Rencontre avec Boubakeur Bekri Vice Président du Conseil Régional du Culte Musulman.
M Bekri, peut-on encore rire de tout ?
On peut rire de tout et on doit rire de tout, mais à condition que ce tout soit définit.
Je pense que ce qui est dangereux c’est de s’enfermer dans le refus de la critique.
Mais attention à ne pas virer dans le blasphème. En effet la frontière est mince. Si chacun avait respecté les distances et les limites on ne se poserait pas cette question aujourd’hui.
Peut-on rire de la religion ?
Oui, il faut critiquer. la critique fait partie de la dimension humaine mais la religion reste un sujet délicat. Si l’on prend le cas des caricatures de Charlie Hebdo, elles n’ont pas la même trajectoire selon le culte représenté. C’est à dire que l’interprétation des musulmans comparé à celle des chrétiens ou des juifs, n’aura pas la même ampleur. Tout cela est dû aux difficultés d’intégration et d’accès à la culture française de la part des musulmans. On ne peut donc pas mettre ces caricatures sur le même plan à cause d’une « offense » au prophète qui est sacralisée.
Attaquer une religion c’est souvent tendancieux mais ça ne complique que les relations entre citoyens.
D’après vous, quel est le but de Charlie Hebdo ?
Ce journal est censé être laïque et donc pas raciste mais je pense qu’il ne l’est que d’apparence. A la création de Charlie Hebdo, les caricatures permettaient de dénoncer les injustices, avec le temps il a suivi une mauvaise direction et aujourd’hui développe une forme d’islamophobie. Il cherche à attirer plus l’attention qu’à corriger la société comme à l’époque. Quand on critique, il faut accepter la critique.
Pensez-vous que Dieudonné est là pour exacerber les tensions ?
Si Dieudonné décide de critiquer des hommes, il en a le droit, mais il ne faut pas qu’il y ait de confusions. Je me permets d’associer la question de Dieudonné avec celle d’Éric Zemmour par exemple. Ils peuvent rire des individus mais pas des notions sacrées d’un peuple, comme la déportation.
Leur but est de jouer sur ce qui fait la sensibilité du moment.
Il faut faire preuve de bon sens, tout en se rappelant que le bon sens n’est pas le contraire de la liberté.
Propos recueillis par Mallaurie Clément.