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Japon : La révision constitutionnelle confortée par les élections

Japon

Dimanche 10 juillet 2016, les Japonais ont voté pour renouveler par moitié la Chambre des Conseillers, octroyant au Premier ministre Shinzo Abe et à son Parti Libéral-Démocrate, la fameuse « double majorité » parlementaire permettant de repenser une révision de la Constitution voulue depuis des années.

 

Résultats des élections et enjeux révisionnels

Dimanche 10 juillet, les japonais votaient pour élire les membres de la Chambre des Conseillers, la chambre haute du Parlement nippon (Diète) qui se renouvelle par moitié tous les trois ans. Avec une majorité électorale abaissée à 18 ans, près de 106 millions de citoyens étaient attendus aux urnes, pour seulement 53.66 % de participation.

Le Parti Libéral-Démocrate de Shinzo Abe obtient donc après coup 146 des 242 sièges de la Chambre, et avec quelques membres favorables au parti, le PLD dispose donc d’une majorité des deux tiers. Avec cette même majorité dans la chambre basse, le parti du Premier ministre dispose enfin de la « double majorité » des deux tiers dans les chambres du Parlement, permettant ainsi d’engager une révision de la Constitution.

En effet, Shinzo Abe avait déclaré que « mettre en œuvre la révision de la Constitution est mon devoir en tant que président du PLD » et que le débat serait véritablement engagé quand le « climat électoral » sera favorable.

Brève histoire de la Constitution

Pour mettre fin au passé militariste nippon après la défaite du pays lors de la Seconde Guerre Mondiale, Douglas MacArthur, Commandant Suprême des Forces Alliées, a administré le Japon occupé pendant quatre ans. Il a notamment engagé des réformes en profondeur du pays sur le modèle américain, et a fait adopter une Constitution le 3 novembre 1946, par la Diète fraîchement élue. Inchangée depuis plus de 70 ans, elle est entrée en vigueur le 3 mai 1947.

Aperçu de la Constitution nippone du 3 mai 1947 / DR

Aperçu de la Constitution nippone du 3 mai 1947 / DR

Cette constitution instaure un système démocratique et institutionnel inspiré du modèle américain, un système rigide difficilement amendable. Il faut pour cela établir un projet de loi constitutionnelle d’abord voté au deux tiers des deux chambres de la Diète puis faire accepter l’amendement par référendum (article 96).

La singularité toute particulière de ce texte est contenue dans son article 9, qui dispose que « le peuple japonais renonce à jamais à la guerre en tant que droit souverain de la nation », pour pacifier le pays. Cependant, cet article a été interprété lors de la Guerre Froide comme permettant néanmoins le déploiement de forces armées dans le cas d’une « situation d’auto-défense », mais de façon très limitée.

A lire aussi : Constitution du Japon

 

Le débat constitutionnel aujourd’hui

Le Japon, érigé en modèle pacifiste, est ardemment défendu  par les démocrates de l’aile gauche. De l’autre côté, les nationalistes et les conservateurs estiment que « la Constitution émascule la nation »[1] et qu’elle est le symbole d’une humiliante défaite. S’opposent une mentalité antimilitariste et une mentalité souverainiste et nationaliste.

Le Premier ministre Shinzo Abe a clairement affiché depuis le début de son mandat, son ambition de réviser la Constitution pour sortir du modèle japonais d’après-guerre. D’abord réviser l’article 96 pour faciliter l’amendement de la loi fondamentale, mais surtout remettre en question l’article 9 de renonciation à la guerre ; le projet d’Abe et des conservateurs est de redonner sa pleine souveraineté au pays pour s’engager plus radicalement dans les coalitions occidentales, prévenir les menaces de guerre de la sphère asiatique et tout simplement s’affirmer dans les relations internationales.

Si la suppression pure et simple de l’article 9 n’est pas clairement exprimée, le PLD envisage surtout d’instaurer des forces armées permanentes, une clause sur l’état d’urgence et sur l’attribution de pouvoirs supplémentaires au gouvernement en cas « d’urgence nationale ».

Abe a toutefois annoncé, malgré une majorité favorable, que cela ne sera pas facile mais il espère que « le débat va gagner en profondeur ». Ce dernier a besoin d’un projet solide, d’une discipline des partis et d’une cohérence entre le débat parlementaire et l’opinion publique.

Enfin, les voisins du Japon voient cette révision d’un très mauvais œil, notamment la Chine et la Corée du Sud, rivaux historiques du pays qui estiment dangereux ce changement constitutionnel pouvant mettre en péril la stabilité de la région.

Image : Photograph by Takashi Osato for TIME

[1] Jeffrey Kingston, directeur des Etudes Asiatique à la Temple University de Tokyo

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