Les dernières législatives ont beaucoup fait écho dans les médias. Les caméras de la France entière étaient toutes braquées hier sur les élections à Villeneuve-sur-Lot, pour la succession de Jérôme Cahuzac, ministre déchu. La peur que le Front National l’emporte sur le candidat UMP était le premier mobile des médias. Mais que vont réellement changer toutes ces dernières législatives partielles dans le paysage politique français ?
Jean-Louis Coste, candidat UMP, a été élu hier député de la Troisième circonscription de Lot-et-Garonne, avec 53,76% des voix. Ce n’est pas la première élection partielle remportée par l’opposition depuis leur destitution du pouvoir, en 2012 : les huit dernières législatives ont été remportées par un membre ou allié de l’UMP.
Les législatives partielles sont historiquement des instruments de contestation du pouvoir en place. Un président, quelle que soit sa filiation, finit par décevoir. Les attentes qui leurs étaient formulées sont rarement remplies. Au même titre que les référendums ou les élections européennes, les législatives partielles ont tendance à basculer en faveur de l’opposition. C’est une manière de tirer la sonnette d’alarme, pour avertir l’exécutif Il est donc tout à fait normal que le Parti Socialiste perde des sièges à l’Assemblée. Najat Vallaud-Belkacem le voit comme une « tradition » pour le gouvernement aux « responsabilités ». Par ailleurs, il s’agit pour certaines élections de «députés des Français de l’étranger et le nombre de participants est extrêmement faible ».
Maintenant, quelles en sont les conséquences pour le gouvernement en place ? Avec la destitution de plusieurs députés PS au profit de l’UMP, la majorité présidentielle se fracture, l’opposition aux projets de loi n’en sort que plus forte. Quant aux « alliés » du gouvernement, ils sont de plus en plus nombreux à remettre en cause la politique de l’exécutif. Il n’y a plus que des alliances de circonstance, François Hollande est jugé trop social-démocrate, pas assez « de gauche ». Certains députés socialistes remettent même en question sa capacité à gouverner et votent contre des projets de loi. Pascal Cherki, député-maire du 14e arrondissement de Paris, avait attaqué François Hollande « quand on est président de la France, on n’est pas conseiller général d’un canton ». Ou encore Ségolène Royal d’assener sur Twitter :
Le score du FN a Villeneuve par rapport à celui de 2002 appelle une profonde analyse et un sursaut politique.
— Ségolène Royal (@RoyalSegolene) June 23, 2013
Les socialistes bénéficient à eux seuls d’une majorité confortable à l’Assemblée Nationale. Depuis un an, ils ont perdu 4 sièges à l’Assemblée, ce qui veut dire que s’ils sont privés de trois autres, ils se verront dépossédés de leur majorité absolue ; difficile de gouverner sans. De plus, les verts et l’extrême gauche se détachent de cette majorité présidentielle. Les ministres écologistes Cécile Duflot et Pascal Canfin agissent même contre leurs camarades du gouvernement : ils ont fait voter un texte de loi contre le texte de la ministre Fioraso sur l’enseignement supérieur. Ils sont donc en position de chantage envers et contre le gouvernement.
Une « défaite au goût de victoire » pour le FN
Les électeurs sanctionnent un gouvernement dépouillé des promesses de campagnes mielleuses. L’UMP a beau sortir de son coma en se réconciliant avec des anciens votants socialistes, le Front National gagne en popularité. Au-delà d’une idéologie « anti-immigrationniste », le FN c’est surtout le nihilisme, le « ni PS, ni UMP », le vote anti Front-Républicain. Si le parti de Marine Le Pen est sur une bonne dynamique, c’est que l’on assiste à une crise de confiance : les législatives partielles ont lieu après l’invalidation de l’élection d’un député – souvent en raison d’acte de corruption ou frauduleux ; on assiste alors à une surenchère vertueuse.
Sur les huit élections partielles, le FN s’est porté trois fois au second tour. L’élection à Villeneuve-sur-Lot ne s’est jouée qu’à 7 points d’écart entre le FN et l’UMP. S’il n’y a que deux députés étiquetés « FN » au Palais Bourbon, Florian Philippot assure qu’en cas d’élections législatives imminentes, son parti remporterait « une quarantaine de siège » à l’Assemblée Nationale.
François Hollande se trouve donc dans un étau, entre enclume et marteau, attaqué à la fois par les partis traditionnels de droite (UMP et UDI), par ses alliés de campagne qui commencent à se mutiner (PG, EELV), par les partis contestataires (FDG, FN), tandis que leurs alliés solfériniens observent un silence coupable. Mais cela reste à relativiser, le groupe parlementaire PS détient la majorité absolue, de quoi faire passer confortablement la plupart de leurs réformes à l’Assemblée. Le Front National et le Front de Gauche en tant que partis contestataires réalisent uniquement de très bons scores au premier tour des présidentielles. Même si le Front de Gauche se place en opposition face au gouvernement, force est de constater qu’il est… de gauche, donc qu’il pourrait se rapprocher de l’idéologie du pouvoir exécutif, c’est pourquoi il n’attire pas tellement les foules. Pour le reste, le FN a beau avoir réalisé un score sans précédent en Lot-et-Garonne, il n’a que 2 députés sur 577 à l’Assemblée, aucun Sénateur, aucun maire, et seulement 63 conseillers municipaux : le « Parti Républicain » – l’UMP et le PS, est loin d’être mort et enterré.