Faute de repreneur, le magazine gay « Têtu » pourrait voir ses derniers jours arriver. Selon les informations du Monde, le redressement judiciaire prononcé le 1er juin va se transformer en une liquidation judiciaire, les difficultés financières du magazine étant trop importantes. L’audience au tribunal de commerce a été fixée au 23 juillet.
Un magazine en chute financière depuis des années
Cela fait maintenant deux ans que le magazine a été racheté pour un euro symbolique par Jean-Jacques Augier. L’homme d’affaires a tenté de redresser le titre pendant cette période, en vain. Les pertes se sont échelonnées à 500 000 euros cette année, bien qu’elles aient été légèrement réduites. Mais « Têtu » n’a jamais joui d’une situation financière confortable depuis le début de son existence. S’il est resté en vie, c’est grâce à son ancien propriétaire, Pierre Bergé qui a comblé ses pertes au fil des années. Après cette longue période de perfusion financière, le magazine semble aujourd’hui tirer sa révérence.
Deux offres de reprise ont été pourtant déposées au bureau de l’administration judiciaire. Mais elles n’ont pas réussi à convaincre. Parmi elles : un projet de financement participatif appelé « Rachetons Têtu ». La plate-forme n’est cependant pas parvenue à rassembler un nombre assez large de lecteurs. De son côté, la rédaction a lancé un appel de soutien aux décideurs et investisseurs sensibles à « l’importance de porter une information différente, respectueuse des personnes LGBT, et soucieuse du vivre-ensemble ». Aucune des deux démarches n’a abouti.
Le magazine #Têtu proche de la fin. Un appel à soutien est lancé http://t.co/dfbI3Pitkx
— Elodie Schwartz (@schwartzelodie) 15 Juillet 2015
L’homosexualité, un sujet encore tabou dans nos sociétés
Cette crise est un peu paradoxale pour Yannick Barbe, directeur de la rédaction de « Têtu », le mariage pour tous ayant été voté il y a deux ans. On se souvient de la première Une de « Têtu » en 1995 où le mot « Sortez » était inscrit sur la page de couverture. Une façon de souligner la nécessité de rendre visible le phénomène d’homosexualité. Un sujet qui reste encore tabou dans un grand nombre de sphères de la société. En témoigne l’article de Mediapart sur l’homosexualité chez les politiques, qui fait part du blocage des politiques à assumer publiquement leur orientation sexuelle. Pour donner un chiffre : seuls cinq élus sont ouvertement gays ou lesbiennes sur 1000 parlementaires.
De même, des animateurs télé tels que Marc Olivier Fogiel, Laurent Ruquier ou Stéphane Bern, qui ont fait leur propre coming-out ne souhaitent pas s’étaler sur le sujet dans les médias. Le magazine « Têtu » avait en effet beaucoup de mal à obtenir des interviews ou enquêtes avec eux. Il en reste que le magazine « Têtu » présentait quand même quelques lacunes, notamment au niveau de la représentation des femmes. Les lesbiennes font très peu la couverture, à l’inverse des hommes, souvent jeunes et blancs.
Clarisse Duppré