Un mouvement qui rassemble autant qu’il divise
C’était l’évènement médiatique du week-end et la « Manif pour tous » en a contrarié plus d’un. Le mouvement peut se targuer d’être aussi controversé que la cause contre laquelle il se démène. Entre associations co-organisatrices fantômes, guerre des chiffres tournant au ridicule et violence tant physique que verbale, Frigide Barjot et ses militants n’ont pas fini de faire parler d’eux.
Les associations fantômes
Le Monde a publié trois jours avant la manifestation un article d’investigation sur la face cachée des associations co-organisatrices. Et le moins que l’on puisse dire c’est que lorsque les masques tombent, les visages pleurent. Effectivement, 32% de ces associations ne sont rien d’autres que des « coquilles vides », des instruments médiatiques pour témoigner d’un consensus illusoire. Seules 15 associations sur les 37 revendiquées ont une existence légale. Le mouvement utilise ces associations pour se défaire de son image « traditionaliste » et « catholique » et justifie ainsi, à chacune de ses prises de parole, d’une diversité montée de toute pièce. Pourtant si seulement 22% des collectifs ont une origine chrétienne claire, l’enquête du Monde nous apprend que la réalité est tout autre. Jérome Brunet, par exemple, qui dirige l’association « l’appel des professionnels de l’enfance », est également directeur diocésain de l’enseignement catholique dans la région Centre. Ce que révèle cette étude, c’est qu’en réalité, la « Manif pour tous » ne réunit pas autant de mentalités différentes qu’elle aimerait nous le faire croire dans son rassemblement nombriliste.
La guerre des chifres
Mais si l’on doit reconnaître un succès à la « Manif pour tous », c’est bien le nombre de ses manifestants. La préfecture de Paris estime leur nombre à environ 300 000. Une fois n’est pas coutume, le collectif lui, annonce plus d’un millions de contestataires. S’il semble bien difficile de parquer autant de gens sur l’avenue de la Grande Armée, il faut toutefois reconnaître qu’en terme de chiffres la manifestation est encore un succès. La réalité, elle, se situe sans doute entre les deux estimations. On remarquera tout de même que de nombreux enfants, n’ayant même pas l’âge de formuler une opinion, se sont retrouvés acteurs de cet agglutinement anti-mariage gay.
La violence
C’est d’ailleurs de la présence de ces enfants que découle la dernière polémique due au collectif. Des affrontements ont eu lieu au niveau des Champs-Elysées, incluant coups de matraques et gaz lacrymogènes. Si certains jeunes, et quelques très jeunes se sont retrouvés les yeux pleins de larmes, c’est bien qu’ils étaient présent sur les lieux d’affrontements, au-delà des limites prévues par la Préfecture durant la manifestation de dimanche. On déplorera donc le comportement de parents irresponsables autant que celui des policiers sans doute trop zélés. Mais l’on retiendra surtout une image, celle d’une manifestation qui rassemble autant qu’elle divise. Le comportement provocateur et les affirmations fausses de ses leaders rejaillissent sur la cause qu’ils défendent. Et a pour effet de créer une nouvelle catégorie de personnes : les anti-Manif pour tous.
Car s’il est un droit inaliénable dans notre République que celui d’avoir sa propre opinion, il n’est pas pour autant recommandé de la mettre en scène jusqu’à l’excès. S’il y a des arguments recevables chez les anti-mariages gays, il y a des comportements et des incohérences qui fragilisent sa crédibilité, dont le collectif « Manif pour tous ». Et le Sénat l’avait déjà compris. Au delà des chiffres, le mouvement va devoir apprendre à se tenir et à ne plus mentir s’il veut faire entendre sa voix. En attendant, le projet de loi continue son chemin, et risque bien d’aboutir.
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