Gros coup de cœur 2016 à laquelle La loi des séries a consacré une émission, Ennemi Public arrive sur TF1. Nous avons rencontré l’un des comédiens, Clément Manuel.
Clément Manuel est un des visages bien familiers des spectateurs qui regardent la fiction française.
Le comédien était le « co-héros » de Falco sur TF1 ou séminariste dans Ainsi soient-ils sur Arte. Actuellement en tournage pour Le tueur du lac, il retrouvera son personnage de moine dans la saison 2 de Ennemi Public qui devrait se tourner l’été prochain. L’occasion pour nous de l’interroger sur la saison 1 qui arrive sur TF1.
C’est quoi Ennemi Public ? Libéré après 20 ans de réclusion, le tueur d’enfants Guy Béranger trouve refuge auprès des moines de Vielsart, un petit village des Ardennes. Il est placé sous la protection d’une inspectrice de la police fédérale. Quelques jours après, une fillette disparaît.
A lire aussi : notre interview de Angelo Bison alias Guy Beranger
Programmer une série belge en prime sur TF1 est un challenge pour la chaîne…
Clément Manuel : Oui, TF1 n’a pas l’habitude de diffuser des séries belges. En même temps, c’est une preuve de bon goût et d’élargissement de la ligne éditoriale de la chaîne de le faire. Quand j’ai appris que TF1 avait acheté la série, j’étais très heureux car TF1 est en train d’aller vers des programmes de plus en plus intéressants. Tout en craignant que TF1 prenne peur face au sujet très sensible de la série et à la violence du propos.
C’est une série dont on sent qu’elle n’est pas uniquement faite pour plaire à un public belge mais bien pour plaire à un public large, qui pourrait se vendre dans d’autres pays. Vous en aviez conscience en tournant la série ?
Clément Manuel : Oui et non. Personne n’a pensé si la série allait ou non s’exporter. En revanche, il y avait une vraie volonté de faire quelque chose de différent par rapport à ce que l’on voit d’habitude en Belgique. Il y avait une volonté de faire vivre autrement l’audiovisuel belge, sans nécessairement faire un programme surréaliste ou sociale. Les auteurs de Ennemi Public sont d’une génération qui aime les séries télé et qui en connaissent bien les codes. Ils ont des références très ancrées dans notre époque. Ils avaient avant tout envie de faire une série qui leur ressemble. Mais même si les codes qu’ils utilisent ne sont pas belges, Ennemi Public est pourtant terriblement belge comme série. C’est d’ailleurs ce qui m’a plu dans ce projet, c’est que j’y ai retrouvé la Belgique. La série se passe dans une petite communauté comme la Belgique est un petit pays.
Revenons à votre personnage dans la série. Après Ainsi soient-ils, vous revenez dans les ordres. Prêtre un jour, prêtre pour toujours ?
Alors ce n’est pas un prêtre, c’est un moine (rires). En réalité ce n’est pas du tout la même chose. Certes ce sont deux hommes d’Eglise mais il y a en réalité une grosse différence. Les prêtres sont des hommes d’Eglise tournés vers les Hommes ; les moines sont des hommes qui se sont tournés vers l’Eglise. Lucas est typiquement de ce côté là. A priori, il n’a rien à faire là et pourtant il est pleinement là, totalement dévoué à sa mission. On sent qu’il n’est pas du tout à sa place et ça se ressent quand il est avec Chloé par exemple.
Ennemi Public aborde la thématique d’un tueur d’enfants ce qui dans une Belgique encore traumatisée par l’affaire Dutroux ne doit pas être facile à aborder…
La série aborde un vrai sujet de société et pose la question de la confiance en la Justice car c’est une décision de justice qui amène Béranger dans ce monastère, tout comme c’est une décision de justice qui amena Michèle Martin (la compagne de Dutroux) dans un monastère.
Pour quelqu’un comme Béranger, arriver dans un monastère, c’est le pire endroit qui pouvait être. Lui qui représente le Mal, l’absence totale d’empathie, d’amour, de partage, arrive dans un lieu où toutes ces valeurs sont prônées. Et c’est ce qui explique pourquoi une grande partie des membres de la communauté ne l’accepte pas. En raison de ce qu’il représente. En revanche, Lucas lui y croit car il se donne la mission de considérer que c’est un homme comme un autre même s’il a pêché dans le passé et qu’il a droit à une seconde chance. C’est une véritable problématique actuelle.
Comme se passe le jeu d’acteur avec Angelo Bison (Béranger) qui a un jeu très épuré, et qui ne laisse pas passer grand chose ? Comment on fait pour répondre à ce qu’il n’envoie pas ?
Et bien on ne fait pas (rires). La première semaine, c’était très difficile. D’ordinaire, quand on joue une scène, on joue avec un partenaire avec qui il y a un échange, où l’on réagit en fonction de ce que l’autre envoie. Avec Angelo c’était totalement différent. A chaque fois que l’on se parlait, que l’on se regardait, j’avais l’impression de voir des gouttes d’eau qui glissent sur un pare-brise. C’était comme si je n’existais pas, que je n’étais pas là. Il était tellement bon dans sa composition de psychopathe que je n’arrivais pas à trouver la générosité qu’on donne quand on est acteur. C’était déstabilisant tellement il était brillant. Et puis j’ai lâché prise et, « avec Lucas », j’ai fini par trouver l’humanité qu’il ne lâchait pas.
On a alors totalement accroché et on a senti tout de suite avec Angelo que quelque chose s’était débloquée. C’était un vrai exercice.