Arthur Deschamps, co-réalisateur (avec Tom Bouchet) et coauteur (avec Hugo Benamozig) revient avec nous sur l’analyse de ce projet de court-métrage interactif.
« Le Bar du Saint Georges », c’est ainsi qu’est titré ce court-métrage dont le principe, à la fois orignal et novateur, est simple : vous, spectateur, influez sur le cours du film. A la manière des « Livres dont vous êtes le héros », nés dans les années 60 et dont les heures de gloire furent la décennie 80, « Le Bar du Saint Georges » appelle le spectateur à devenir acteur du récit.
Un scénario simple mais efficace
Le scénario est assez simple : un bar, des clients, un tenancier, et une prise d’otage. Au début de la prise d’otage s’offre alors au « spectateur-acteur » le choix entre trois personnages, chacun ayant ses caractéristiques propres et un lieu d’action différent. Par la suite, quel que soit le personnage choisi, d’autres actions vont être proposées pour permettre de faire évoluer le personnage au sein de l’histoire. Au total, quinze fins par personnages sont possibles et seule une série d’actions pour chacun conduit à une libération des otages.
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Pourquoi un tel projet, l’envie ?
De ce projet émane d’abord et avant tout l’envie d’un groupe d’amis de réaliser une fiction d’un genre nouveau, où le spectateur n’est plus uniquement passif mais prend court à l’évolution du récit. Toutefois, on trouve aussi la volonté d’essayer de réaliser un « film interactif qui a pour but de créer un débat au sein des spectateurs » nous explique Arthur Deschamps. En effet, le court-métrage fut présenté en salle, et afin de décider de telle ou telle action, les spectateurs étaient amenés à discuter entre eux des meilleures options possibles pour faire avancer le héros. « L’idée était aussi de faire plusieurs film en un » confit-il. Il faut dire qu’avec ses 15 fins possibles par personnage « Le Bar du Saint Georges » présente en effet plusieurs histoires, pour un total de 45 minutes de film.
Un travail d’écriture particulier
Afin de rendre lisible les différents scénarios possible, « le travail d’écriture fut essentiellement réalisé par arborescence » déclare le coréalisateur. Le spectateur ayant alors toujours le choix entre deux nouvelles actions pour le personnage qu’il a choisi, chaque action le conduisant alors vers deux nouveaux choix possibles. De plus, « l’objectif était de laisser un maximum de choix au spectateur », c’est pourquoi, hormis la scène d’exposition, les scènes sont très courtes (entre 30 secondes et une minute) afin d’appeler constamment le spectateur à prendre part au film. Le tout étant alors de trouver un rythme qui permette tout de même d’avoir l’impression de regarder un film et non de jouer à un jeu vidéo. Car, il faut aussi le rappeler, cette univers de l’interactivité, d’abord dans les livres, puis avec « Le Bar du Saint Georges » dans les films, n’est pas sans lien avec la naissance des premiers RPG et de leur succès continu depuis lors.
Puis, comme dans toute bonne histoire, il faut aussi veiller à ce que tout n’apparaisse pas cousu de fil blanc, « on a inclu des fins particulières, qui peuvent paraitre complètement décalées, parce que le but c’est aussi de surprendre le spectateur » confirme Arthur. C’est ainsi qu’à un moment le personnage féminin, Cassandre, refuse le choix du spectateur en s’adressant directement à l’équipe de tournage ; ou encore que Teddy se réveille dans son lit, supposant alors qu’il a rêvé toute l’histoire.
Peut-on toujours parler de spectateur ?
Telle est la question que l’on peut se poser avec la naissance de ces nouvelles écritures filmiques. Le mot même de spectateur ne convient plus tout à fait, puisque ce genre implique l’action de celui qui, auparavant, se contentait de regarder. Il agit dans l’histoire, et surtout il doit « gagner », atteindre le but qui lui a été donné. En l’occurrence, il s’agit ici de sauver les otages. Fin qui parait plutôt logique, mais nos auteurs auraient-ils pu demander à ces « spectateurs-acteurs » de tuer tout le monde et de partir avec l’argent de la caisse, sans qu’il n’y ait de protestations ? Peut-on demander au quidam de devenir, le temps d’un film, le « méchant », celui qui viole, tue, le tout sans sourciller, ou devront-nous rester dans des histoires plus bienséantes, plus politiquement correctes ?
Il est également intéressant de se demander dans quelle mesure l’artiste reste-t-il maitre de sa création ? Certes, il serait aisé de répondre qu’ayant déjà prévus tous les scénarios à l’origine, le rôle du spectateur ne se limiterait alors qu’à appuyer sur un bouton pour découvrir ce que lui réserve le film. Mais, le fait même de proposer tel ou tel choix de la part des auteurs ne sont pas sans liens avec ce qui devrait attirer le spectateur. Est-ce une nouvelle ère où le spectateur devient, plus encore qu’aujourd’hui, un consommateur auquel on propose un menu afin qu’il fasse son choix ? Quoi qu’un peu cynique cette vision ne doit pas être écartée d’un simple revers de mains, car comme le rappelait très justement Arthur Deschamps pendant l’entretien : « Faire un film c’est aussi faire des choix ». Lui, il a choisi de laisser le choix à ses spectateurs, espérons que cela lui réussisse !
Arthur Deschamps :
Venant tout droit du théâtre, et ayant participé au doublage de La véritable histoire du chat beauté, ce comédien de profession s’est lancé il y a quelques années déjà dans un projet de nouvelles écritures cinématographiques, dont le pilote n’est autre que Le Bar du Saint Georges.
Site du projet
Cédric Fuentes