Dès ce jeudi 14 mai à 21h05, RMC Story diffuse sa nouvelle émission d’investigation «Disparus» (6 x 70’), incarnée par la journaliste Patricia Fagué. Cette dernière enquêtera, chaque jeudi soir, sur deux disparitions. Une production 909 Productions et Worldmissing avec la participation de RMC Story. Parmi les différentes enquêtes, Patricia Fagué plongera dans des secrets de famille très forts. Depuis près de 30 ans, elle consacre sa vie à rechercher des personnes disparues grâce à des enquêtes de proximité et des recherches administratives. Ses techniques et sa ténacité lui ont surtout permis à ce jour de réunir des milliers de familles… «Disparus», une émission authentique, pleine d’émotion et d’espoir.
Kevin Lheritier (@lheritierkevin) a rencontré Patricia Fagué, entre deux enquêtes.
Comment est née cette émission ?
Beaucoup de producteurs souhaitaient lancer une émission de ce genre. Depuis 3 ans, je suis en discussion avec 909 Productions et son directeur Frédéric Joly. Il m’a contacté en mai 2019 pour m’annoncer que RMC était intéressé par le projet pour une diffusion sur RMC Story. La plupart des enquêtes du programme ont été menées pendant 3 jours. Certaines pouvaient s’étendre jusqu’à 4 ou 5 jours.
Quelles sont vos méthodes d’investigation ?
Je travaille au cas par cas. Aucune règle n’existe pour retrouver quelqu’un. Je m’adapte aux éléments que je possède. Parfois, je n’ai même pas le nom de la personne que je recherche. C’est pour cela que les réseaux sociaux ne me sont pas toujours utiles. Je passe essentiellement par une enquête de voisinage, sur le terrain. Par enquête, je rencontre 150 à 200 personnes. Il faut savoir que beaucoup d’informations sont disponibles dans les mairies et institutions publiques. Certains établissements font de la rétention d’informations. C’est un combat, même encore aujourd’hui, d’obtenir des informations dont j’ai le droit d’avoir accès.
Comment choisissez-vous ces enquêtes ?
Au coup de cœur, au feeling, à l’émotion, mais nous avons aussi veillé à ce que les différentes disparitions soient volontaires et non inquiétantes (ces dernières sont du ressort de la Police et de la Gendarmerie). Elles couvrent un large spectre : des accouchements sous X aux enlèvements parentaux, en passant par les abandons de famille et les trafics d’enfants. Notre force, c’est précisément de ne pas caster, d’être représentatifs de la société, d’être authentiques.
Je ne souhaitais pas faire un programme voyeuriste.
La caméra a-t-elle posé problème lors des tournages ?
J’ai imposé à la production d’être uniquement accompagné d’un caméraman lors des enquêtes. Quand la démarche est bienveillante, elle est généralement bien accueillie, caméra ou non. Nos enquêtes sont tournées sur le vif, rien n’est prévu en amont. Devant la caméra, je reste très naturelle. Mes émotions sont réelles, je ne suis pas comédienne. Je ne souhaitais pas faire un programme voyeuriste.
Des dossiers sont-ils restés sans suite ?
Hélas, il y en a quelques-uns, mais je ne les abandonne jamais, je les garde auprès de moi. Je vis très mal ces situations car ces manques de réponses me hantent. Dans un des épisodes, je dois traiter le cas de Christian, 79 ans, à la recherche de sa mère et de sa demi-sœur biologique. Nous avons lancé un appel à témoins, et je continue encore à lancer des appels et des procédures pour lui apporter des réponses. L’espoir est important…Il ne faut jamais le perdre car il y a toujours une solution. Je suis quelqu’un de positif, c’est ma nature.
Une saison 2 est-elle envisageable ?
On y pense. Si cette suite doit se faire, j’aimerais enquêter sur des disparitions à l’étranger. Ces dernières sont très rares…En règle générale, nous retrouvons les personnes à moins de 100km du lieu qu’elles ont quitté. Elles ne changent jamais réellement de vie, nous les retrouvons dans la même situation.
Comment en êtes-vous arrivez-là ?
Je viens d’une famille très classique sans parents divorcés. J’ai débuté ma carrière de journaliste à 24 ans, au sein de l’émission «Perdu de Vue» (TF1), présentée par Jacques Pradel. Un heureux hasard, pensai-je. J’allais pouvoir enquêter, informer et, cerise sur le gâteau, me rendre utile. Quelques années plus tard, j’apprenais que ma grand-mère était née sous X. Avec le recul, je me dis que mon chemin était déjà tracé. En aidant des familles séparées à se retrouver, je réparais inconsciemment l’abandon de mon aïeule.
En dehors de l’émission, enquêtez-vous ?
À la suite de l’arrêt de l’émission «Perdu de vue», j’ai décidé de créer le site internet : personnedisparue.com. Je facture ces enquêtes si j’arrive à des résultats concluants. Les tarifs dépendent alors des éléments que j’ai à ma disposition. Pour info, 60.000 disparitions sont signalées chaque année dont 10.000 sont inquiétantes. Au total, on compte 45.000 mineurs et 15.000 adultes. Il faut savoir que 1.000 affaires restent non-élucidées. D’un point de vue personnel, ces enquêtes me font du bin car je vois le bonheur dans les yeux des personnes à qui j’apporte des réponses. Je ne suis ni flic, ni détective mais journaliste d’investigation. C’est pourquoi, en 1998, j’ai écrit le livre «Disparus ? Comment les retrouver» (Éditions Marabout) et préfacé par Jacques Pradel. Puis, en 2004, j’ai publié une enquête sur les dessous de l’adoption et de l’accouchement sous X, «Né sous X – Enquête sur l’abandon» (Editions Carnot). Enfin, en 2017, j’ai raconté mes plus belles retrouvailles dans«Disparus sans laisser d’adresse – enquêtes sur 40 histoires vraies» (Éditions de l’Opportun).
Propos recueillis par Kevin Lheritier – @lheritierkevin