Crédit image de une : Gaspard Duval
On entend souvent dans les discutions mondaines que Paris est un gruyère truffé de métros, parkings et autres caves. Mais en dessous de ces ramifications citadines se cache un monde interdit, mystérieux, lugubre : Les catacombes. Vous en avez certainement déjà entendu parlé, peut être avez vous déjà visités les officielles à Denfert-Rochereau ? Ici il est questions de l’envers du décor, les plus grandes, les plus belles, celles qui cachent encore bons nombres de leurs secrets. Il parait que c’est dangereux, que c’est un repaire de skinheads et d’autres conneries véhiculées encore et encore par les ragots. Les gens se sont toujours passionnés par l’inconnu et l’inconnu attise encore les fantasmes les plus fous. Nous voila dans 300 Km de réseaux truffés d’histoire, d’anecdotes. Voici Paris comme vous ne l’avez encore jamais vu. Sa face cachée…
Le rendez-vous était fixé. 16 h, sud de Paris. L’équipe se prépare. Deux guides ont été prévus pour l’occasion. Aller dans ce Paris là ne s’improvise pas. Les catacombes, c’est humide, ça tache, il n’y a pas de lumière. Aller dans les catacombes, c’est accepter de se couper du « monde du dessus » quatre, cinq heures voir plus. Ça y est la trappe est ouverte, la rentrée se fait rapidement, l’accès est illégal et passible d’amende. Lampe à la main, on se lance dans une échelle sans fond. Il faut descendre à 30 mètres sous terre. La température ambiante est de 16 à 17 degrés toute l’année. Les couloirs y sont étroits, le plafond bas, l’eau monte parfois jusqu’au bassin et les chatières à traverser obligent à y ramper. Bref, les catacombes se méritent à qui y donne de la bonne volonté et un peu d’abnégation. Ces couloirs mènent à des salles ou à des endroits connus des catacombes. Certaines servent pour des fêtes (Cataloween, fête ayant réunit 400 personnes), d’autres pour des interactions communautaires (comme la bibliothèque ou le couloir des promotions qui reçoit chaque année un graph d’une promo de l’école des Mines). Notre premier arrêt se passe à Château, une salle qui porte bien son nom puisqu’un château y est taillé dans la roche au fond. Une table au milieu, des gargouilles et des bougies prévues pour l’occasion.
Le moins que l’on puisse dire, c’est que l’ambiance est chaleureuse ici. A coté d’ici, la salle des plantes, sorte d’ambiance tropicale joliment reconstituée avec ses fleurs en plastique et une pousse de cannabis qui à été laissée par un cataphile avec un mot à l’attention de celui qui voudra bien la prendre chez lui pour la faire pousser. Endroit illégale y entraîne transactions illégales, mais le but ici n’est pas le deal, d’ailleurs, il n’y a pas de deal dans les catacombes. Le mot de profit n’est pas apprécié dans cet endroit aux tendances alternatives et libertaires. La valeur de partage revient le plus souvent lorsqu’on discute avec des habitués du coin. Ils viennent ici se couper du monde, passer du bon temps et explorer toujours plus d’endroit. Sorte de passionnés de ce qui sort de l’ordinaire. Non, ce n’est ni un repaire de toxico, ni un abris pour marginaux. Ici, la plus part des habitués se réunissent dans des salles, picolent des bières et refont le monde en se faisant tourner quelques joins. Loin des rumeurs dépeintes à l’extérieur donc. D’autres explorent, c’est le cas des deux passionnés que l’on rencontre dans une autre salle phare de ces sous-sols : La Plage. Ici, une fresque dessinée par la légende du coin, Psycho, grapheur et cataphile très respecté par les connaisseurs. Toujours le même rituel, bougie, ou feu pour les mieux équipés en spéléologie. La musique raisonne et les plafonds sont hauts. Un grand espace pouvant accueillir plus d’une centaine de personnes. On se sent dans un des éléments centrale des catacombes. Mais cet endroit en cache un autre, beaucoup moins connu : le cinéma clandestin des catacombes. Non, loin, derrière une chatière. Nous pénétrons. Derrière, un vrai cinéma, décoré de fresque. Mon ami me confie que des projections ont lieues souvent ici entre habitués, des films connus aux plus engagés.
