En cette semaine sainte, il pourrait germer dans la tête de certains, l’idée de regarder un film sur la vie du Christ. Pourtant, il existe un large panel de long-métrages adaptés du Nouveau Testament, et choisir le meilleur d’entre eux n’est pas une tâche facile. S’il vous prenait l’envie de vous replonger dans les fondements du Christianisme, la rédaction vous conseille de découvrir – ou de redécouvrir – Jésus de Nazareth, œuvre maîtresse du réalisateur italien Franco Zeffirelli.
Conçu et réalisé initialement pour la télévision italienne sur une demande du Pape Paul VI, et sorti en 1977, Jésus de Nazareth est très certainement l’une, si ce n’est la plus belle tentative de porter à l’écran la vie d’un homme qui fascine et unit des millions de personnes à travers le monde. Internationalement acclamé, le film est depuis sa création, régulièrement diffusé à Pâques dans de nombreux pays.
S’appuyant sur un casting magistral et un budget de superproduction, Jésus de Nazareth est digne des plus grands péplums offerts par le Septième Art. Outre sa durée – plus de 6 heures – et sa mise en scène spectaculaire, il a bénéficié de techniciens et d’artistes hors-pair, avec notamment à la réalisation, Franco Zeffirelli, connu naguère pour son adaptation de La mégère apprivoisée (1967), et l’immortalisation de Roméo et Juliette au cinéma (1968). Rappelons également la participation du compositeur Maurice Jarre, dont les mélodies aux tonalités orientales rythment cette épopée biblique. Jarre s’était déjà brillamment illustré avec les partitions de Lawrence d’Arabie (1962), et du Docteur Jivago (1965), deux films de David Lean pour lesquels il reçut l’Oscar de la meilleure musique de film. La grande majorité des décors et des costumes ont été reconstitués avec précision et raffinement, accordant alors l’authenticité nécessaire au long-métrage. Le montant exact du budget de Jésus de Nazareth reste inconnu du grand public, il est estimé entre 12 et 18 millions de dollars. Le film a connu un succès international et a conquis 2,5 milliards de spectateurs dans le monde entier, ce qui représentait à l’époque plus de la moitié de la population mondiale. Au vu du plurilinguisme du casting, Jésus de Nazareth fut tourné en anglais.
Ce film qui pour être largement spectaculaire, n’en est pas moins d’une grande intériorité. Jésus de Nazareth met fastueusement en scène les grands évènements de la vie du Christ, à savoir sa naissance, son ministère – c’est à dire sa vie publique –, et sa Passion : procès, crucifixion et résurrection. Bien que la rengaine « Ce n’est pas la quantité qui compte, mais la qualité. » soit avérée, il va sans dire que de par sa longueur, Jésus de Nazareth permet d’exploiter un maximum d’évènements corrélés à la vie du Christ. Certains épisodes des Évangiles sont oubliés comme les Noces de Cana, mais le film relate avec précision et émotion la plupart des passages importants du Nouveau Testament. Cette perspective s’applique aussi bien aux évènements spectaculaires comme la résurrection de Lazare et la multiplication des pains, qu’aux épisodes moins impressionnants mais tout aussi poignants tels le Baptême de Jésus, la confrontation avec Marie-Madeleine lors du repas chez Simon ou encore la Cène. Là où d’autres n’ont pas toujours réussi, Franco Zeffirelli a brillamment conjugué le grand spectacle avec la recherche scénographique. Jésus de Nazareth se nourrit d’une réalisation solide et percutante, teintée d’une certaine pédagogie pour rendre le film accessible à tous.
De nombreux effets artistiques et religieux viennent sublimer la force qui se dégage des dialogues inspirés des évangiles et des miracles accomplis par le Christ. Zeffirelli est un fervent chrétien, et cela se ressent dans la mise en scène. À aucun moment, le récit filmique ne paraphrase les textes sacrés ni ne bascule dans de plates transpositions descriptives et vulgaires. Par exemple, lors de l’annonciation, l’archange Gabriel est illustré par un rayon lumineux. Sa voix n’est pas audible et ses propos sont rapportés directement par la Vierge Marie. Zeffirelli contourne intelligemment la difficulté reposant sur la représentation d’un ange et évite ainsi de tomber dans une esthétique maladroite et ringarde. De même, la scène introduisant Ponce Pilate, représente le préfet en train de se laver les mains, mais il ne prononce pas son célèbre énoncé « Je m’en lave les mains. », pendant le procès du Christ. De cette manière, on délaisse une théâtralité inutile au profit de la crédibilité du film. Indépendamment de son potentiel artistique et de la dévotion religieuse dont il fait montre, Jésus de Nazareth expose un récit sensiblement attaché à l’évènementiel, qui s’efforce de rapporter avec une honnêteté historique, chaque épisode de la vie de Jésus représenté dans le film.
