteur sur Kaamelott.

Alexandre Astier touche au but avec la sortie attendue, très attendue même de son film Kaamelott Premier Volet le 25 novembre prochain. Un prochain titanesque et l’aboutissement de son projet sérielle lancée il y a maintenant de nombreuses années.
Lors de son passage au Toulouse Game Show en 2015, nous avions pu échanger avec lui sur son métier dans un échange franc et passionnant.

Quand on repense à la mise en scène de l’Exo Conférence, on se demande si vous travaillez sur tous vos projets de la même manière, à savoir comme un tout, très visuel?

Alexandre Astier: Tout ça est en fait le fruit de ma collaboration séculaire avec Jean-Christophe Hembert qui a signé la mise en scène de l’Exo Conférence. Nous sommes des gens de théâtre et pour nous les stands-up ou les one man shows n’existent pas vraiment. Nous faisons du théâtre à une seule personne avec une mise en scène adaptée. Ce qui est agréable c’est que le théâtre revêt une dimension poétique qui permet de ne pas être logique dans la mise en scène ou l’évolution du personnage durant le spectacle. La scène permet des échappées beaucoup plus poétiques, beaucoup plus libres que l’écran ne nous permet pas. La scène est certainement l’endroit le plus libre de l’expression.

On se souvient de votre face à face il y a quelques années sur un plateau de télévision (sur l’émission Morandini sur D8 ndlr) avec des gens de télé-réalité où était abordée la notion de « divertissement intelligent », « de se prendre la tête » en regardant certaines choses. C’est quoi pour vous un divertissement intelligent? 

En fait, je ne réfléchis pas trop. C’est par opposition à ce que je vois que j’essaie de comprendre ce qui me va. Mais c’est vrai que je regarde des choses qui feront dire à certains que je me prends la tête, quelque chose que je réfute en fait. Par exemple, je suis un grand fan de Top Gear UK. Ok je suis fan de bagnoles mais je pense que j’aimerais Top Gear UK même si je n’aimais pas les bagnoles. Parce que les gens sont brillants, que c’est drôle, bien écrit. Je crois que j’ai besoin d’avoir affaire à n’importe qui qui a un talent. De ce fait, tout peut m’intéresser. Dans le cas de la télé-réalité dont vous parliez, quand je regarde ça, je tombe sur des gens comptant sur le fait que je sois la personne que je ne suis pas et que je sois passif devant mon écran. Du coup, je préfère ne pas regarder d’écran car je me sens agressé. Je sens derrière ces programmes une volonté des diffuseurs de donner ce qu’on attend et j’ai envie de leur dire « hey, je vaux pas mieux que ça ? ».
Car par nature, nous sommes tous « fainéants » devant notre écran, on regarde ce qui y passe, bon ou pas, et parfois on va même jusqu’au bout de quelque chose d’inepte.
Il y a dès lors deux attitudes pour un diffuseur : soit il considère que puisque le public est fainéant, il a le droit de lui donner quelque chose de fainéant; soit il estime avoir une responsabilité de ne pas montrer quelque chose de fainéant, voir même « con » puisque de toute façon le public va regarder. Je pense que, comme il y a un vrai pouvoir de l’image et du son, on doit proposer des programmes qui méritent d’être à la télé. Je ne dis pas que je mérite d’y être mais j’ai envie d’y voir des gens qui eux le méritent.

Est ce d’une certaine manière ce qui a guidé le début de l’aventure « Kaamelott »: donner à la chaîne un format et un style qu’elle souhaitait (de la shortcom) pour venir ensuite à ce que vous souhaitiez réellement faire vers les saisons 5 et 6 ? 

Ce qui me guide avant tout c’est de proposer un programme devant lequel j’aimerais m’asseoir.
Ce que j’aime avant tout ce sont les acteurs, les dialogues et les grandes sagas. J’aime mettre les petites gens dans de grandes histoires. Voilà mon idée en arrivant. Et puis, il y a le cahier des charges de M6 dans lequel j’ai dû me caler, la case de l’access prime time, des formats courts qui permettent un nombre important d’entrées pour le spectateurs entre les pubs. Ce n’est pas un format très agréable à traiter parce qu’il faut sortir d’une histoire juste après y être entré, s’en échapper même si on l’aime. Ce format est pratique pour décrire « le quotidien » mais dès lors que vous souhaitez insérer ce « quotidien » dans une grande saga, ça devient bien plus dur. Par exemple, au début, je n’avais pas le droit de faire du « chronologique« . Mais dès la saison 3, on est restés dans le programme court mais j’ai demandé que les épisodes soient diffusés dans l’ordre. Puis les choses évoluent pour une raison très simple : dès que vous rapportez de l’argent, vous pouvez demander des choses. On a donc une série qui est devenue plus longue en durée des épisodes, plus sombre, plus « feuilletonnante ». Ça a créé une vraie dichotomie dans la chaîne entre les sponsors et ce qu’on proposait dans la série. Imaginez que le soir où l’on diffusait le suicide d’Arthur, le sponsor était une marque de saucisses et le suicide, ils l’avaient pas vu venir. Ce soir là, je ne vais pas mentir, je n’ai pas joué le jeu, j’ai piraté ce moment. Il y avait moins de monde devant la télé pour les dernières saisons et cet épisode que dans les premières. Je ne fais pas le même métier que ces gens, c’est une collaboration. Mais encore une fois, on peut le faire que parce qu’on a du monde qui nous regarde. Ça ne sert à rien de dire qu’on fait ce qu’on veut quand on a 3 personnes qui nous regardent. Une chaîne vous expose et en retour elle attend des sous. Il faut donc jouer ce jeu-là tout en expliquant aux chaînes que les gens peuvent venir pour quelque chose qu’ils ne soupçonnent pas. Les chaînes sont parfois trop marketing, reproduisant quelque chose qui a marché. Or il n’y a pas de recette. Il y a un mystère sur ce qui marche et sur ce qui ne marche pas. Et heureusement. Je ferai sans doute 50 trucs qui vont louper et j’adore ça, car ça veut dire que je n’aurai pas utilisé de recette. Il faut juste trouver des chaînes qui acceptent de tester des choses. La bonne formule c’est de « jouer le jeu mais pas tout à fait« 

J’ai aussi été aidé par des producteurs qui ne m’ont pas mis en frontal avec les retours de la chaîne et c’est très bien. Le marketing est très polluant pour un auteur car il parasite la manière que vous avez de raconter votre histoire. Les gens de talent dans le marketing il y en a. Peu mais il y en a (rires). Mais c’est avec eux que je souhaite travailler car ces gens ne vous disent jamais des choses « certaines ». Il préfèrent vous dire « tu devrais essayer ça » plutôt que « c’est comme ça qu’il faut faire« .

Vous avez fait de votre nom une marque ce qui est une force. Or l’aventure « Kaamelott » ne va pas se poursuivre à la télé mais au cinéma. Pour quelles raisons ? 

J’ai désormais toutes les cartes en main. Si j’avais voulu faire de la télévision, j’en aurais fait. J’ai essayé de trouver la meilleure articulation de ce que pouvait être Kaamelott maintenant. Mon envie n’a pas changé mais elle s’est rafraîchit car ça m’a manqué. Jean-Christophe Hembert m’a fait remarquer que Kaamelott a toujours repoussé les limites de son format de saison en saison. La prochaine étape logique est donc le cinéma.

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Rédacteur en chef du pôle séries, animateur de La loi des séries et spécialiste de la fiction française
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