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Interview – Avant le Code, il y avait … Empreintes Criminelles (France 2)

Alors que le tournage de la série Le Code vient de démarrer, retour avec Lionel Olenga sur le tout premier projet d’une équipe qui en a sous le pied : Empreintes Criminelles, série injustement boudée sur France 2.

C’est quoi Empreintes Criminelles ? A Paris, dans les années 1920, à l’intérieur d’un grenier poussiéreux de la PJ parisienne, un laboratoire de police unique au monde prend forme. Julien Valour, policier torturé mais visionnaire, est aux commandes de cette unité très spéciale. Il est accompagné de Léa Perlova, une experte scientifique indépendante et féministe, Pierre Cassini, un flic de terrain à l’ancienne, Marius Delcourt, un policier doué pour les inventions en tout genre, Martello, un jeune flic idéaliste, et Pauline Kernel, une jeune bourgeoise qui fait ses premiers pas comme médecin légiste. Avec la volonté des pionniers, ces hommes et ces femmes se battent sans relâche pour imposer leurs nouvelles méthodes… Ils tentent de faire perdurer cette unité dont l’existence est régulièrement remise en cause par la police classique.

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Ce que l’on retient de Empreintes Criminelles

Empreintes Criminelles est une série française qui avait dans les mains toutes les cartes pour devenir une très bonne série.Elle n’échappe pas aux traditionnels défauts propres à nos séries et qu’on a déjà mentionnés à de nombreuses reprises comme le fait qu’elle prenne un peu trop le temps de s’installer et que le premier épisode n’est pas forcement le plus réussi. Mais Empreintes Criminelles a pour elle de nombreuses qualités. En premier lieu, un casting assez fort porté par le très intéressant personnage de Valour, flic en permanence sur le brèche et dont les développements tout au long de la saison 1 sont des plus intéressants. Mais la galerie de personnages secondaires n’a pas été oubliés et l’un des plus intéressants est celui de la femme légiste. Exerçant un « métier d’homme », elle doit en permanence se battre pour trouver sa place. Son évolution tout au long de la saison est vraiment intéressante.
Egalement des histoires qui se densifient au fil de la saison. Outre le côté amusant de voir se développer les prémices de techniques scientifiques que l’on connaît aujourd’hui, la manière dont la série interroge notre histoire est des plus intéressantes. Comme je le souligne dans l’interview, l’épisode 4 est le meilleur de la saison, d’une grande densité émotionnelle et un traitement qui le rapproche de ce qu’aurait un Cold Case, avec bien entendu des défauts mais la démarche est très louable. On saluera aussi le travail fait sur l’image. On en parlait dans notre dossier sur le générique de la série mais un vrai travail a été effectué tant sur les lumières que sur la reconstitution de Paris qui donne une vraie identité visuelle à la série.
Enfin, le « season finale » est non seulement un vrai épisode de fin de saison, mélange de tension et de préparation du final, mais aussi un épisode qui pose les bases d’une future saison 2, là où d’ordinaire les scénaristes pensent plus à tout conclure, sans ouvrir vers la suite.

Interview avec le showrunner de la série Lionel Olenga, également créateur de Chérif et de Le Code

Comment est née l’idée de Empreintes Criminelles?

Lionel Olenga: Stéphane Drouet a eu l’idée originale, celle de raconter l’histoire des premiers policiers scientifiques au début du XXe siècle… qui étaient français. Un élément que tout le monde (ou presque) a oublié et que j’ignorais moi-même. C’était aux alentours de 2007. A ce moment-là, les différentes déclinaisons des Experts réalisaient d’énormes scores d’audience sur TF1 et il s’est dit qu’il y avait là une belle idée de série. Il a ensuite contacté Olivier Marvaud pour développer avec lui la bible. France 2 s’est rapidement intéressée au projet. Une convention d’écriture a été signée. C’est juste après que je suis arrivé dans l’aventure. Stéphane cherchait quelqu’un pour co-écrire les deux premiers épisodes avec Olivier. Je les avais croisé tous les deux sur d’autres projets, et j’ai tout de suite accepté, l’idée me paraissant vraiment intéressante. Une des demandes de la chaine était de ne pas avoir de personnages trop lisses, c’est en ce sens que nous avons repris les différents persos de la série. Olivier et moi avons ensuite commencé par un épisode-type (le N°2 : « l’affaire de l’Orient-Express »), puis la chaîne, très satisfaite, nous a demandé d’écrire un « pilote », en tout cas l’épisode de la création de l’équipe. Pour la suite de l’écriture, nous avons fait appel à d’autres scénaristes et avons travaillé en atelier, Olivier Marvaud et moi en assurant la direction.

L’angle de départ de  la série c’était lequel ? 

Proposer une alternative aux séries de police scientifique, parler de la société française d’aujourd’hui en mettant en avant des lieux, des situations typiques des années 20, qui faisaient échos à la vie des téléspectateurs. Il s’agissait de montrer à quel point ce qui paraît évident pour tout le monde aujourd’hui était une aberration à l’époque, autrement dit : en quoi il est difficile d’aller contre la pensée dominante. D’autant que nos héros n’étaient pas infaillibles. Comme dans toute phase d’expérimentation, il leur arrivait de louper leur coup. Nous aimions aussi le fait qu’ils rencontrent autant de résistance et d’incrédulité, jusque dans les rangs de leurs collègues policiers.

On a souvent comparé la série aux Brigades du tigre qui rencontrent Les Experts. Etait-ce vraiment votre modèle? Pour ma part, je ne pense pas totalement car la série s’en éloigne vite.

