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Isao Takahata, l’autre géant du Studio Ghibli

Isao Takahata, l’autre géant du Studio Ghibli

Coup de tonnerre dans le milieu de l’animation et du cinéma. Isao Takahata, co-fondateur du studio Ghibli et porte-étendard d’une animation adressée à tous, a rendu l’âme ce vendredi 6 avril à l’âge de 82 ans des suites d’un cancer du poumon. Retour sur le parcours d’un titan de la japanimation.

La carrière d’Isao Takahata est indissociable de deux studios : la Toei tout d’abord, puis le studio Ghibli. Si tout le monde est au courant de son travail aux côtés de Hayao Miyazaki, nous sommes bien moins nombreux à connaître ses travaux pour la Toei ou chez Nippon Animation.

Petit assistant deviendra grand

Dans les années 1960, les animateurs de la Toei se syndiquent dans le but de faire valoir leurs droits et faire bouger les lignes créatives de l’industrie. C’est à leurs côtés que le jeune Takahata, alors assistant réalisateur, milite pour la reconnaissance de l’animation comme un produit culturel aussi bien destiné aux enfants qu’aux adultes. Le studio Toei ambitionne de devenir le Disney japonais, mais se heurte dès 1963 à la concurrence de Mushi Production à la télévision. En effet, la société fondée par Osamu Tezuka cartonne et détourne le public des salles obscures.

C’est dans ce contexte compliqué qu’Isao Takahata se voit confier la lourde tâche de réaliser un film pour la Toei : Horus, Prince du Soleil. Après une maturation de trois ans résultant de déboires syndicaux avec la direction, des menaces de lâcher le projet, des coupes imposées par le studio, le film sort enfin en salles en 1968 et fait un énorme bide. La Toei, contrariée, en sabordera elle-même la distribution : Horus n’aura droit qu’à dix petits jours d’exploitation.

Bouc émissaire, Takahata est éjecté de ses fonctions et n’aura plus le droit de faire de film au sein de la Toei. De cette expérience douloureuse il retiendra une amitié fidèle avec l’autre futur géant de l’animation nippone, Hayao Miyazaki.

Avec son nouveau compère, il rejoint alors les rangs de Tokyo Movie à la réalisation de Lupin III dont les audiences battent de l’aile. À eux deux ils remontent le niveau de la série sur sa seconde moitié. Entre leurs mains le show prend alors une nouvelle dimension et s’impose comme un classique intemporel de l’animation japonaise. Une cinquième saison vient d’ailleurs de démarrer ce printemps.

Repérés par Nippon Animation, ils sont alors invités à travailler sur une série qui marquera l’enfance de beaucoup de quarantenaires en France : Heidi.

Heidi marque le début du programme World Masterpiece Theatre, proposant des adaptations animées de classiques de la littérature occidentale. Isao Takahata en réalisera deux autres : Anne aux Pignons Verts et Marco, inédits dans nos contrées. Il rejoint par la suite Hayao Miyazaki sur Nausicäa de la Vallée du Vent, qu’il produira. Forts de ce succès, les deux larrons fondent avec le producteur Toshio Suzuki un tout nouveau studio à la hauteur de leurs ambitions : le studio Ghibli.

Ghibli, Miyazaki et compagnie

C’est au coeur de ce nouvel environnement et entouré de collaborateur de confiance et proches amis qu’Isao Takahata accédera à la reconnaissance du public avec son mondialement célèbre Le Tombeau des lucioles. Le film est l’adaptation d’une œuvre biographique dans laquelle le réalisateur insuffle une partie de ses souvenirs. Le réalisme et l’aspect adulte du film propulsent le studio dans ce que Takahata avait toujours voulu : une animation adressée à tous, enfants comme adultes.

C’est avec cette idée en tête que Takahata continuera d’abreuver le studio d’œuvres hétéroclites mais toujours centrées autour des mêmes thématiques : la famille, l’écologie, le pacifisme, l’antimilitarisme, l’attachement à un monde rural, qu’il a tenté de retranscrire tout au long de sa carrière. Quand bien même aucun de ses films suivants n’égalera le succès du Tombeau des lucioles, il faut reconnaître à Isao Takahata d’avoir su changer de style et de ton.

Pompoko est un film sur fond de mythologie shintoïste mettant en garde contre l’urbanisation massive et la perte de la culture passée. Souvenir Goutte à Goutte quant à lui est plutôt réaliste et parle avec intimisme de l’avenir et des regrets, de l’importance de la famille et des bonnes vieilles valeurs traditionnelle. Mes Voisins Les Yamada, est une comédie légère adaptée d’un yonkoma populaire et son ultime chef d’oeuvre. Le Conte de La Princesse Kaguya est l’adaptation testamentaire virtuose d’un conte classique de la littérature japonaise. Prenant vie sous nos yeux, nous sommes ébahit par le soucis du détail et du réalisme des scènes dépeintes, réalisme qu’a toujours aspiré à atteindre Isao Takahata qui signe ici une oeuvre fourmillant de sujets et de lectures possible.

Sa dernière contribution au cinéma se fera dans une co-production franco-belgo-japonaise, La Tortue Rouge de Michael Dudok de Wit. Takahata apportera soutiens et conseil à ce jeune réalisateur repéré par Toshio Suzuki tout au long de la production du métrage, auquel il proposera quelques retouches bienvenue.

Isao Takahata aura apporté à l’animation le désir d’émancipation de son carcan infantile et la force de se battre pour des projets créatifs. Il a remis en question l’animation limité d’Osamu Tezuka et a fondé un pan entier de l’animation japonaise moderne. On lui doit, d’avoir rendu l’animation meilleure.

Merci et adieu Monsieur Takahata, vous manquerez cruellement à ce paysage que vous avez aidé à façonner.

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