Les périodes d’alternance génèrent chez l’opinion publique des attentes considérables. La victoire de François Hollande en mai dernier est plus la résultante de ce que l’on appelle « le vote sanction », ou « le vote de crise », que la volonté de voir l’ancien secrétaire du Parti Socialiste à l’Elysée. L’enjeu était le suivant : sanctionner Nicolas Sarkozy, et favoriser une politique de rupture. François Hollande accède donc au pouvoir avec le devoir de faire mieux que son prédécesseur, et plus exactement, de faire mieux en changeant tout. Est-ce réaliste ? Est-ce même possible ? Quoiqu’il en soit, ces considérations préoccupent peu les français. Ils souhaitent avoir des certitudes, et maintenant. A ce titre, il existe un indicateur : celui du respect des promesses de campagnes. Selon un sondage Ifop paru dans le JDD, plus d’un Français sur deux estiment que François Hollande ne tient pas ses promesses. Si la défiance à l’égard du nouveau gouvernement est grandissante, un petit tour d’horizon des serments proférés et non-respectés par le nouveau chef de l’Etat s’impose.
1. La fin d’une politique d’austérité en Europe
François Hollande avait fait de la renégociation du traité de discipline budgétaire européen un thème de sa campagne. Le candidat socialiste souhaitait ajouter un volet sur la croissance et la création de nouveaux emplois. Mais quelques jours seulement après son arrivée au pouvoir, son ambition est balayée d’un revers de main par Angela Merkel. Le jeudi 10 Mai, la chancelière allemande annoncera son refus de revenir sur ce texte. « Une croissance par des réformes de structures est importante et nécessaire (…) Une croissance à crédit nous ramènerait au début de la crise. Nous ne le voulons pas, nous ne le ferons pas ». Premier couac pour la politique de François Hollande, qui a néanmoins réaffirmé récemment (pour Latribune.fr) que « l’austérité n’était pas une fatalité ». Finalement, le chef de l’Etat défendra bien la rigueur au côté de la chancelière allemande. Le traité budgétaire européen sera adopté, et François Hollande sera confronté à sa première fronde à gauche.
2. Le style présidentiel
« Moi président, je ne serai pas le chef de la majorité ». A-t-on déjà vu, dans l’histoire de la cinquième république, un chef d’Etat soutenir publiquement ou officieusement un candidat plutôt qu’un autre ? Quand François Hollande soutient UNIQUEMENT Ségolène Royal, en balance à La Rochelle avec le dissident PS Olivier Falorni lors des dernières élections législatives, n’outrepasse t’il pas ses fonctions ? N’a-t-il pas promis devant les français qu’il ne serait jamais le chef de la majorité ? Pour certains, le président français signe là sa première gaffe.
3. La taxe à 75%
Début septembre, l’Elysée assure que rien n’est tranché concernant la taxe à 75% sur les très hauts revenus. Le gouvernement dément un quelconque renoncement. La promesse sera « strictement respectée », avait ainsi assuré le ministre de l’Economie Pierre Moscovici. Néanmoins, si l’application de la mesure avait été annoncée comme l’une des priorités de la politique fiscale du nouveau gouvernement, elle prend sérieusement du plomb dans l’aile. Il semble que l’idée ait été lancée, mais qu’il n’y ait pas eu de vraie réflexion sur la concrétisation d’une telle mesure : « Il y a plusieurs scénarios sur la table sur l’assiette, les modalités. La question devrait être tranchée en début de semaine prochaine » avait expliqué Pierre Moscovici pour Le Figaro. Quelques jours plus tôt, le journal cité avait révélé que le projet de taxe à 75% a été revu à la baisse. La taxation ne devait concerner que les revenus du travail, et ne s’appliquera qu’à partir de deux millions d’Euros pour les couples. Plus d’un mois après le démenti de l’Elysée, on attend toujours.
4. Le non-cumul des mandats
Le non-cumul des mandats, «on le respecte, ou bien on quitte le parti». Lancée par Martine Aubry en août dernier à La Rochelle, l’injonction a-t-elle eu l’écho souhaité chez les parlementaires socialistes ? Pas sûr. Les députés et sénateurs socialistes avaient jusqu’au lundi 1er octobre pour choisir entre leur mandat national et leur mandat exécutif local. Un choix que de nombreux élus se sont refusés à faire, apprend-t-on dans Le Parisien daté du même jour.
Pourtant, au moment de leur investiture, les candidats aux dernières sénatoriales et législatives s’étaient engagés par écrit à abandonner leur siège de maire, maire-adjoint, président ou vice-président de conseil général, de région, au plus tard au 1er octobre 2012, en application d’une réforme des statuts du PS adoptée en 2010. Pas toujours facile pour un président de se faire respecter par sa majorité.
5. Le Blocage des prix de l’essence
Avant la présidentielle, François Hollande s’était engagé à bloquer les prix de l’essence pour trois mois dès le début de son mandat. Il n’a entrepris aucun blocage depuis son élection. Il s’agissait de « redonner du pouvoir d’achat aux Français et améliorer leur vie quotidienne ». Le ministre de l’Economie, Pierre Moscovici, s’est engagé le 14 août, avec deux mois de retard, à prendre à la fin du mois « des mesures appropriées » pour limiter la hausse du prix des carburants. Le blocage promis, en revanche, semble bel et bien enterré : « Si vous gelez les prix pendant trois mois et que vous les laissez repartir après, vous n’avez rien résolu », a-t-il expliqué le 22 août. D’une logique implacable. Et trois mois plus tard ?
» Les promesses n’engagent que ceux qui y croient. »
Tristan Molineri