Paul Dubrule, co-fondateur de l’empire hôtelier ACCOR et ancien sénateur UMP publie une lettre ouverte à Jean Luc Mélenchon aujourd’hui dans les colonnes du Cercle-Les Echos. Exilé fiscal en Suisse depuis 2006, où il économiserait plus de 2 millions d’euros par an en étant soumis au forfait fiscal suisse, il est la cible du candidat à la présidentielle pour le Front de gauche. Par cette lettre, celui qui est à 77 ans, selon Challenges, à la tête d’une fortune de prés de 128 millions d’euros, souhaite délivrer sa vérité.
Cher Monsieur Mélenchon, vous parlez trop de moi, pas toujours en termes sympathiques, mais qu’importe. En revanche, vous devriez mieux vous informer pour ne pas déformer la réalité par une méconnaissance des sujets que vous évoquez – ce n’est pas juste, ni même honnête vis-à-vis de ceux qui vous suivent, vous et vos idées.
Passons sur le terme « exilé fiscal » qui est inapproprié, vous le verrez plus loin. Vous condamnez sans procès et me jetez à la vindicte populaire par ignorance et parce que cela vous arrange.
Savez-vous que je vais payer cette année, en 2012, suivant mes dernières estimations environ 1.250.000 euros d’impôts, en France ? J’ai bien dit en France, et chaque année. Les procès en mauvaise citoyenneté et en incivisme, contre celui (ou ceux) que vous appelez l’« exilé fiscal », servent sans doute votre discours, mais sont faux et manipulatoires. L’« exilé fiscal », que je suis selon vous, a donné plus d’impôts à la France que M. Jean-Luc Mélenchon.
Vous êtes un magnifique tribun, j’avoue même prendre plaisir à vous écouter. L’ennui, c’est que le charisme allié à la démagogie a toujours conduit, de tout temps et dans tous les pays, quand ils ont triomphé, à des dérives politiques et à des drames sociaux.
J’ai créé Accor avec Gérard Pélisson. J’étais seul au début et quand nous avons pris notre retraite, nous étions 160.000. Nous avons toutes et tous payé des impôts et nous continuons tous d’en payer, y compris l’entreprise que nous avons créée.
Mais cette question d’impôts est secondaire à côté de la fierté d’avoir permis à ces 160.000 cadres et employés d’avoir un métier et un emploi, et pour beaucoup, grâce à la formation, d’aller de promotions en brillantes carrières.
Mais au-delà de vos effets de tribune et de bateleur de l’indignation, j’ai la conviction que, comme vos adversaires désignés, vous nourrissez votre propre forme de « stigmatisation », pour reprendre un terme en vogue : en l’espèce à l’égard de tous ceux qui entreprennent, ceux qui souhaitent changer leur propre vie, ceux qui ont envie de construire. La réussite financière est souvent un moteur pour ceux-là, mais ne constitue qu’une gratification dans un parcours dont la finalité est très souvent beaucoup plus noble. Vous connaissez mal les entrepreneurs et ce qui les anime, à savoir la passion de l’aventure humaine et collective.Bien heureusement vous ne serez pas élu mais vous ferez un score non négligeable. Vous aurez vendu de l’illusion à ceux qui rêvent du grand soir. Je ne voterai pas pour celui qui est le plus beau, le plus charmeur, le meilleur tribun, le plus cultivé ou celui qui prône « l’insurrection » politique.
Je voterai pour celui qui travaille, qui a le courage de prendre des décisions et, quand l’une d’elle s’avère mauvaise, de la corriger et de repartir de l’avant, non pas un « démolisseur » mais un « bâtisseur », qui n’a pas peur d’être parfois impopulaire même si cela n’est pas vraiment bon en période électorale. Je voterai pour celui qui croit à la force des projets collectifs que sont les entreprises pour transformer nos sociétés, les rendre meilleures, plus justes et plus intégratrices. Pour le besoin du pays et de ceux qui y vivent, celui-là doit gagner.
Cher Monsieur Mélenchon, vous pouvez continuer à vous servir de moi dans vos meetings, cela ne me dérange pas, mais vous abusez ceux qui vous font confiance. Vous avez besoin d’exister et cette élection vous donne une tribune qui vous permet de briller et vous brillez au détriment de ceux qui vous suivent.
Dans l’attente de vous lire, je vous prie de croire en mon estime mitigée.
Paul Dubrule
Christophe Crépin