« Ici, c’est la salle des étoiles »
On reprend la marche, les jambes se font lourdes mais il faut continuer. Au fond d’un couloir, une petite salle. Le guide nous dit de nous arrêter. Ici, il faut se détendre, c’est la salle des étoiles. Allongés, on prépare le petit rituel comme il se doit, les étoiles doivent se gorger de lumière, elles sont phosphorescentes. Un Chopin ou un Beethoven feront l’affaire ici. L’idée, oublier le monde qui nous entoure et se prendre à rêver, la lumière s’éteint et offre un splendide spectacles. Cet endroit à l’ambiance singulière est le seul endroit sous terre qui nous transporte dans les étoiles. La marche reprend, les guides s’orientent, la route sera longue jusqu’à notre prochain arrêt ou nous attend un autre groupe. Les couloirs aussi dégagent une ambiance peu commune, les panneaux indiquant les rues marquent l’identité purement parisienne de ce lieu. Pas le temps de passer par la brasserie, anciennes grandes cuves ou l’on produisait de la bière dans les catacombes, le retard prit nous oblige à presser le pas. Le chemin est l’occasion d’échanger encore quelques anecdotes croustillantes. En effet, les catacombes permettent l’accès à bon nombres de lieux stratégiques, comme l’abris de Xavier Niels, patron de free, l’abris anti-atomique du sénat, le bunker datant de la seconde guerre mondiale, l’abris FFI de la même période, un amphi à ASSAS ou encore le 6ème sous sol de la tour Montparnasse. Ceux qui connaissent ces lieux peuvent donc avec un peu d’équipement accéder à peu prêt n’importe ou dans Paris via le réseau du 13 eme, du réseau sud , le réseau du 16eme ou le réseau nord.
Ce qui revient le plus souvent quand on parle des catacombes, c’est évidement la présence de crânes et d’os. Cette légende est véridique, que ce soit dans les catacombes officielles où non officielles. Dans les catacombes non officielles, on appelle cette zone l’ossuaire. L’explication de la présence de ces os est simple. Au XVIII eme siècle, la commune de Paris décide le transfert de 6 millions de dépouilles pour des raisons de salubrités publiques. Une fois entrés dans l’ossuaire, c’est un véritable par-terre d’os qui s’offre à nous. Impressionnant, morbide, le fait de penser que nous avons affaire à des os humains nous donne une sensation de malaise palpable. Il faut un léger temps d’adaptation. Mais le lieu est connu et prisé. En effet, bon nombre de novices sont emmenés ici car, pour beaucoup, l’intérêt des catacombes réside dans une sorte de voyeurisme morbide dépourvue de toute information sur le contexte historique. A l’entrée de l’ossuaire, une bouche nous rappelle qu’on est bien à 30 mètres sous terre, dans le royaume des morts. Il faut savoir que les catacombes se détachent par fois en 3 étages différents dont la cartographie n’est pas encore tout à fait établie pour les parties les plus profondes.
Enfin arrivé dans la salle finale, le rendez vous était donné avec un groupe d’amis guidés par d’autres cataphiles. Pour manger, ici, c’est plan débrouille, et ça marche plutôt bien. L’un de nos guides avait prévu un réchaud, de l’eau et une casserole nous permettant de préparer un couscous. Prévoir à manger est essentiel, ici, pas de kebab ni de domac. La salle est grande et un comptoir sculpté sur le côté donne une ambiance « bar » à l’endroit. L’exotisme du lieu prête à échanger et passer un bon moment. La propreté est par contre essentielle. Des sacs poubelles sont prévus pour l’occasion. Ici, un cataphile peut vous faire le reproche d’avoir laissé une canette par terre. Ce fut le cas d’un trentenaire de passage nous offrant le spectacle d’une engueulade inter-cataphile plutôt originale. Oui, même dans les catacombes, il y’a des vieux cons frustrés et maniaques, à croire qu’ils ont envahis le monde. Ce que je décrit ici n’est ni le paradis, ni l’enfers, juste un endroit original. Les codes changent ici. La vie entre cataphile est différente des codes sociaux imposés en haut. Comme une société parallèle en soit. La sortie se fera tard le soir, via une galerie PTT en utilisant des escaliers faisant penser à ceux d’une mine. Il faut sortir vite, comme à l’entrée. Il serait dommage de gâcher le tout avec une amende salée. Mouillés, fatigués, éméchés, les cataphiles d’un soir tirent leur révérence.