Le modèle, c’était C.S.I (structure des épisodes, « flashs », séquences « clippées »…) bien plus que les Brigades du Tigre. C’est ce qui a servi de base à la réflexion. Pour autant, je pensais qu’il était impossible de faire une série policière située dans les années 20 sans être comparé aux Brigades du Tigre… C’est pourquoi je pensais qu’il aurait été sympa de jouer avec la mémoire des téléspectateurs en faisant interprété le directeur de la police par l’un des comédiens des « Brigades ». Une façon de passer le témoin. A plusieurs reprises, la chaîne nous a bien précisé qu’il était important de se démarquer de la série d’Antenne 2.

Le personnage de Valour est très sombre, et va plutôt loin. Aviez vous un modèle pour le créer (il y a un peu de Abberline de From Hell en lui) et souhaitiez-vous allez plus loin que vous ne l’avez finalement fait ?

Olivier, Stéphane et moi avons longuement discuté de Valour. Ça faisait partie d’une réflexion globale sur les personnages. Ils étaient déjà posés dans la bible de la série, mais nous les avons repensés ensemble. La chaîne était demandeuse de ce travail. Nous voulions que chacun d’eux ait une voix qui lui soit propre, sa propre grille de lecture des événements. Valour est quelqu’un qui est dévoré par la frustration. Pourquoi n’est-il pas reconnu comme il devrait l’être, placardisé et réduit à jouer la cinquième roue du carrosse alors qu’il a une vraie longueur d’avance sur tous les autres flics ? Il n’en peut plus de cette situation. Nous le prenions au moment où on lui donne sa chance. Et plus son équipe commence à aligner quelques succès, à obtenir quelques reconnaissances, moins il maîtrise les problèmes liés à son addiction. Nous avions fait le choix de ne pas donner toutes les clés sur les personnages mais de distiller des éléments au détour d’un réplique, d’une séquence pour mieux les découvrir progressivement, (l’homosexualité de Marius, le passé de Cassini, …).

La série opère un tournant avec le magnifique épisode 4, tout en émotion et qui me rappelle un peu l’ambiance des enquêtes d’une série comme Cold Case en abordant la colonisation). Était-ce votre but à terme, Interroger notre histoire ?

Soiliho Boidin et Nicolas Clément (les deux scénaristes de l’épisode) sont venus avec ce pitch qui nous a tout de suite intéressés. Au delà du fait historique, j’y ai vu la possibilité de mettre en avant nos personnages et leurs contradictions. A commencer par Cassini : c’est clairement quelqu’un de moins instruit que le reste de l’équipe, qui ne comprend pas les subtilités de la police scientifique à la Valour… Mais c’est un bon flic, « à l’ancienne », plus humain et avec plus de vécu que les autres… C’était intéressant de voir comment ce type raciste, ancien militaire, allait réagir dans cet épisode.  C’était un très bon cocktail : nous avions à la fois une intrigue policière forte, qui raconte quelque chose sur la société française de l’époque, et des personnages questionnés sur leur valeur : deux visions de la justice qui s’opposent, des personnages qui révèlent leur complexité: Valour en se montrant rigide sur l’application de la loi au moment où son secret a été percé à jour et un Cassini qui ne cache pas son racisme mais prend conscience de certaines injustices et agit en conséquences. Ce sont les personnages qui priment sur l’enquête ou le sujet.

 A quoi aurait ressemblé la saison 2 si elle avait vu le jour ? Qu’aviez vous envie de raconter ?

Les six épisodes de la saison 2 ont été écrits (jusqu’à la première version dialoguée). Nous avions tiré les leçons de cette saison 1 et avions corrigé le tir: par exemple, il n’y avait plus qu’une seule intrigue par épisode et nous avions apporté un soin particulier à mettre en avant les différents personnages.  La saison 2 démarrait quelques semaines après la fin du dernier épisode. L’unité était dissoute, Valour était en prison, Cassini était de retour sous les ordres de Gilardi, Pauline était séparée de son mari, rejetée par sa famille… Toute l’équipe se reformait en off et se mobilisait pour sortir Valour de prison et remettre l’unité sur les rails : une histoire de manipulations qui posait en même temps les bases de la suite de la série, avec un Valour désintoxiqué – mais forcément fragile et susceptible de replonger – à sa tête. Tout en restant dans les premiers pas de la police scientifique, nous avons cherché à explorer chaque personnage au détour des intrigues. On découvrait comment et pourquoi Marius avait abandonné une carrière scientifique pour entrer dans la police, le meurtre d’une gueule cassée permettait d’approfondir le passé militaire de Cassini (et comment il lui était insupportable de voir un frère d’armes handicapé à la suite d’une explosion d’obus, à tel point qu’il préférait lui tourner le dos…) Bref, on s’était focalisé à raconter plus de choses sur nos persos… et on en avait sous le coude. La saison se terminait pas un cliff qu’on voulait aussi marquant que le premier : une enquête sur un meurtre amenait l’équipe à découvrir l’existence d’une importante arnaque qui impliquait des politiques et de riches industriels… le genre d’affaires qui rend nerveux Blanchard, le directeur de la police… Après avoir arrêté le coupable, un des membres de l’équipe, resté seul au bureau, comprend que le meurtrier qu’ils ont abattu n’était qu’un pion… que celui qui tirait les ficelles de cette affaire n’était autre que Blanchard, présent depuis le premier épisode. Avant qu’il ne puisse communiquer l’information au reste de l’unité, on assistait à son meurtre par Blanchard…

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Rédacteur en chef du pôle séries, animateur de La loi des séries et spécialiste de la fiction française
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