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Jacques Le Goff, la fin de l’histoire

Ce mardi 1er avril, à l’âge de 90 ans, le grand médiéviste est décédé à l’hôpital Saint Louis, laissant orphelins un grand nombre de passionnés d’Histoire. Missionnaire de génie, il a toute sa vie prêché pour la « nouvelle histoire », mettant au point un système de valeurs historiques appliqué à la période médiévale, elle-même matrice de notre modernité. Né le 1er janvier 1924 à Toulon, sa renommée internationale s’est établie sur des monuments tels que Les Intellectuels au Moyen-Age (Seuil, 1957), La Naissance du purgatoire (Gallimard, 1981) ou son anti-biographie de Saint Louis, Saint Louis (Gallimard, 1996).

 

Il est bien connu que les historiens sont à la France ce que les philosophes sont à l’Allemagne : des titans. Michelet, Lavisse, Le Roy Ladurie et Braudel ont bénéficié de cette apothéose intellectuelle en apportant à l’Histoire leur lecture éclairée, mais c’est l’héritage de Marc Bloch que Jacques Le Goff revendiquait. Le cofondateur de la revue des « Annales » a, en effet, toujours cherché à soustraire des mentalités cette vision si restreinte d’un Moyen-Age religieux pour mettre en avant l’apparition, dès le XIe siècle, d’un nouveau système social, de nouvelles techniques et de nouveaux rapports de travail reposant sur une économie agraire. Mais c’est une toute autre voie que Jacques Le Goff décida d’emprunter. S’il est vrai que l’historien n’a jamais réfuté les fondements apportés par Bloch, et notamment ceux cités précédemment touchant au fonctionnement agraire de la société médiévale, sa quête historique l’a mené à combattre le cliché persistant qui vise à assimiler le Moyen-Age à la vie rurale, au monde des campagnes. C’est par le biais d’ouvrages tels que Marchands et banquiers du Moyen Age, les Intellectuels au Moyen Age ou encore L’Imaginaire médiéval qu’il a réussi à montrer, à travers différents types sociaux, comment les hommes qui vivaient à cette époque ont rendu cette dernière riche et rayonnante de savoir et de modernité ; modernité dont nous sommes les héritiers. C’est en effet dès le XIIIe siècle que la diffusion du savoir va s’étendre grâce à une institution toute nouvelle et séparée de l’organisation religieuse : l’université. L’inversement fondamental dans sa lecture de cette période est né à travers son livre de renommée la Civilisation de l’Occident médiéval. Selon lui, il est nécessaire de rendre au Moyen Age toute son excentricité par le biais d’une exploration éclairée des mentalités ; exploration qui, toujours selon lui, révèle un bouleversement dont la particularité tient du fait que l’Eglise a, pendant plus de dix siècles, tenu la tâche d’adapter les manières de vivre et de penser.

 

Révolutionnaire de l’Histoire, instigateur de la modernité au sein d’une période qui se voulait trouble et obscure, Jacques Le Goff avait le talent de rendre chacun de ses lecteurs intelligent. Il a, sa vie durant, milité pour une compréhension plus juste du Moyen Age ; une compréhension qui permet à chacun d’entre nous de se sentir plus proche d’un temps si lointain. Jacques Le Goff a dénoué le mythe séculaire d’un Moyen-Age obscurantiste, il a bravé le joug d’une tradition archaïque.

 

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