Quelques personnages n’apparaissant pas dans la Bible ont été crées spécialement pour le film. Le plus éminent est Zerah, un membre du Sanhédrin, interprété par Ian Holm. Sa présence est peut-être la plus grande liberté prise dans le scénario car il influence Judas dans ses motivations qui le pousseront à trahir le Christ. Il le persuade qu’une comparution devant le Sanhédrin permettrait à Jésus de faire ses preuves. De ce fait, Judas apparaît moins malhonnête que dans la Bible où il n’agit que par cupidité. Zerah détient cependant une place importante au sein du film, il symbolise l’incidence que représentent les membres du Sanhédrin dans la mort du Christ. Le Sanhédrin était l’assemblée législative traditionnelle du peuple juif et par extension son tribunal suprême, qui siégeait à Jérusalem. C’est là que Jésus comparaît après son arrestation commandée par la garde du grand prêtre Caïphe. Affirmant qu’il est le fils de Dieu, il y est accusé de blasphème et conduit devant Ponce Pilate qui le condamnera à la crucifixion. L’introduction du personnage de Zerah dans Jésus de Nazareth permet de faciliter les interactions entre les membres du Sanhédrin et le Christ. Le film met tout simplement un visage sur ceux qui ont causé sa perte.
Robert Powell a su s’imposer dans le rôle de Jésus et est devenu la figure la plus connue et la plus familière du Christ. Sa physionomie est depuis, régulièrement utilisée dans l’art populaire religieux, un fait rare pour toutes les autres interprétations cinématographiques de Jésus. Powell était alors un parfait inconnu qui auditionnait pour le rôle de Judas. Selon les rumeurs, Franco Zeffirelli pensait que ses yeux diamétralement bleus conviendraient à une bonne représentation du Messie. Il campe un personnage proche d’un homme ordinaire, doux, fragile et simple, ce qui à l’époque fit scandale car vu comme une dénaturation de la nature divine du Christ. Sa prestation est auréolée par une procession d’acteurs prestigieux. Pas moins de sept acteurs ayant remporté un Oscar ont participé au projet. Anne Bancroft, la célèbre Mrs. Robinson, incarne une Marie-Madeleine aussi bouleversante que convaincante, tandis que Claudia Cardinale fait une apparition aguichante dans le rôle de la femme adultère. Laurence Olivier et James Mason, deux monstres sacrés du cinéma anglophone, interviennent de manière touchante sous les traits respectifs de deux membres du Sanhédrin, Nicodème et Joseph d’Arimathie. Tout cela sans oublier Peter Ustinov, Anthony Quinn, Ernest Borgnine, Christopher Plummer, Rod Steiger, Donald Pleasance, Fernando Rey, James Earl Jones, la jeune Olivia Hussey dans le rôle de Marie et bien d’autres encore… La distribution de Jésus de Nazareth est plus conséquente que celles des grosses productions et des films catastrophe des années 1970.
Jésus de Nazareth reste probablement l’un des films les plus complets sur cette vaste partie du Nouveau Testament. Il se démarque incontestablement d’autres long-métrages s’étant fixés le même objectif. En 1961, Nicholas Ray réalisait Le Roi des Rois, un film 100 % hollywoodien, représentant un messie pour le moins juvénile, qui semble accorder toute son importance à la belle gueule de l’acteur principal, Jeffrey Hunter. L’Évangile selon Saint-Mathieu (1964), pourtant réalisé par le brillant Pier Paolo Pasolini, est un film long, sans rythme et émotionnellement pauvre, qui s’apparente plus à une œuvre hagiographique qu’à une œuvre cinématographique. D’autres comme La Plus Grande Histoire jamais contée de George Stevens (1965), ou Le Messie de Roberto Rossellini (1976) sont littéralement tombés dans l’oubli. Au contraire, La Dernière Tentation du Christ de Martin Scorsese (1988), et La Passion du Christ de Mel Gibson (2004) sont à prendre en considération. Le premier aborde de manière provocante et sulfureuse un sujet controversé et tabou pour l’Eglise : la prétendue relation entre le Christ et Marie-Madeleine. Quant au deuxième il met en scène les douze dernières heures de la vie de Jésus au travers d’une exacerbation de la violence. Dans un registre plus fantaisiste, on peut également citer Jesus Christ Superstar (1973), adapté de la célèbre comédie musicale homonyme d’Andrew Lloyd Webber et Tim Rice, habilement mis en scène par Norman Jewison.
Jésus de Nazareth fait partie des rares productions télévisuelles qui ont mérité leur place au panthéon du Cinéma. Il est et il restera le plus beau péplum mettant en scène toute la vie du Christ, et doit être vu au moins une fois. Avec environs 6 heures et 20 minutes de film, vous avez largement de quoi occuper votre weekend prolongé. Bonnes fêtes de Pâques !